
Résumé
Réincarnée dans un monde tiré d’un roman tragique, Luissa Monro n’a qu’un rôle secondaire : mourir, oubliée. Mais lorsqu’elle saisit une seconde chance en devenant la duchesse d’un homme aussi froid que mystérieux — le redouté duc Caelan Eldrenhart — elle refuse de suivre le destin qu’on lui a imposé. Dans un empire où les apparences sont trompeuses et les complots rôdent derrière les masques dorés de la noblesse, Luissa décide de survivre… et de changer l’histoire. Tandis qu’un culte démoniaque, les Voiles Noires, étend ses ombres jusqu’au cœur du pouvoir, la jeune duchesse devra naviguer entre les manigances d'une demi-sœur jalouse, un prince épris d’un amour impossible, et un époux énigmatique dont le cœur semble aussi verrouillé que les portes de son manoir. Mais sous la pluie, sous les étoiles… et dans la peur, naîtra une passion que rien ne pourra étouffer. Un amour inattendu. Un complot millénaire. Une femme prête à défier le destin.
Le poids d’un nom
Le saviez-vous ? Le protagoniste d’une histoire n’est pas toujours le plus noble. C’est souvent celui qui agit dans l’ombre, manie les stratégies les plus fines, se tisse des alliés puissants, et sait quand frapper fort ou se retirer prudemment. Il arrive même que, dans certains romans, l’idéologie de l’antagoniste paraisse plus logique que celle du héros. Mais à la fin, comme le dit le vieil adage : l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs.
Je m’appelle Charlotte Vincent… ou plutôt, je m’appelais ainsi. Car à présent, je suis Luissa Monro.
Oui. J’ai été réincarnée. Pas dans un monde de paix, mais dans un webtoon que je lisais à peine une semaine plus tôt : La Tombe du Roi Dragon. Une histoire pleine de romance, de magie, d’action et de politique… Et moi ? J’ai hérité du rôle le plus pathétique : Luissa Monro, un personnage inutile, présent juste assez longtemps pour servir de déclencheur au développement de l’intrigue… avant de mourir.
Dans ce genre d’histoires, la réincarnation est un rêve pour les fans. Mais personne ne parle du cauchemar que représente une mauvaise famille. Et croyez-moi, la mienne est un désastre total.
Je suis la fille légitime de la famille Vincent, autrefois noble, aujourd’hui détestable. Mon père m’ignore. Il n’a jamais aimé ma mère : leur mariage n’était qu’une alliance politique. À peine un mois après leurs noces, il a fait venir sa maîtresse enceinte — la fille d’un comte — et a relégué ma mère à un rôle d’ombre. Cette dernière, tombée enceinte dès la nuit de noces, a dû endurer son mépris jusqu’à sa mort. Et ce n’est pas tout.
Dans le récit original, j’ai été mariée de force à l’archiduc, le fils de la défunte impératrice. Un homme craint et respecté, adoré par l’empereur, maître épéiste et protecteur de la ligne de front contre le Roi Démon. Le rêve de toute jeune fille... sauf que moi, je ne l’ai jamais vraiment connu.
Ce mariage forcé fut mon cauchemar. Mon père avait menacé de tuer ma mère si je refusais… même si, ironie du sort, elle était déjà morte à cette époque. Ignorant tout, je me suis résignée. Mais le jour de notre nuit de noces, l’archiduc n’est jamais venu. Le lendemain, furieuse, je suis allée le voir... pour le trouver avec une femme dans son lit. Une scène orchestrée par ma demi-sœur jalouse.
Humiliée, blessée, j’ai demandé mon exil au manoir secondaire. Cela fait maintenant un an que je vis ici, sans l’avoir revu une seule fois. Quelle tragédie… surtout quand on sait qu’il est considéré comme l’homme le plus séduisant de l’empire. Et moi ? Je suis censée mourir sans laisser de trace dans l’histoire.
Mais maintenant que je suis réincarnée, tout est différent. Je connais des éléments du futur, comme l’emplacement de la Tombe du Roi Dragon, un artefact ancien d’une valeur inestimable. Je sais aussi que… je suis une Sainte. Oui. Dans le roman, on découvre après ma mort que la première fille des Monro est une Sainte capable de produire des pierres de soin d’une rareté inimaginable.
Le Sud, mon territoire actuel, est pauvre. Mais il y pousse une plante interdite : le cacao. Dans ce monde, cette merveille est considérée comme démoniaque à cause d’un accident tragique survenu jadis. Un enfant s’est étouffé avec une fève de cacao. Depuis, la plante est crainte. Mais moi, ancienne chocolatière passionnée, je connais sa véritable valeur.
