chapitre 7
Chapitre 7
Louis avait appris à maîtriser les jeux de pouvoir. Que ce soit dans les affaires ou dans sa vie personnelle, il n’était jamais celui qui se laissait manipuler. Mais ce soir, quelque chose semblait différent. La manière dont Éléonore le regardait, avec cette lueur dans les yeux, ce petit sourire en coin qui trahissait un certain intérêt, le déstabilisait. Il se demandait si elle avait toujours été comme ça, ou si c’était lui qui l’avait poussée à ce point.
Tout avait commencé de façon banale. Un dîner d’affaires, une conversation où chacun devait garder la tête froide, où les règles étaient claires : échanger des promesses, des contrats, des sourires polis. Mais dès les premières minutes, il avait senti un frémissement, une tension qu’il n’arrivait pas à cerner. Il avait l’impression que quelque chose d’autre se jouait entre eux, une dynamique plus personnelle, plus intime. Chaque geste d’Éléonore, chaque regard qu’elle lui lançait, semblait être un petit défi lancé dans la sphère professionnelle, comme si, sous couvert de ce dîner d’affaires, un autre jeu était en train de commencer.
« Je pensais qu’on avait un contrat, Louis, » dit-elle en l’interrompant alors qu’il faisait une remarque sur les termes de l’accord. « Tu sais, un véritable contrat. Pas seulement des chiffres. »
Il haussait les épaules, un air faussement indifférent sur le visage. « Je fais ce qu’on me demande. Tu devrais le savoir maintenant. »
Elle sourit, ce sourire qui l’irritait et l’attirait à la fois. « Tu ne te contentes jamais de faire ce qu’on te demande, Louis. Et tu sais très bien que je ne me contente pas de ça non plus. » Elle marqua une pause avant de reprendre, son regard se faisant plus perçant. « Je me demande où est la vraie personne derrière ce masque de mari parfait. »
Ce n’était pas la première fois qu’Éléonore le poussait à cette réflexion. Mais ce soir, il ressentait quelque chose d’autre. Un frisson. Un désir de percer ce masque chez elle. Elle qui s’était présentée comme une femme de pouvoir, inaccessible, inflexible. Ce soir, il ne pouvait s’empêcher de remarquer la fragilité qui effleurait parfois ses gestes, son regard, comme si elle laissait entrevoir une autre facette d’elle-même. Il ne l’avait jamais vue comme ça, vulnérable mais confiante, sûre d’elle mais curieuse, presque humaine.
Le dîner continua dans un étrange équilibre, entre sourires forcés et regards qui se croisaient de plus en plus souvent. Louis ne cessait de se demander si tout ça faisait partie du jeu qu’elle avait mis en place. Il était bon dans ce jeu, bien sûr. Un mari de façade, un homme d’affaires pragmatique, rien de plus. Mais à chaque mouvement d’Éléonore, il se sentait comme piégé dans une toile dont il ne voyait plus les fils.
« Tu crois vraiment que tu peux me jouer comme ça ? » lui demanda-t-il alors, un léger sourire au coin des lèvres, mais ses yeux trahissant un éclat plus sombre.
Elle haussait un sourcil, amusée. « Je n’ai pas à te jouer, Louis. Je suis ce que je suis. Et je n’ai pas besoin de prouver quoi que ce soit. »
« Vraiment ? » dit-il en se penchant légèrement vers elle, défiant. « Alors pourquoi ne pas cesser ce jeu et me montrer la vraie Éléonore ? »
Un silence lourd s’installa entre eux. Il attendait une réaction, quelque chose de tranché, une réponse de défi. Mais elle ne se contenta pas de répliquer. Elle le regarda, longuement, comme si elle essayait de lire en lui. Puis, soudainement, quelque chose changea dans son regard. La froideur disparut. Un instant. C’était une fraction de seconde, mais il la remarqua. Elle baissa les yeux, ses mains effleurant la table.
« Peut-être que je suis fatiguée de jouer ce rôle, » murmura-t-elle, presque pour elle-même.
Louis se figea. Il n’avait pas anticipé cela. Une faille. Une brèche. Pour la première fois depuis qu’ils étaient dans cette histoire, il avait l’impression qu’Éléonore n’était plus une simple opposante. Elle devenait plus complexe, plus humaine. Un frisson d’incertitude parcourut son dos. Il se demanda alors si son jeu n’avait pas atteint une limite, s’il n’était pas en train de franchir une frontière qu’il ne pouvait plus revenir.
« Tu crois vraiment que tu m’intéresses plus qu’un simple contrat ? » Il avait voulu dire cela d’une voix ferme, mais il ne réussit qu’à y insérer un léger tremblement. Ce n’était pas de la peur, mais plutôt un doute. Ce doute qu’il n’avait pas envie de reconnaître, ce doute qui commençait à s’insinuer en lui.
Elle se redressa, l’air soudainement plus distante. « Non, Louis. Mais je me demande… peut-être que tu as finalement vu au-delà de ce contrat. Peut-être que tu vois qui je suis réellement. »
Il secoua la tête, un léger sourire cynique sur les lèvres. « Ce que tu es réellement, Éléonore, ce n’est pas quelqu’un que je veux connaître. »
Elle le regarda, ses yeux brillants d’une lueur qu’il ne pouvait pas décrypter. Un moment de silence. Puis, lentement, sans prévenir, elle se pencha vers lui et effleura ses lèvres. Ce n’était pas un baiser. C’était juste un effleurement, un contact furtif, presque une question silencieuse. Louis la fixa, son cœur battant plus fort que ce qu’il aurait voulu admettre.
Il se redressa brusquement, brisant le contact, son regard froid et calculateur. « Tu sais, Éléonore, » dit-il d’un ton sec, « je ne suis pas ici pour jouer avec toi. Ce n’est pas ce que tu crois. »
Elle ne réagit pas immédiatement. Elle le regarda juste, avec une expression étrange, presque comme si elle le voyait sous un jour nouveau. « Je sais exactement ce que tu es, Louis, » dit-elle enfin, mais cette fois, il ne savait pas s’il s’agissait d’une menace ou d’une promesse. « Et je commence à comprendre que toi aussi, tu commences à me voir. »
Il sentit un frisson glacial lui parcourir l’échine. Pour la première fois, il se demandait si son rôle de mari parfait n’avait pas commencé à se mélanger avec quelque chose d’autre. Et s’il ne jouait plus simplement un rôle ?
