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Chapitre VII
Le soleil de Douala avait décidé de venir me réveiller ce matin. Un rayon avait réussi à s’infiltrer et à venir directement sur mon œil droit. Après avoir résisté pendant quelques minutes, je me suis finalement résigné et j’ai ouvert l’œil. J’ouvrais mes yeux en cherchant les bras de Serges mais il n’était pas dans le lit. Alors j’ai regardé l’heure sur mon téléphone et il était déjà pratiquement neuf heures. J’ai pris un de ses grands t-shirts et je suis allé le retrouver.
Serges était à la porte d’entrée et il semblait discuter avec quelqu’un. Je ne voyais pas qui c’était. Il avait entrouvert la porte et arrêtait le battant comme s’il ne voulait pas que la personne entre. D’ailleurs, avant de refermer la porte, je l’ai entendu dire : « je ne veux plus que tu mettes tes pieds ici. Laisse-moi tranquille. »
A qui pouvait-il s’adresser ? Qui d’indésirable avait bien pu débarquer de si bonne heure chez lui ? Encore une autre attitude suspecte de Serges. En se retournant, c’est une mine surprise qu’il a laissé s’afficher en me voyant.
- Moi : A qui est-ce que tu parlais ?
- Serges : Hein ?
- Moi : A qui est-ce que tu disais de ne plus mettre ses pieds ici ?
- Serges : Ah ! Un cousin qui m’énerve.
- Moi : Comment ça ?
- Serges : Il vient toujours chez moi pour me demander l’argent. C’est rien.
La ménagère de Serges qui faisait la poussière au salon, avait lancé un vif regard dans notre direction. Cela m’avait amené à ne pas croire ce qu’il disait. J’étais sûr que Serges me mentait. Je ne savais pas exactement qui c’était mais ce n’était certainement pas un cousin intéressé qui était venu.
Plus les jours passaient, plus l’attitude de Serges était suspecte. Je me posais de plus en plus des questions sur lui. Qu’est-ce qu’il cachait ? Il fallait que je le découvre avant de définitivement m’engager avec lui. En attendant de faire ma petite enquête, je me suis occupée comme si de rien n’était de Serges et de sa maison. J’ai tenu à faire moi-même la cuisine. En dehors de la nourriture du jour j’ai aussi préparé pour dimanche et pour lundi. Je me disais que tant que je n’avais pas de preuves formelles, il n’y avait pas de raison pour que je ne joue pas mon rôle de femme.
Avant d’aller chez mon oncle pour la cérémonie du toquer à la porte, je décidai de m’arrêter chez Stephy pour la tenir au courant des derniers incidents.
- Stephy : Alors raconte.
- Moi : Il y a tellement de choses.
- Stephy : Quoi ?
- Moi : Bon je commence par le plus grave. J’ai vu Patrick hier.
- Stephy : Hein ? On a dit que tu ne devais pas le voir non ?
- Moi : Ça s’est fait par hasard. C’était l’anniversaire de Papy. Il était là-bas.
- Stephy : Mince ! Donc il connaît Papy ?
- Moi : En fait, sa fiancée est la cousine de la femme de Papy.
- Stephy : La fian quoi ? Donc il est fiancé ?
- Moi : Mama oui. Et il se marie aussi à la fin de l’année comme moi. si tu voyais sa go, elle est belle.
- Stephy : Dis donc Cathy. Ce Patrick est un Diable comme son frère.
- Moi : Hein ?
- Stephy : C’est l’esprit de tentation qu’on t’envoie pour te pousser à faire les mauvais choix.
- Moi : Je ne compte pas céder à une quelconque tentation.
- Stephy: Gnè gnè gnè gnè. Mouf! Tu parles déjà de lui en bavant.
- Moi : Non ce n’est pas du tout ça je t’assure. Mais comprends quand même que ça me fasse un choc qu’il soit de retour.
Stephy fit mine de réfléchir un instant. Puis elle hocha la tête pour dire qu’elle comprenait. Je dois avouer qu’elle avait raison. Comme pratiquement toujours d’ailleurs. Patrick revenait vraiment comme un tentateur. Et le pire c’est que j’avais peur de faillir. Je pensais à lui aussi souvent que je pensais à Serges. J’avais l’impression d’avoir deux hommes dans mon cœur. Comme si je les aimais tous les deux. Ça ne pouvait pas être possible. Ça ne devait être qu’un seul homme et il fallait que ce soit Serges. Ma vie était plus calme avec lui. Même comme depuis quelques jours, quelques problèmes faisaient leur apparition.
