Chapitre 7

Luca s’était toujours vu comme le centre de l’attention. C’était un homme d’affaires influent, implacable dans ses décisions, un habitué des galas mondains où il brillait par son charisme. Il n’avait jamais eu besoin de personne pour attirer les regards. Mais cette fois, il avait fait l’erreur de sous-estimer son épouse. Et ce qu’il ignorait, c’était qu’Amélie allait non seulement le déstabiliser, mais aussi le forcer à voir sous un jour nouveau la femme qu’il croyait si insignifiante.

Le gala auquel ils étaient invités était l’un des événements mondains les plus prestigieux de l’année. Un rassemblement d’élite, une soirée où les puissants du pays se retrouvaient pour négocier, échanger et exhiber leurs atouts. Luca avait prévu d’y aller seul. Son apparence impeccable, son costume sur-mesure, son charisme naturel… Il savait qu’il n’avait pas besoin d’un bras droit à ses côtés. Amélie, après tout, n’était qu’un accessoire de son statut. Il n’avait pas prévu qu’elle puisse devenir la star de la soirée.

Lorsqu’il lui annonça que le gala était important et qu’elle ne pourrait pas l’accompagner, elle ne réagit pas. Il pensait qu’elle accepterait avec docilité, comme elle l’avait fait jusque-là. Mais elle le surprit en lui annonçant qu’elle irait, qu’elle serait présente. Il essaya de la dissuader, mais son obstination et son calme le déstabilisèrent. Après tout, elle avait toujours su se montrer implacable quand il s’agissait de ses choix.

Le soir venu, Luca se rendit à la salle de réception, déjà agacé par le fait qu’Amélie allait l’accompagner. Il avait prévu de dominer la soirée, d’établir des contacts, de séduire ceux qui pouvaient lui être utiles. Mais en entrant dans la grande salle éclairée par des lustres étincelants, il aperçut Amélie. Elle était là, à l’entrée, telle une apparition.

Elle portait une robe noire qui épousait parfaitement ses courbes, d’une élégance sobre mais tellement frappante. Elle ne cherchait pas à se faire remarquer, mais sa présence, son calme naturel, son allure digne et noble, captiva immédiatement l’attention. Les regards des invités se tournèrent vers elle, fascinés par cette beauté froide, presque distante. Elle n’avait rien de bruyant, rien d’extravagant dans son comportement. Mais son silence, sa posture parfaite, et cette aura de tranquillité qui l’enveloppait la rendaient presque royale. Luca sentit un frisson d’agacement parcourir son échine. Il détestait cette façon qu’elle avait de voler la scène sans même faire un geste.

Tout au long de la soirée, il remarqua qu’elle était constamment entourée de personnes influentes, des hommes et des femmes qui semblaient l’écouter attentivement, pendus à ses lèvres. Elle n’était pas seulement belle, elle était brillante, d’une intelligence rare qu’il n’avait pas perçue au premier abord. Luca la voyait échanger avec des leaders d’opinion, des entrepreneurs, des journalistes de renom, et chaque conversation semblait la mettre en valeur davantage. Son charisme discret avait fait le reste.

Il la surprit une fois en pleine conversation avec un banquier influent, son visage illuminé par une discussion animée. Elle parlait de politique économique, d’investissements à long terme, de projets philanthropiques. Luca écoutait, à distance, tout en serrant les dents. Elle n’avait jamais parlé de tout cela avec lui. Elle avait toujours été en retrait, se contentant de suivre son rythme, de se taire, de lui laisser la place. Et pourtant, ici, dans cette grande salle, elle ne semblait ni timide ni effacée. Elle était simplement… fascinante.

Un peu plus tard dans la soirée, Luca se retrouva à discuter avec un autre invité, un homme d’affaires qu’il connaissait bien. Mais ses yeux ne pouvaient s’empêcher de se poser sur Amélie, là-bas, dans son coin. Chaque fois qu’elle riait, chaque fois qu’elle captait l’attention de quelqu’un, il sentait un pincement d’irritation lui serrer le cœur. C’était absurde. Pourquoi la voyait-il d’un œil aussi critique ? Elle n’avait rien fait d’autre que d’être elle-même, et pourtant il ne supportait pas de la voir si… brillante, si à l’aise.

Un autre groupe se forma près de lui, et Luca se laissa entraîner dans des discussions de travail. Mais le poids de l’atmosphère pesait sur ses épaules. Amélie n’était plus une simple épouse docile, une compagne de scène. Elle était désormais un atout, un personnage à part entière dans ce jeu mondain qu’il jouait, et cela lui déplaisait profondément. Elle s’était glissée dans ce monde qu’il pensait dominer, et elle y avait trouvé sa place, comme si elle en faisait partie depuis toujours.

Lorsqu’il la rejoignit enfin, après une longue heure de discussions et de chuchotements, il n’essaya même pas de cacher son agacement.

— Tu t’amuses bien ? demanda-t-il d’une voix mielleuse, mais les yeux froids.

Elle leva les yeux vers lui, et un sourire léger étira ses lèvres. Il n’avait pas remarqué à quel point il l’avait délaissée ce soir-là. Il n’avait pas vu, dans ses silences, la confiance qu’elle avait acquise au fil des années.

— Très bien, merci. Tu vois, je pense qu’on peut tous apprendre quelque chose de ces gens, dit-elle simplement. Elle détourna les yeux pour se concentrer à nouveau sur une conversation en cours avec un homme d’une grande importance, le directeur d’un grand groupe technologique.

Luca se sentit inutile. Il n’avait plus aucune emprise sur la situation. Il se disait qu’il pouvait encore la rabaisser, lui faire sentir qu’elle n’était qu’une étrangère dans ce monde qui lui était si familier, mais il n’en avait pas le courage. Non, il se contenta de rester là, silencieux, les poings serrés, regardant Amélie, toujours au centre de l’attention.

Plus tard dans la soirée, lorsqu’un toast fut porté à la réussite et à l’avenir, Amélie se leva. Elle n’avait pas été invitée à s’exprimer, et pourtant elle prit la parole. Sa voix, calme et assurée, se fit entendre dans la salle. Elle parla des enjeux économiques à venir, de l’importance de la responsabilité sociale des entreprises, de la manière dont la solidarité pouvait renforcer les fondations d’un monde meilleur. C’était un discours réfléchi, solide, articulé avec une maîtrise parfaite.

Luca sentit une chaleur étrange monter en lui. Ce n’était pas de la fierté. Non, c’était quelque chose de plus insidieux, de plus complexe. Il était pris entre l’admiration et la frustration. Il s’était toujours vu comme l’unique personnage capable de briller dans ce genre de cadre. Mais ce soir, c’était elle qui avait ébloui, c’était elle qui avait capté toute l’attention. Et, malgré lui, il devait l’admettre : il était impressionné.

La soirée se termina, et alors qu’ils regagnaient tous deux leur voiture, Luca s’installa en silence, ses pensées tourbillonnant. Il n’avait jamais imaginé qu’Amélie puisse être une personne aussi complexe, aussi capable de se faire respecter dans cet univers qu’il avait toujours considéré comme le sien. Elle n’était plus simplement son épouse, elle était une égale, une adversaire redoutable. Et, à cet instant précis, il ne savait plus si cela le rendait furieux ou s’il éprouvait une forme étrange de respect.