chapitre 2
Chapitre 2
Ils se retrouvaient à la table du dîner, cette même table où tout avait commencé. Trois ans plus tôt, ils n’étaient que deux étrangers réunis par des intérêts bien plus grands qu’un simple mariage. Mais lui, il croyait en un miracle. Peut-être pas au début, mais après quelques mois, il avait cru. Il avait cru que son amour suffirait, que sa volonté de la comprendre et de la rendre heureuse effacerait la froideur qu’elle déployait chaque jour.
Il l’avait vue là, au bout de la table, avec ce regard glacial qu’elle réservait à chaque instant. Un regard qu’elle lui offrait à lui, et à personne d’autre. Mais lui, il s’obstinait. Il pensait que l’amour pouvait tout transformer. Qu’un jour, elle finirait par craquer, qu’elle finirait par ressentir un frisson, par l’aimer d’une manière qu’il ne comprenait pas encore.
Il avait commencé à l’entourer de petites attentions. Des fleurs qu’il lui offrait sans raison, des messages qu’il glissait dans sa veste en partant de la maison, des regards qui se posaient sur elle avec une telle insistance qu’il en avait presque oublié l’idée de se retenir. Chaque sourire qu’elle lui adressait, chaque petite marque d’affection qu’il pensait qu’elle lui offrait, il la prenait pour un signe, un encouragement. Il la voulait plus que tout. Il la croyait, en quelque sorte, en train de se laisser toucher, d’accepter peu à peu l’idée qu’il était celui qu’elle attendait.
Mais elle restait distante. Le plus souvent, elle ne lui accordait même pas un regard. Il lui arrivait parfois de la surprendre, quand ses yeux se posaient sur lui d’une manière inattendue, presque curieuse, mais elle se détournait aussitôt, comme si la simple idée d’envisager une quelconque proximité avec lui la répugnait.
Il se souvenait du jour où il lui avait dit, d’un ton un peu tremblant : « Olivia, je… Je crois que je t’aime. »
Elle n’avait pas répondu immédiatement. Elle était restée là, immobile, l’observant presque avec étonnement. Et puis elle avait finalement lâché, d’une voix aussi froide qu’un bloc de glace : « C’est bien pour toi. Mais ça ne me concerne pas. »
Le coup avait été brutal, sans ménagement, mais il ne s’en était pas formalisé. Il pensait que tout ça n’était qu’une question de temps. Elle avait des murs, il n’en doutait pas, mais il allait les abattre. Il était sûr qu’il réussirait. Après tout, il était Ethan, celui que tout le monde respectait, celui qui avait tout ce qu’il voulait. L’amour, c’était juste une question de patience. Une question de mérite. Et il méritait son amour.
Mais plus il essayait de la comprendre, plus elle se fermait. Il la retrouvait souvent dans des moments d’isolement, plongée dans des pensées qu’il ne pouvait pénétrer. Quand il essayait de s’approcher, elle se retirait, distante, indifférente. Il n’avait jamais vu quelqu’un déployer une telle froideur. Ça le piquait, ça le blessait, mais il persévérait.
Un soir, alors qu’il avait voulu lui parler de leurs projets de vacances, il l’avait trouvée en train de regarder par la fenêtre, perdue dans ses pensées. Il s’était approché, essayant de lui faire sourire, de faire naître une réaction. Il avait posé sa main sur son épaule, timidement, comme une tentative d’approche.
Elle s’était figée, et dans le silence pesant qui suivit, il avait cru qu’elle allait enfin céder. Mais non. Elle s’était retournée brusquement, le regard glacé, presque accusateur.
« Tu crois vraiment que ça va marcher, Ethan ? » Elle l’avait observé de ses yeux sans chaleur, l’air désintéressé, comme si tout cela n’était qu’un jeu qu’il avait décidé de jouer seul. « Je n’ai jamais voulu ça. Tu n’es rien d’autre qu’une obligation, une formalité. » Sa voix avait tranché l’air. « Et crois-moi, tu n’es pas celui que je veux. Je ne t’aimerai jamais. »
Ses mots avaient résonné dans sa tête, une cloche résonnant dans un vide qu’il n’avait pas vu venir. Il avait voulu répondre, répliquer, mais rien n’était sorti. Il s’était juste retrouvé là, paralysé par la froideur de la situation. Les murs qu’il pensait pouvoir briser se transformaient en montagnes qu’il n’avait même pas la force de gravir.
« Alors pourquoi ? » Sa voix était brisée, presque suppliante. « Pourquoi tu ne me dis pas la vérité, Olivia ? Pourquoi me laisser espérer, pourquoi… »
Elle l’avait coupé d’un geste sec de la main. « Parce que je suis coincée. Parce que c’est ce qu’on attend de moi. Parce que, toi et moi, ça n’a jamais été un choix. Alors arrête de jouer les amoureux transis. »
Il n’avait pas bougé. Les mots étaient comme des poignards. Chaque phrase qu’elle prononçait venait s’ajouter à sa frustration, à sa douleur, mais il refusait de les entendre. Il n’avait pas voulu comprendre. C’était trop dur, trop dur d’accepter l’idée que ce qu’il avait construit, qu’il avait imaginé, n’était rien de plus qu’une illusion.
Elle se détourna, comme si rien n’avait changé, comme si la scène n’avait jamais eu lieu. Ethan était resté là, les bras ballants, observant son dos s’éloigner sans un regard en arrière. Chaque parole qu’elle avait dite, il la revivait comme un écho dans son esprit, insupportable, cruel.
Le regard qu’elle lui avait jeté, ce regard indifférent, cet affront qui l’avait laissé sans réponse, tout cela restait dans sa gorge. Elle avait détruit ses rêves, ses espoirs. Tout ce qu’il avait cru pouvoir être entre eux n’était qu’un mirage. Olivia n’avait jamais voulu ce mariage. Elle ne l’avait jamais voulu, lui. Et lui, il était là, à sa merci, pris au piège de son propre amour.
Il se retrouva seul ce soir-là, seul dans une maison qu’il avait imaginée pleine de rires et de chaleur, mais qui n’était qu’un écho vide de tout ce qu’il avait espéré. Les semaines passèrent, et à chaque pas qu’il faisait vers elle, il s’enfonçait davantage dans la solitude.
Ses yeux, chaque jour un peu plus tristes, chaque jour un peu plus fatigués, cherchaient toujours cette lueur, ce signe de son affection. Mais il savait que ce n’était pas ce qu’il obtiendrait. C’était ce qu’elle lui avait dit : elle n’avait jamais voulu de lui. Elle ne l’aimerait jamais. Et il s’était retrouvé à devoir se battre contre quelque chose d’indéfinissable, quelque chose qui était déjà perdu avant même qu’il ne commence.