- Moi : Ce n’est pas tout.
- Stephy : Quoi ? Ne me dis pas que le salop veut Dani ?
- Moi : Non pas ça. Je crois que Serges me trompe. Ou alors il a eu une aventure avec une fille et ça le rattrape.
- Stephy : Tu dis ça à cause des messages ? Ma chérie je t’ai dit que tant que tu n’as pas eu la preuve ne pense pas à ça. On connait les vipères de ce dehors.
- Moi : C’est ce que je pensais aussi au début mais son attitude est bizarre de jour en jour.
- Stephy : Comment ça ?
- Moi : Il me ment pour certaines choses. Tu te rappelles que je t’ai dit qu’il devait voir un de ses amis pour avoir le nom du destinateur ?
- Stephy : Oui.
- Moi : Il m’a caché le nom de la personne. J’ai dû trouver cette information par moi-même.
- Stephy : Hein ? Donc tu sais déjà qui c’est ?
- Moi : Oui. Une fille à l’église là.
- Stephy: Euye ! A l’église? Yes papa!
- Moi: Serges et moi allons lui parler demain après l’église.
- Stephy : Toi la fille-ci ta part de naïveté me dépasse. Tu pars la voir avec Serges pourquoi ?
- Moi : Il m’a assuré qu’il ne sortait pas avec elle. Et si il veut qu’on aille la voir ensemble…
- Stephy : C’est peut-être pour contrôler ce que cette fille te dira.
- Moi : Donc que j’aille la voir avant demain ?
- Stephy : Non. Nous allons partir ensemble.
Une fois de plus Stephy avait raison. Une amie précieuse cette fille. Je connaissais où Madeleine habitait. Nous avions effectué une visite chez elle alors qu’elle était très souffrante. Alors nous y sommes allés. Tant mieux pour moi, ce n’était pas très loin de chez mon oncle chez qui devait se passer la cérémonie. Plus on se rapprochait de la maison de Madeleine, plus mon cœur battait plus vite et plus fort. Je redoutais sérieusement ce que j’allais apprendre. Nous allions voir son vrai visage une chose est sûre. Je la voyais déjà en train de nous traiter de tous les noms comme dans ses messages. Tout ce que Stephy souhaitait. Mami problème avait déjà acheté le cas. Elle n’arrêtait pas de dire dans le taxi que cette fille était une salope qui voulait détruire mon couple avec Serges. Elle avait deux hypothèses. La première, entre Serges et Madeleine il ne s’était jamais rien passé. Et comme elle voulait mon mec elle essayait de mettre la zizanie. La deuxième, Serges m’avait ou me trompait avec elle et ayant découvert nos projets de mariage, elle voulait détruire ça. J’espérais vraiment que ce serait la première hypothèse.
Nous étions arrivés chez Madeleine. Elle habitait dans une concession familiale. Ça j’avais oublié. Si notre discussion se transformait en bagarre, nous allions à coup sûr nous donner en spectacle ici. Mais Stephy s’en foutait. Elle voulait seulement donner une bonne leçon à cette fille. Donc alors que moi j’hésitais encore devant le portail, Stephy poussait déjà le portillon. Hum ! On ne discute même pas stratégie ? On débarque comme ça ?
- Stephy : C’est quelle maison ?
- Moi : Là-bas.
Une fille engagée massa ! Il y avait un homme torse-nu à la véranda de Madeleine. Il se brossait les dents en crachant à la devanture de la maison. Vraiment hein ! Pourtant il y avait les toilettes. Je le savais parce que cette fois où nous lui avions rendu visite, j’étais parti aux toilettes. J’étais enceinte à cette époque. Par contre, je ne croyais pas me souvenir qu’un homme y vivait. Les ardeurs de guerrière de Stephy en prirent un coup quand elle vit le mec baraqué.
- Moi : Bonjour monsieur, nous cherchons Madeleine Pemha.
- Le monsieur : Asseyez-vous là.
Il pointa deux bancs. Mais nous n’avions pas envie de nous asseoir. Ce n’était pas indiqué vu la raison pour laquelle nous étions venus. En plus, la présence de ce type n’arrangeait pas les choses. On n’allait pas pouvoir secouer l’enfant d’autrui comme il le fallait.
