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chapitre 2

Chapitre 2

Cassandre posa son dernier bagage sur le sol de la chambre. Un sentiment étrange la traversa. Elle n’était pas chez elle. Et cela, elle le savait depuis le début. Elle ne s'y ferait jamais. Ni à la froideur des murs, ni à l’odeur de l’air, ni à l’absence totale de chaleur humaine. Ce n’était pas sa place. Mais c’était là qu’elle devait être, là où on l’avait forcée à être.

Les gens parlaient d’elle. Elle entendait les murmures, les éclats de voix. Cassandre Vautrin, la fille des Vautrin, une héritière d’un empire. Un mariage arrangé avec Élias Morel, un homme d’affaires aussi insensible qu’un morceau de marbre. Et pourtant, tout le monde parlait d’elle comme si elle n’avait pas de volonté, comme si tout ça ne la concernait pas, comme si elle était une simple marionnette prête à suivre les ordres. Mais Cassandre n’était pas une marionnette. Elle se haïssait pour avoir accepté cette cage dorée. Mais il était trop tard. Tout était trop tard.

Elle fixa son reflet dans le miroir. Ses yeux étaient fermes, pleins de résistance. Elle savait ce qu’elle devait faire. Elle n’allait pas se laisser engloutir par cette mascarade.

Le bruit des pas se fit entendre dans le couloir. C’était lui. Elle l’avait senti. Il n’avait jamais eu besoin de frapper à la porte. Elle savait qu’il allait entrer sans même y réfléchir. Il était comme ça. Comme un fantôme imposant sa présence dans son espace. Elle se tourna lentement vers la porte. Et il entra.

« Il est temps de dîner, » dit-il, sans un sourire, sans un regard.

Cassandre ne répondit pas tout de suite. Elle avait sa propre dignité, et il était hors de question qu’elle l’abandonne en arrivant ici. Elle prit son temps avant de poser les yeux sur lui. « J’ai bien compris, » dit-elle finalement, d’un ton qu’elle espérait indifférent.

Il la scrutait comme s’il cherchait à lire ses pensées. Mais elle ne lui offrait rien. Pas même une bribe de ce qu’il pouvait espérer. Elle n’était pas là pour lui plaire, ni pour jouer à la femme docile qu’il attendait. Elle allait jouer son rôle, bien sûr. Mais ce rôle-là, elle le jouerait à sa manière.

Ils descendirent sans échanger un mot. Ils s’assirent à la table, face à face. Le dîner était déjà servi, soigneusement arrangé, mais aucun des deux ne semblait pressé de goûter. Le silence régnait, lourd, inébranlable. Les éclats des couverts sur les assiettes, les bruits trop nets de l’air qui passait. Rien d’autre. Rien d’humain.

« Alors, » commença-t-il enfin, brisant l’atmosphère avec une froideur glacée, « tu t’es installée. Tout va bien ? »

Elle leva les yeux vers lui, le fixant quelques secondes avant de répondre. « Ne me parle pas de ‘bien’. Ce n’est pas une question de confort. C’est une question de survie. »

Il haussait les épaules. Un geste dénué de toute émotion. « C’est une question d’ordre. » C’était tout. Toujours aussi simple. C’était une question d’ordre. Et c’était là tout le problème, non ? Elle n’était pas un pion. Pas une simple pièce dans le grand jeu des Morel.

« Je ne suis pas là pour me fondre dans tes règles, Élias, » dit-elle, une froideur dans la voix, mais quelque chose de plus perçant dans le regard. « Je suis là parce qu’on m’y a contrainte. Mais il y a des limites. »

Il la regarda, un éclat indéfinissable traversant ses yeux. Il savait qu’il devait garder un certain contrôle. Mais il ne pouvait pas ignorer cette flamme qui brillait dans ses prunelles. Cette flamme qui refusait de s’éteindre. Comme un défi.

« Qu’est-ce que tu veux, Cassandre ? »

Elle posa ses couverts, laissant une légère marque sur la nappe. Elle releva la tête et planta ses yeux dans les siens. « Je veux que tu comprennes une chose : je ne suis pas là pour être docile. Je ne suis pas là pour faire semblant que tout va bien. Je ne suis pas ta propriété. Je n’ai pas besoin de ton approbation. Je veux qu’on vive ici en respect mutuel. Que tu me laisses ma liberté. Et que tu cesses de jouer à ce petit jeu. »

Le silence se fit. Il l’étudiait. Il savait que son indépendance le dérangeait. Mais au fond, cela l’intriguait aussi. Cette femme, cette cassure dans l’ordre qu’il s’efforçait de maintenir. Il n’avait jamais vu quelqu’un comme elle. Aussi détestable que fascinante.

« Tu veux qu’on vive séparés ? » dit-il finalement, ses mots lents, mesurés.

« Je veux qu’on vive séparés. Mais sous le même toit, » répondit-elle. « Je veux mes espaces, mes moments, mes règles. Pas de faux semblants. »

Il sourit légèrement. Pas un sourire chaleureux. Plutôt un rictus, comme un avertissement, une reconnaissance d’un défi qui venait d’être lancé. « Tant que tu comprends que tes règles n’entrent pas en contradiction avec les miennes. »

Elle n’eut pas de réponse immédiate. La tension qui s’était installée entre eux était palpable. De son côté, elle savai » que son idée d’indépendance serait difficile à maintenir dans cet endroit. Mais elle n’avait pas le choix. Et elle savait que si elle cédait maintenant, elle perdrait tout.

Il se leva brusquement, les bras croisés. Il semblait réfléchir à ce qu’elle venait de dire, pesant chaque mot, chaque parole. Puis, il s’éteignit dans le silence.

« Je te préviens, Cassandre, » dit-il d’un ton plus ferme. « Je ne jouerai pas à tes jeux. Tu crois pouvoir tout contrôler. Mais ici, tout est sous contrôle. Et il y a des limites à tout. »

Elle le fixa, impassible. « J’ai compris. Mais il n’y a pas que des limites pour moi. Il y a aussi des choix. Et si je fais des choix, tu n’y pourras rien. »

Les yeux d’Élias la transperçaient, et il resta là, à l’observer, sans rien ajouter. À cet instant, ils se rendaient tous les deux compte que la partie venait de commencer. Mais personne ne savait qui allait remporter la bataille.

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