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CHAPITRE 5

UNION SOMBRE

Les certitudes emprisonnent,

Les doutes empoisonnent,

L’amour libère

#DANIELLE

Convaincre ma mère avait été une bataille ardue. Elle s'était évertuée à me faire reculer, mais elle ignorait la puissance des billets verts qu'Alexandre avait glissés entre les mains de mes oncles.

En Afrique, la dot était un passage obligé avant l'union civile, une formalité qui n'avait pas semblé le déranger.

Ce matin encore, sa voix pleine d'inquiétude tentait de me ramener à la raison. Pourtant, ma décision était gravée en moi, scellée par une cérémonie traditionnelle déjà célébrée.

Je l'avoue, une appréhension tenace me serrait la gorge face à ce mariage. Mais la vie, n'est-ce pas une prise de risque constante ?

_ Ma chérie, prends le temps de peser tout ça, avait murmuré maman, les sourcils froncés d'un souci profond.

_ Crois-moi, j'ai mûrement réfléchi. J'ai fait le bon choix, ne t'en fais pas pour moi… Mais dis-moi, pourquoi ne l'aimes-tu pas ? Avais-je fini par demander, cherchant une ancre à son inquiétude.

_ Ce n'est pas que je ne l'aime pas, il a l'air d'un bon garçon… C'est juste… j'ai un mauvais pressentiment, ma chérie

_ Tu t'inquiètes beaucoup trop… Il faut que j'y aille, avais-je tranché, coupant court à la conversation. Un baiser déposé sur sa joue et je m'étais éclipsée.

Un rendez-vous avec la wedding planner m'attendait. Les préparatifs étaient grandioses, un tourbillon de luxe et d'élégance.

Mon cercle d'amis étant restreint, j'avais convié tous mes collègues, un geste de gratitude sincère. De plus, notre chaîne de télévision retransmettra l'événement en direct, une aubaine professionnelle que j'avais négociée avec fierté. Ma patronne s'en était réjouie.

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AUTEUR

Lorsque maman Julienne avait croisé la main d'Alexandre pour la première fois, une douleur lancinante lui avait étreint le cœur.

Il lui rappelait son fils, celui qu'elle avait abandonné autrefois, emportée par la soif d'une vie meilleure. Un acte qu'elle avait amèrement regretté quelques années plus tard, sans jamais oser le réparer, rongée par la honte.

En Alexandre, elle percevait un être assoiffé d'amour et d'affection. Elle sentait qu'il n'était pas l'homme qu'il fallait à sa fille, mais les mots justes lui échappaient.

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#DANIELLE

_ S'il manque d'amour, comme tu le dis, alors cela prouve d'autant plus que je dois l'épouser. Je suis certaine d'adoucir son cœur.

_ Tu l'aimes, Danielle ?

J'avais regardé ma mère ce jour-là comme si la question ne m'avait jamais effleurée. La réponse, je la cherchais au plus profond de moi, craignant de me tromper. Une inspiration profonde, et les mots avaient enfin trouvé leur chemin.

_ Oui maman, je l'aime, avais-je affirmé avec une conviction surprenante.

_ En es-tu sûre ? Vous ne vous connaissez pas, tu ne l'as jamais vu auparavant !

Je m'étais assise, le poids de ses paroles me clouant au fauteuil.

_ Il ne me connaît pas, c'est vrai. Mais moi, je le connais par cœur. Je sais à quelle heure il prend son café le matin, son plat préféré, ses couleurs de prédilection, ce qui le met en colère, son emploi du temps… tant de choses, maman. Il est l'homme de mes rêves, et aujourd'hui, par un miracle que je ne m'explique pas, je vais l'épouser. Ne m'empêche pas de le faire, je t'en prie.

C'était lors d'une de nos innombrables conversations à ce sujet que j'avais fait cette étrange confidence. Maman avait compris alors qu'il n'y avait plus rien à faire. Ma décision était inébranlable.

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AUTEUR

Alexandre, lui, n'était pas surpris du déroulement des événements. Pour l'instant, tout se passait selon ses plans. Seule sa future belle-mère avait tenté de semer des embûches, mais cela n'avait été qu'un léger contretemps

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DANIELLE

Le jour fatidique arriva enfin. Tout était prêt. La mariée, moi, étincelait dans ma robe blanche.

Sandra, ma demoiselle d'honneur, rayonnait à mes côtés avec une autre collègue que j'affectionnais particulièrement. Dans ma chambre, l'heure avançait inexorablement.

Les invités étaient déjà tous là, le maire aussi. Seuls les mariés manquaient à l'appel.

Dans sa propre chambre, Alexandre se préparait. Son costume noir, d'une austérité funèbre, lui donnait l'air d'assister à ses propres funérailles. En se mirant, un doute le traversa pour la première fois. Ce mariage en valait vraiment la peine ? La porte s'ouvrit sur Jean, son fidèle homme de confiance.

_ Monsieur, il est l'heure. Tout le monde vous attend.

Alexandre resta un instant de plus face à son reflet, une main dans la poche, tentant d'ajuster sa cravate de l'autre.