- Madeleine : Cathy ??? Il y a un problème ?
- Moi : Non…
- Stephy : Oui il y a un problème.
- Madeleine : Hein ? Quoi ??
- Stephy : Nous sommes venus savoir pourquoi vous lui envoyez des messages d’insultes.
- Madeleine : Pardon ?
- Moi : Ça fait deux semaines que ton numéro m’envoie des messages d’insultes.
- Madeleine : Non oh jamais de la vie ! Pourquoi j’aurais fait ça ?
- Stephy : A cause de Serges.
- Madeleine : Serges ? C’est qui ?
- Moi : Hum ! Serges c’est qui ??? Serges Bahoï, mon fiancé.
- Madeleine : Donc c’est vrai que tu sors avec lui ? J’ai entendu des rumeurs dessus. Mais je te jure je ne t’ai jamais envoyé de messages. Est-ce que j’ai même ton numéro ?
- Moi : Arrêtes de mentir !
- Le monsieur : Vous venez insulter ma femme chez elle ? Sortez d’ici !
- Madeleine : Attends Cyrille. Cathy pourquoi tu penses que c’est moi qui t’envoie ces messages ?
- Moi : Parce que le numéro est identifié à ton nom.
- Madeleine : A mon nom ? Montre-moi le numéro là.
Madeleine avait l’air de ne pas savoir de quoi on parlait. Je lui ai montré le numéro et elle a ouvert grand les yeux.
- Madeleine : Mais je n’utilise plus ce numéro depuis. Je…
Elle s’est arrêté un instant pour regarder le type.
- Madeleine : On m’a volé mon téléphone avec ce numéro. Je te jure voici le numéro que j’utilise. Cathy, je n’ai jamais fait ça. Au nom de Dieu Tout-puissant. Serges ne te trompe pas avec moi.
Madeleine avait l’air sincère. Et puis pourquoi m’envoyer des messages d’insultes un jour et le nier quand elle se retrouvait devant moi ? peut-être parce que son gars était là. Mais je voyais vraiment mal cette fille faire ça.
- Moi : D’accord. Si tu n’as vraiment rien fait, je te prie de nous excuser. Mais je vais ouvrir une enquête policière pour savoir qui c’est.
J’ai dit pour voir sa réaction. J’espérais que si c’était elle l’auteur de ces messages, elle panique en apprenant cette information. Mais non au contraire.
- Madeleine : D’accord. Comme ça tu auras la certitude que ce n’est pas moi ma sœur. Beaucoup de courage dans tes recherches ma sœur.
C’était la fille que je connaissais. Douce, gentille, respectueuse. Madeleine n’avait vraiment rien de cette personne vulgaire qui m’envoyait ces messages. Et même Stephy qui était très perspicace, avait cru Madeleine.
- Moi : Bon si on a donc volé son téléphone comme elle le dit, qui l’a fait ? Ça veut dire que la personne qui a volé ça me connait.
- Stephy : Oui. Même comme elle m’a un peu semblé bizarre.
- Moi : Comment ça ?
- Stephy : Je ne sais pas. Je la crois quand elle dit que ce n’est pas elle. Mais elle a regardé son gars un genre. Comme si elle s’est rappelée de quelque chose quand elle a vu le numéro.
- Moi : Donc à ton avis elle ment ?
- Stephy : Non. Bof ! Au moins nous sommes fixés la concernant. C’est donc bien ce que je pensais. C’est une connasse envieuse qui veut juste mettre la merde dans ton couple.
………….
Trois mois après. La vie était redevenue plus calme. Contrairement à ce que Serges pensait qui devait nous arriver, tout allait super bien. Comme prévu il avait toqué à la porte. Tout s’était très bien passé. Maintenant nous étions dans les préparatifs de la dot qui devait avoir lieu dans deux jours mais aussi du mariage dont la date avait été arrêtée pour le 20 décembre. Bon, pour la date c’est surtout Serges qui était dans les grands préparatifs hein. Il devait faire les achats pour la liste qui lui avait été fournie. En plus de cela, il y avait la nourriture à préparer pour non seulement recevoir les gens mais aussi à nous remettre. La mère de Serges râlait déjà parce que son fils voulait les choses en grand. Il y tenait beaucoup. Pas parce qu’il voulait épater la galerie mais il disait qu’il voulait que ce jour soit le plus beau de ma vie. Il savait que mon premier mariage ne s’était pas vraiment passé dans la joie étant donné que je ne le désirais pas. Il voulait m’offrir le mariage de mes rêves.