Et ce n’est pas tout. Mon mari, l’archiduc, est amoureux de moi. Enfin, de l’ancienne moi. Quand il était enfant, empoisonné par la concubine de l’empereur — aujourd’hui impératrice — il a été caché dans le village où vivait ma mère. Soignée par elle, il a passé 1 ans paisibles à ses côtés. Ce souvenir heureux a scellé son attachement.
J’ai des avantages, certes. Mais aussi de lourdes responsabilités. Je sais que dans trois jours, une tragédie va se produire : faute de provisions, l’archiduc perdra un œil et la moitié de son armée. Le roi est malade, et c’est l’impératrice — ennemie jurée de mon mari — qui prend les décisions. Elle ne lui enverra aucune aide.
Je ne peux me présenter directement au palais. Alors, j’ai un plan : organiser une fête... ou plutôt, une vente aux enchères secrète. L’article vedette ? Les pierres de soin.
Dans ce monde, seules les figures religieuses les plus puissantes peuvent produire ces pierres. Un évêque met vingt ans à produire une pierre intermédiaire. Un prêtre ordinaire ? Quarante ans pour une pierre faible. Mais moi, en tant que Sainte, je peux en produire dix de haute qualité en une seule journée.
Dans le bâtiment annexe, j’ai trois domestiques : Léa, Evane et Leati. Et deux gardes : Axel et Francis. Les domestiques m’apprécient, même si l’ancienne Luissa n’a jamais su les écouter. Après ma mort, dans le roman, elles quittent leur poste et créent un empire commercial. C’est dire leur potentiel.
Je suis en train de prendre mon petit déjeuner quand Léa entre. — Bonjour madame, votre petit déjeuner est prêt. — Merci Léa, j’arrive tout de suite.
Je m’installe, entourée de mes deux gardes et de mes domestiques. Après quelques bouchées, je brise le silence.
— J’aimerais organiser une fête… avec votre aide.
Silence dans la pièce. Je m’y attendais.
Evane hausse les sourcils, visiblement contrariée. — Madame, ce n’est pas le moment. Le Duc se bat, manque de provisions… et vous parlez de fête ? Il sacrifie chaque année le budget du duché pour vous faire plaisir, et vous, vous voulez vous exhiber ? Vous n’avez jamais quitté ce manoir depuis un an. Pourquoi maintenant ? Êtes-vous heureuse de la possible mort de l’archiduc ?
Je garde mon calme. Elle ne comprend pas encore.
— Je comprends ton inquiétude. Mais ce ne sera pas une simple fête. Ce sera une vente aux enchères.
Leati intervient, curieuse. — Que comptez-vous vendre, madame ?
— Les bijoux que m’a offerts mon mari. Et... des pierres de soin. De différentes qualités.
Cette fois, Axel parle. — Des pierres de soin ? Savez-vous seulement à quel point elles sont rares ?
— Je le sais. Mais l’archiduc a besoin de fonds. Le palais ne l’aidera pas. Alors je dois le faire.
Francis s'avance à son tour. — Même si c’est pour de bonnes raisons… une pierre de haute qualité peut déclencher une guerre. Vous êtes consciente de ce que vous proposez ?
— Je le suis. Mais j’ai une justification. Et surtout… je peux en produire.
Le choc est visible sur leurs visages. Léa balbutie : — Vous êtes… une Sainte ?
Je leur souris doucement. — Je crois bien que oui.
Et devant leurs yeux, je canalise mon pouvoir. Trois pierres prennent forme dans ma main : une de qualité moyenne, une intermédiaire, et une de haute qualité. Le silence qui suit est lourd… mais empli d’émerveillement.
— Nous allons vous aider, madame ! — s’exclame Léa.
Je leur explique alors le plan :
1. Un "vide-grenier" avec tous mes bijoux. Le plus gros acheteur gagnera une pierre intermédiaire.
2. Ensuite, la vente aux enchères principale : cinq pierres moyennes, deux intermédiaires, une de haute qualité.
— Madame… c’est insensé… mais si vous êtes vraiment capable de créer ces pierres, alors… nous réussirons.
Et ainsi commence la renaissance de Luissa Monro. Non plus la jeune fille inutile d’un roman. Mais la Sainte, la stratège, l'épouse de l'antagoniste … prête à réécrire sa destinée.
À suivre...