_ Comment me trouvez-vous, Jean ? Demanda-t-il

_ Sauf votre respect, on dirait que vous allez à un enterrement.

Un sourire ironique contracta ses lèvres.

_ N'est-ce pas le cas, après tout ? Mais je me sens… stressé.

_ C'est normal, monsieur. Vous vous apprêtez à faire une chose irréparable, sans vouloir vous offenser.

_ Tu penses ?

_ Oui, monsieur.

_ Et bien qu'il en soit ainsi… Crois-tu qu'elle pourrait réparer toutes ces années d'absence ?

L'homme d'une quarantaine d'années resta silencieux, incapable de trouver les mots justes.

_ Tu vois, Jean ? Ainsi va la vie.

_ Mais ce problème est entre vous et votre mère. Pourquoi vouloir mêler votre sœur à cela ?

Il se tourna lentement vers son homme de confiance, s'approchant à petits pas. Arrivé à sa hauteur, il murmura à son oreille :

_ Cette fille n'est pas ma sœur, et elle ne le sera jamais.

Il se dirigea vers la fenêtre avant de reprendre, la voix empreinte d'une mélancolie glaciale :

_ Rappelle-toi, Jean, je n'ai pas de famille. Mon père est mort quand j'avais six ans… comme j'aurais aimé qu'il soit à mes côtés. Et ma mère… Ma mère est morte à ma naissance.

_ Et pourquoi faites-vous tout cela, monsieur ?

_ Pour que ça lui serve de leçon. À elle et à toutes ces femmes qui ont fait la même erreur. Les hommes se rencontrent, Jean… les hommes se rencontrent…

Le vieil homme inspira profondément. Son jeune patron était inflexible, consumé par une haine tenace. Il ne pouvait qu'espérer que tout cela ne vire pas au désastre.

Alexandre semblait gagné par une anxiété grandissante, un état qu'il détestait. Pour cette mascarade de mariage, il se devait d'être détendu, serein. Il fallait qu'il se déstresse

.

_ Appelle Emma et dis-lui de me rejoindre tout de suite.

_ Mais monsieur… il est déjà l'heure ! Nous avons trente minutes de retard ! S'alarma Jean.

_ De quoi te mêles-tu ? Fais ce que je te demande ! Ordonna Alexandre d'un ton sec

.

Tandis que Jean s'exécutait, dans la cour somptueusement décorée de l'hôtel, l'impatience grandissait. Les journalistes, en direct, commentaient l'attente.

_ Cela fait déjà une heure que la cérémonie aurait dû commencer, et nos jeunes mariés sont toujours absents ! Le grand Alexandre aurait-il renoncé ? Nous constatons l'agitation de la mère de la mariée, allant et venant sans cesse… Que se passe-t-il réellement ? Les questions fusent !

Dans ma chambre, la panique m'étreignait. En voyant le reportage à la télévision, l'envie de sortir le chercher était irrépressible.

_ Ne fais pas ça, ma chérie. Attendons encore un peu, il a peut-être eu un imprévu, tenta Sandra, cherchant à me rassurer.

Mais mon angoisse était trop forte. Je sortis de ma chambre d'hôtel, vêtue de ma robe blanche de princesse, une erreur fatale. Une nuée de journalistes se jeta sur moi.

_ Pourquoi monsieur Alexandre n'est-il pas là ? Pensez-vous qu'il était sincère en vous demandant en mariage ? Que pensez-vous de ce comportement ? Allez-vous toujours l'épouser après tout cela ?

Sans un mot, je me réfugiai dans l'hôtel, le cœur battant la chamade. Et s'ils avaient raison ? S'il s'était joué de moi ? Les sanglots m'assaillirent, et Sandra arriva juste à temps pour me soutenir.

La limousine d'Alexandre se gara enfin devant l'hôtel. Il était en direct à la télévision et avait vu le désespoir sur le visage de sa future épouse. Un sourire narquois étira ses lèvres.

L'absence d'Emma à ses appels l'avait rendu nerveux. Il resta un moment immobile dans la voiture avant de se décider à en sortir.

_ Il vient d'arriver, ma chérie. Cesse tes larmes, dit maman en entrant dans la pièce.

_ Tu as gâché ton maquillage, viens que je te le refasse rapidement, ajouta Sandra.

Quelques minutes plus tard, j'étais devant l'hôtel. La vue de mon futur époux me glaça le sang. Son costume noir de deuil fit murmurer l'assemblée.

Face à lui, il m'offrit son plus beau sourire et déposa un baiser sur ma main, une tentative de réconfort. Mais mon trouble était profond. Je ne m'attendais pas à une union aussi angoissante, aussi sombre.

Les vœux furent échangés, le mariage prononcé.

_ Vous êtes unis par les liens du mariage. Je vous déclare à présent mari et femme. Vous pouvez embrasser la mariée.

Je fermai les yeux, savourant l'instant, mon premier baiser avec l'homme de mes nuits. Mais contre toute attente, Alexandre déposa un simple baiser sur mon front. Un murmure de surprise parcourut l'assistance, vite couvert par des applaudissements forcés.

« Vive les mariés ! »

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