J’avoue que moi aussi je voulais un mariage parfait. Comme toutes les femmes d’ailleurs. Mais cette fois, il s’agissait d’une revanche. Je ne comptais cependant pas ruiner Serges. Ce mariage nous concernait tous les deux, et il était hors de question que j’y participe moyennement. Après avoir fait le budget de notre mariage, Serges et moi avons réparti les charges en 60% et 40%. Bien évidemment, 40% pour moi. Je reste la femme hein. Je faisais déjà plus que certaines autres femmes ici dehors. Pour mes frais, je comptais sur trois de mes cotisations que je devais bouffer avant la date fatidique. Et aussi sur la prime de résultat au boulot.
Alors que nous étions dans les derniers préparatifs de la dot, Stephy et moi sommes allés chez ma couturière pour voir où en était la confection de ma tenue. Ensuite nous sommes allés faire quelques achats au supermarché pour le jour J. Etant donné que Serges faisait les fiançailles et la dot proprement dite en même temps, la cérémonie se passerait chez mon oncle. Faut savoir que chez les Duala, la dot proprement dite se passe normalement chez l’homme. C’est dans les étapes d’avant (le toquer à la porte et l’ouverture des fiançailles) que la famille de l’homme part dans la famille de l’homme. Mais lorsque les fiançailles et la dot sont faites en même temps, il arrive qu’on organise ça chez la femme.
- Elodie : Eh ! Cathy ! Comment tu vas ?
Les dernières personnes que j’aurais souhaitées croiser. Elodie était accompagnée de son cher fiancé Patrick qui me regardait toujours comme s’il voyait un ovni. Depuis la dernière fois chez Papy, je ne les avais plus vus. Elodie ne m’avait plus appelé comme prévu et ça me soulageait. Patrick lui avait peut-être déconseillé de faire amie-amie avec moi.
- Moi : Je vais bien et toi ?
- Elodie : Ça va très bien. Désolé je ne t’ai plus appelé comme prévu mais j’ai été très prise ces derniers temps.
- Moi : Oh pas de soucis.
- Elodie : Mais Chéri pourquoi tu restes planté comme ça comme si tu ne connaissais pas Cathy.
Quand Elodie a dit ça, Stephy qui était derrière moi a éclaté de rire. Et je la comprenais. A sa place moi aussi j’aurais eu envie de rire. Elodie voulait à tout prix jouer la bonne copine avec moi. Alors que je préférais qu’elle se tienne à distance de moi.
- Patrick : Désolé j’étais un peu perdu dans mes pensées. Comment tu vas Cathy ?
- Moi : Je vais bien. Merci.
- Stephy : Je ne suis pas invisible que je sache.
- Moi : Ah désolé. C’est Stephy mon amie.
- Elodie : Enchantée. Patrick et moi nous faisons un repas demain à 13 heures, ce serait vraiment bien si vous pouviez venir avec ton fiancé.
- Moi : Euh ! Ce ne sera pas possible désolé. Nous avons déjà quelque chose de prévu demain à cette heure.
- Elodie : C’est vraiment dommage. Patrick et moi nous tenions vraiment à ce que tu viennes. Tu sais c’est vrai qu’avec son frère ça a été catastrophique mais je pense qu’il n’y a pas de raison pour que tu ne gardes pas de liens avec la famille. N’est-ce pas chéri ?
- Patrick : Oh je pense que Cathy a besoin de se reconstruire seule.
Non mais il osait. « Cathy a besoin de se reconstruire ». Chibagnard comme ça ! Si j’ai besoin de me reconstruire ce serait à cause de qui ? Non mais ! Et puis cette Élodie, elle parlait déjà de la famille comme si elle était déjà dedans. « Je pense qu’il n’y a pas de raison… » Et puis quoi encore ? Quand la famille là va te toucher, on va voir si tu vas encore parler comme ça. Je ne sais même pas pourquoi je voulais jouer la sympathique avec eux. Comme ça au moins chacun prendrait ces distances.
- Moi : Il faut qu’on y aille. Bonne…
- Martha Enumedi : Mais la sorcière-ci fait quoi ici ?
La mère Enumedi-ci croit que le monde lui appartient ?
