Le Baiser de l’Exilée
Le sang séchait sur sa peau comme un tatouage vivant. Chaque battement de cœur pulsait comme un écho d’un autre monde. Nael était assis au bord de la fontaine rouge, les yeux perdus dans les reflets de son propre corps. Il se redécouvrait. Chaque muscle, chaque nerf vibrait différemment. Comme si son ossature avait été réécrite.
Aeliana dormait contre lui, nue, un bras possessif autour de sa taille, une jambe posée sur la sienne. Même dans le sommeil, elle le tenait. Comme si elle savait que d’autres mains pourraient le lui voler.
Mais Nael ne dormait pas. Une présence l’avait éveillé. Une odeur ancienne, un soupir dans l’air.
Il se leva doucement, déposant Aeliana sur une couverture. Il marcha lentement vers le couloir, sentant l’appel dans ses entrailles. C’était doux… et tranchant. Une mémoire ancienne, qu’il ne savait pas avoir. Une faille.
Il traversa le tunnel, le cœur serré, jusqu’à ce qu’il entre dans une pièce ronde, éclairée par une lueur lunaire filtrée à travers des vitraux brisés.
Et elle était là.
Adossée au mur, les bras croisés sur sa poitrine, un sourire moqueur sur ses lèvres sombres. Une beauté aux cheveux courts, rouges comme le feu. Des yeux vert émeraude, félins. Un corps nerveux, tatoué, fait pour la guerre comme pour l’amour.
— Salut, bâtard.
Nael resta figé.
— Lena...
Son ancienne amante. Sa première morsure. Celle qu’il avait cru morte, exécutée pour trahison. Celle qui avait juré de revenir le tuer si jamais il pactisait avec le sang.
Elle s’approcha, féline, silencieuse.
— Je te reconnais à peine. Tes yeux brillent… ta peau est différente. Elle t’a changé, hein ?
— Ce n’est pas ce que tu crois.
— Ah non ? Parce que ce que je vois, moi, c’est un homme nu, couvert du sang des Gardiens, avec une morsure fraîche dans le cou. Ça ressemble pas mal à une transformation.
Il la fixa, les poings serrés.
— Pourquoi t’es là ?
— Parce que j’ai entendu l’appel. Le même que toi. Tu crois être unique, Nael ? Tu crois être l’unique hybride à sentir la terre gronder ? Tu n’es pas seul. Et moi aussi, j’ai changé.
Elle ouvrit sa chemise, lentement. Sur son torse pâle, une cicatrice énorme en forme de croissant de lune. Mais sous la peau, une lueur pulsait. Une magie ancienne, obscure.
Nael s’approcha, fasciné malgré lui.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Le baiser de l’Exilée. Le sceau de la Meute Noire. Ils m’ont sauvée. Transformée. Comme elle l’a fait pour toi.
Elle posa une main sur sa joue, ses ongles caressant sa peau. Un frisson le traversa.
— Tu me manques, murmura-t-elle.
Et sans attendre, elle l’embrassa. Brutalement. Avec faim. Il sentit sa langue envahir sa bouche, et son corps répondit malgré lui. Elle était feu et cendre. Elle l’avait aimé. Elle le désirait encore. Il l’attrapa par les hanches, la plaqua contre le mur.
Son souffle s’accéléra, et son bassin se tendit contre elle. Mais au moment où il allait la pénétrer, il s’arrêta, haletant.
— Non.
Elle le regarda, un éclair de tristesse et de colère dans les yeux.
— Tu l’aimes, cette vampire.
— Ce n’est pas ça.
— Si. Je le vois. Tu veux son âme. Tu as partagé ton sang. C’est sacré, Nael.
Il recula, honteux, troublé.
— Lena…
— Tu étais à moi. Avant qu’elle ne te corrompe.
Elle s’approcha de lui, cette fois sans rage. Juste blessée. Son corps nu frôla le sien, mais elle ne chercha pas à l’allumer. Elle se contenta de poser ses lèvres sur sa poitrine.
— Je ne veux pas te tuer. Je suis venue te prévenir.
— De quoi ?
— Elle n’est pas ce qu’elle prétend être. Elle fait partie du Cercle Rouge. Ils cherchent à réveiller l’Héritier pour le sacrifier. Pour faire renaître la Mère Sang. Elle t’utilise.
Il recula, bouleversé.
— Non… Aeliana m’a sauvé. Elle m’a aimé.
— Elle t’a ensorcelé. Tu crois qu’elle t’aime ? Les vampires ne savent pas aimer. Ils manipulent. Ils possèdent. Elle t’a pris dans ses draps pour mieux t’offrir à son clan.
Nael serra les dents. Tout en lui se tordait. La peur, le doute, le désir. Lena s’approcha encore.
— Tu veux la vérité ? Viens avec moi. Une nuit. Je te montrerai ce qu’elle te cache.
Il resta silencieux, puis hocha la tête. Il fallait savoir. Il s’habilla, jeta un dernier regard à la pièce où dormait Aeliana, et suivit Lena dans les galeries.
Ils marchèrent longtemps, jusqu’à atteindre une salle souterraine, tapissée de symboles anciens. Lena s’agenouilla et dévoila une trappe. En dessous… un cercueil de pierre.
— Regarde.
Elle l’ouvrit. À l’intérieur, un corps. Parfaitement conservé. Une femme aux cheveux noirs. Identique à Aeliana.
— C’est...
— Sa sœur. Sa jumelle. Tué par elle-même. Pour prendre sa place dans la hiérarchie du Cercle Rouge.
Nael chancela. Lena continua :
— Elle l’a trahie, poignardée. Et chaque nuit, elle revient ici prier son cadavre. Parce qu’elle sait ce qu’elle a fait. Parce qu’elle a peur que la Mère Sang la punisse.
Nael tomba à genoux. Tout s’effondrait.
Lena se mit derrière lui, posa ses mains sur ses épaules.
— Tu veux oublier ? Tu veux ne plus penser à elle ?
Il ne répondit pas. Et elle le fit basculer en arrière, l’embrassa encore. Ses mains glissèrent dans son pantalon, caressèrent sa virilité, la réveillèrent. Elle se glissa sur lui, nue, affamée, et le prit sans attendre.
— Laisse-la, murmura-t-elle. Elle t’a trahi. Moi, je t’ai aimé.
Il gémit, partagé entre la rage et le plaisir. Son corps voulait Lena, sa peau reconnaissait ses gestes. Elle monta sur lui, ondulant, gémissant, le prenant de plus en plus fort, de plus en plus vite. Il se laissa aller, son esprit s’effaçant dans la luxure. Elle explosa en criant son nom, et l’emporta avec elle dans une chute orgasmique brûlante.
Et puis… il pleura.
Elle se pencha vers lui, essuya une larme.
— Tu comprendras, bientôt. Ce monde est fait de sang, de trahison, et de luxure. Rien d’autre.
Et dans l’ombre, Aeliana les regardait.
Le cœur brisé.
