chapitre 6
Chapitre 6
Elle posa le contrat sur la table avec un calme implacable, les bords blancs immaculés contrastant avec l’air lourd et chargé d’électricité qui régnait entre eux. Lady Sinclair le fixa, ses yeux sombres n’exprimant ni joie ni triomphe, juste cette froide détermination qui faisait sa force, sa gloire, sa réputation. James ne bougea pas. Il n’avait pas à poser de questions, il n’avait pas à hésiter. Il était arrivé à un point de non-retour. Il le savait, elle le savait. Le contrat était plus qu’un simple papier. C’était son nouveau pacte, son nouveau départ. Ou son dernier. À ce moment-là, la frontière était mince.
« Les conditions sont simples », dit-elle, comme si elle énumérait une liste de courses. « Nous serons mariés, mais uniquement sur le papier. Vous ferez votre part en public, je ferai la mienne. Tout ce qui se passe en dehors de cela ne nous concerne pas. Vous serez mon homme en apparence, et je serai votre femme dans le regard du monde. »
Elle marqua une pause, comme si elle attendait qu’il digère ses mots. James ne répondit pas. Ses yeux s’étaient déjà posés sur la signature en bas de la page. Cette signature, c’était la fin d’un autre monde. La fin de la vie qu’il avait connue. La fin de la souffrance, peut-être, mais aussi la fin de toute liberté. S’il acceptait, il deviendrait un simple pion dans son jeu, un acteur dans un film qu’il ne pourrait jamais contrôler. Il n’en avait pas d’autre. L’idée de la revanche s’empara de lui à cet instant-là. Reprendre tout ce qu’on lui avait volé. Et plus encore.
« Vous serez rémunéré généreusement », continua-t-elle, son regard ne se détournant pas de lui. « Je m’engage à faire de vous un homme puissant. Vous aurez tout ce que vous n’avez plus aujourd’hui : argent, influence, et une place parmi les plus influents. Vous serez celui qu’on respectera à nouveau. Vous aurez le monde à vos pieds, James. Mais il y a une condition. »
Il l’écouta à peine, son esprit tourné vers l’idée du pouvoir qu’il pourrait retrouver. C’était la clé. Elle lui tendait la clé de son empire, un empire qu’il n’aurait jamais imaginé atteindre. Mais à quel prix ?
« Cette condition, c’est le secret. Tout doit rester secret. Personne ne doit savoir ce qui se passe entre nous. Si jamais vous brisez cet accord, si jamais vous laissez quoi que ce soit filtrer dans la presse, je n’hésiterai pas à détruire tout ce que vous avez reconstruit. Je ne serai pas une simple épouse que l’on oublie. »
James sentit un frisson lui parcourir l’échine. Elle ne plaisantait pas. Il le savait. Lady Sinclair n’avait pas besoin de menacer. Elle le faisait simplement pour rappeler sa place. La sienne. Et maintenant la sienne à lui, par extension. Elle le possédait déjà, même avant que le contrat ne soit signé.
Il inspira profondément et, sans un mot, saisit le stylo qu’elle lui tendait. Son geste était presque automatique, une conclusion naturelle à une décision qu’il avait déjà prise. Le contrat semblait bien trop léger à côté du poids de ce qu’il allait engager. Il n’avait plus le choix. Sa main tremblait légèrement en traçant sa signature. C’était comme une coupure dans son âme, un dernier acte de soumission.
La pointe du stylo perça le papier, et avec ce bruit sec, une partie de lui se perdit. Le pacte était signé. Il sentit un léger vertige, mais il ne se laissa pas envahir. Il était trop loin dans le processus pour reculer. Il se releva, lentement, et posa le stylo. Lady Sinclair l’observa, un léger sourire en coin.
« Bienvenue dans mon monde, James. »
Elle roula le contrat et le rangea dans un tiroir. Il n’avait plus d’importance maintenant. Le jeu avait commencé.
Sans un mot, elle se leva et se dirigea vers la porte. Avant de la franchir, elle se tourna une dernière fois vers lui.
« Et maintenant, nous annonçons notre union au monde. »
« Quand ? » demanda-t-il, sa voix rauque, moins sûre d’elle qu’il ne l’aurait voulu.
« Tout de suite. »
Elle était déjà partie. À peine les mots prononcés, il se retrouva seul, dans ce silence lourd. Un vide le saisit, comme si un abîme se formait sous ses pieds. Il n’était plus qu’un pion, une simple marionnette dans les mains de Lady Sinclair. Mais, d’un autre côté, il ressentait une étrange excitation. Il avait signé son destin. Il n’était plus celui qu’il était hier. Il était quelqu’un d’autre, un homme de pouvoir.
L’annonce fit la une des journaux le lendemain matin. La presse s’emballa. « Mariage surprise d’un homme brisé avec l’intrigante Lady Sinclair », titra le tabloïd. D’autres parurent plus curieux, presque fascinés par l’union de deux mondes opposés : l’ancien déchu et l’impératrice froide du monde des affaires. Les regards convergèrent sur eux, les questions affluèrent. Qui était ce James, cet homme qui semblait n’avoir rien à perdre et qui pourtant se trouvait dans les bras de l’une des femmes les plus puissantes du pays ?
Les spéculations commencèrent. Était-ce une relation d’amour ? Ou un contrat froid ? Quelles étaient les véritables raisons derrière cette union ? Personne n’avait de réponses. Personne ne savait. Et c’était exactement ce qu’elle voulait.
James avait vu Olivia une dernière fois dans les journaux. Elle l’avait observé avec ce même dédain, ce même sourire de triomphe. Mais cette fois, il ne ressentait plus la brûlure de la honte. Il avait franchi un autre seuil. Il se redressa, regarda la photo de lui aux côtés de Lady Sinclair. Le monde entier allait le voir autrement maintenant. Peut-être que la vengeance n’était pas une question de tuer ou de détruire. Peut-être que la vengeance était une question de puissance. De pouvoir.
Dans la presse, les voix étaient partagées, mais l’essentiel, c’était que tout avait changé pour lui. Il n’était plus le James qu’Olivia avait abandonné, celui qu’on avait oublié. Non, il devenait un autre James. Celui qui allait prendre tout ce qu’on lui avait pris. Et peut-être plus encore.
La presse en parla pendant des jours. Les rumeurs s’emballèrent, les interrogations furent légion. Et dans ce tourbillon, James n’était plus qu’un spectateur. Il attendait. Patient. Comme si tout cela n’était que la première étape. Mais il savait que, dans son cœur, il n’avait plus qu’un objectif : faire de cette union une arme. Une arme pour se venger de ce qu’on lui avait pris. Et pour ça, il n’hésiterait pas à tout sacrifier.
