chapitre 7
Chapitre 7
La salle était pleine, les regards convergents, figés, comme si l’air lui-même se chargeait de l’intensité du moment. Lady Sinclair, vêtue d’une robe d’une simplicité glaciale mais frappante, se tenait là, entourée de ses invités. James la rejoignit, le regard fixe, sans un sourire. Il n’avait pas eu le temps de réfléchir à ce qu’il ressentait vraiment à ce moment-là. La cérémonie avançait, presque automatique, les mots se succédaient, mais rien n’atteignait son cœur. Il était là, là pour jouer un rôle qu’il n’avait pas choisi, un rôle dont il ne comprenait pas encore l’ampleur.
Elle le regarda un instant, son visage impassible, comme une reine sur son trône, mais quelque chose dans ses yeux trahissait une forme de satisfaction froide. C’était presque un jeu, un jeu dont les règles étaient déjà écrites. Le prêtre parla, leurs mains se joignirent dans un geste formel, et James sentit l’étreinte glacée de l’alliance qui glissa sur son doigt. Un geste symbolique, mais le poids était réel. C’était fait. Il ne pouvait plus revenir en arrière.
Il n’avait pas prévu de ressentir quoi que ce soit, pourtant une vague de frustration lui monta dans la gorge. Tout était si… vide. Lady Sinclair ne semblait pas affectée. Peut-être, se disait-il, que ce mariage n’avait jamais eu pour but de remplir un vide, mais plutôt de l’amplifier, de lui faire goûter la sensation d’être piégé dans un piège d’or.
« Tu peux avoir tout ce que tu veux, James », murmura-t-elle plus tard, après les félicitations qui suivirent la cérémonie, un ton glacé. « Mais tout a un prix. »
Il acquiesça sans répondre, la foule autour d’eux une mer d’applaudissements et de sourires intéressés, comme s’ils assistaient à un spectacle où eux-mêmes étaient les acteurs. Mais lui, James, se sentait comme un spectateur, un intrus. Les applaudissements se turent, mais l’écho résonnait dans sa tête.
Elle l’emmena dans un coin, à l’écart des regards. Là, elle lui parla de son empire, de son réseau. Lady Sinclair n’était pas qu’une femme d’affaires. Elle était le centre d’une toile complexe de pouvoirs, d’influences, et d’argent. Son réseau était vaste, invisible, mais si réel qu’il suffisait de regarder pour le comprendre. Il n’avait pas encore tout saisi, mais il avait commencé à voir, entre les lignes, des fils invisibles tirés par des mains invisibles. Elle n’était pas une simple héritière. Elle avait forgé son empire avec sa propre main, érodant chaque obstacle, détruisant chaque adversaire qui se mettait en travers de sa route.
« Ce n’est pas juste de l’argent », lui expliqua-t-elle, les yeux brillants d’un éclat dangereux. « C’est du contrôle. Le contrôle de tout. De ceux qui ont l’illusion de pouvoir et de ceux qui n’ont même pas conscience qu’ils sont pris dans la toile. »
James ne répondit pas tout de suite. Il se sentait encore trop éloigné de tout cela, trop perdu dans la surface des choses. Pourtant, un malaise naissait en lui. C’était le premier signe. Le premier signe qu’il n’était pas prêt à ce monde. Mais il n’avait pas le luxe de reculer. Il n’avait pas d’autre option. Il suivait le mouvement, entraîné par une force plus grande que lui.
La soirée continua, les convives s’approchant de lui avec des sourires polis, des gestes mesurés. Mais derrière les regards, il sentait que quelque chose se jouait, que chaque mot, chaque geste, avait un poids. Ils ne le voyaient pas comme un mari, mais comme une pièce d’un jeu bien plus vaste. Il n’était qu’un pion, un outil dans les mains de Lady Sinclair. Mais ce qu’il ne comprenait pas encore, c’était que le jeu auquel il venait d’entrer n’était pas celui de Lady Sinclair. C’était le sien à elle, et il n’en avait même pas conscience.
La nuit était tombée, et le silence s’installa entre eux alors que la soirée touchait à sa fin. Ils étaient désormais mariés, mais l’amour n’avait jamais eu sa place. Ce n’était qu’une formalité. La connexion, elle, se trouvait ailleurs. Ils ne se comprenaient pas, ils ne se connaissaient même pas. Mais ce n’était pas important. Ce qui comptait, c’était leur utilité réciproque. James, cet homme déchu, se retrouvait désormais lié à l’une des femmes les plus puissantes du pays, et dans cette danse impitoyable du pouvoir et du contrôle, il devait apprendre à jouer. Son rôle avait été défini dès le départ : un homme sans ressources mais avec une ambition grandissante, un homme qui allait s’immerger dans un monde où les règles étaient faites pour écraser, détruire, mais aussi dominer.
Mais dans cette même nuit, un autre détail émergea, un petit détail qui, pour l’instant, ne semblait rien signifier. Un regard furtif qu’il surprit entre deux invités, un mouvement imperceptible, comme une chaîne en mouvement, invisible à la majorité. Lady Sinclair savait tout, maîtrisait tout, et chaque geste, chaque contact, n’était qu’une pièce de son puzzle gigantesque. Elle le testait. Elle le surveillait.
Les jours qui suivirent, il commença à comprendre. Il n’était pas qu’un époux symbolique. Il faisait maintenant partie d’un réseau d’influences, de stratégies cachées, de conversations derrière des portes closes. Chaque homme qu’il croisait, chaque femme qui le saluait d’un sourire poli, faisait partie de ce monde impitoyable. Un monde où il n’y avait pas de place pour l’innocence, où la naïveté se payait cher.
Il eut bientôt sa première confrontation avec l’un des hommes qui travaillait pour Lady Sinclair. Il était jeune, bien habillé, l’air toujours un peu trop poli pour être sincère. Mais au fond de ses yeux, James comprit. Il était un sous-fifre, une simple pièce, tout comme lui. Mais c’était un pion dont les dents étaient bien plus aiguisées.
« Tu dois comprendre, James », lui dit-il lors d’une rencontre en tête-à-tête. « Le monde que tu viens de rejoindre, il est plus grand que tout ce que tu avais imaginé. Il faut prendre ce qui t’appartient, peu importe les sacrifices. »
Sacrifices. Ce mot résonna dans sa tête comme un gong. Il n’avait pas encore compris l’ampleur de ce qu’il venait de faire, mais il commençait à le deviner. Les sacrifices étaient au cœur de tout cela. Chaque pas qu’il ferait désormais l’amènerait plus profondément dans ce labyrinthe de pouvoir. Il devait suivre la danse, ou se faire écraser. C’était la loi du plus fort.
Et en se couchant ce soir-là, James réalisa qu’il avait fait un choix irréversible. Il n’avait pas seulement épousé Lady Sinclair. Il avait épousé un système, un système dont les règles n’étaient pas faites pour les faibles, et où ceux qui ne pouvaient pas suivre finissaient toujours par tomber. Mais il n’avait pas l’intention de tomber. Pas encore.
