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-Putain mais c'est génial les gars ! m'exclamé-je, folle de joie pour mes amis.
-Bah oui ! On te le répète depuis cinq minutes !
J'explose de rire face à la liesse qui les habite. Non sans mal, je parviens à me défaire des bras de pour les laisser exulter en trio. Ils piaillent dans tous les sens, anticipant déjà ce qu'un tel entretien peut leur apporter. Des rêves de disques flottent dans l'air et pour la première fois depuis qu'ils jouent ensemble, j'ai le sentiment qu'ils n'ont plus qu'à tendre la main pour les atteindre. agrippe mes doigts et me tire à sa suite, fendant la foule pour suivre Sam et Nico qui parviennent à mettre le grapin sur une table haute. Des bières se matérialisent sous nos yeux et rapidement, nous trinquons au bonheur qui les attend.
Je laisse les garçons évoquer leurs projets avec joie, les idées fusant à toute vitesse à mesure que les heures passent. Quand ils finissent par se calmer, leurs trois petites têtes se tournent vers moi. Oh oh oh. Je connais ces regards de chiens battus. Je connais ces petites moues suppliantes absolument irrésistibles. Ces trois idiots ont un truc à me dnder.
-Quoi... ? lancé-je, méfiante.
-... on aimerait que tu écrives à nouveau pour nous..., me répond Nico d'une voix mielleuse.
-C'est grâce à toi si Tom Wallins nous a repérés. On fait une super équipe tous ensemble et on veut que ça continue, minaude Sam.
-Premièrement, ce n'est pas grâce à moi si ce gars vous a repérés mais tout simplement parce que vous êtes hyper doués et que vous le méritez. Ensuite, je veux bien essayer d'écrire de nouvelles chansons mais je ne vous promets rien. C'était la première fois que je me prêtais à l'exercice et je ne sais pas si je suis capable de recommencer.
-Moi je n'ai aucun doute Em', t'es faite pour ça.
La tendresse que je lis dans le regard de me rend toute chose. Bon sang, j'adore ce garçon !
-Parfait, marché conclu. Maintenant, on trinque ! fanfaronne Sam en faisant claquer nos bouteilles.
Les garçons continuent d'évoquer de nouvelles chansons, de nouveaux concerts, de nouveaux festivals. Lorsque mon téléphone vibre dans ma poche, je les laisse à leurs rêves de gloire pour me concentrer sur la photo que je viens de recevoir. Sur mon écran, le visage de mon frère s'étale fièrement, arborant un franc sourire. Il est entouré des membres de son groupe, tous armés de leur instrument de prédilection. Mon instinct de grande sœur étouffante se réveille quand je rrque le nombre de bouteilles vides en arrière-plan et il prend même considérablement d'ampleur quand je calcule la faible distance qui sépare mon frère de la chanteuse. La chanteuse pour laquelle il en pinçait pas mal. Cette même chanteuse qui l'a oublié sitôt l'Italie quittée.
Il faut que je me calme. Il faut vraiment que je le laisse vivre sa vie. Après tout, je n'ai plus le choix, il a quitté la France depuis dix jours maintenant. Oui mais voilà, j'ai toujours eu l'habitude de garder un œil sur lui alors je dois bien avouer que mes vieilles habitudes sont difficiles à perdre. Cependant, le voir si heureux au milieu de ses amis soulage l'amertume qui me berce tous les soirs.
Il a fait le bon choix. Et peu importe la distance, nous resterons proches.
Perdue entre mélancolie et résignation, je sursaute quand la main de se faufile dans mon dos pour s'accrocher à ma taille. Il m'interroge d'un regard soucieux mais je m'empresse de le rassurer d'un petit baiser volé.
-Bon sang, y'a pas à dire, ça fait vraiment bizarre de vous voir ensemble tous les deux ! lâche Sam sans aucune finesse.
-C'est vrai, vous vous tourniez autour depuis tellement d'années qu'on croyait que c'était foutu, renchérit Nico.
J'enfouis ma tête derrière mes paumes pour essayer de disparaitre. Sérieusement, qu'y a -t-il de plus gênant que des amis commentant votre couple juste devant vous ?
-Vous ne voudriez pas parler d'autre chose les gars ? grommelé-je.
-Pourquoi ? Ça te gêne qu'on vous dise...
-STOP ! Ne me cherchez pas sinon vous pouvez dire adieu à vos chansons !
Les garçons lèvent les mains en l'air en signe de défaite. Alors que Nico m'offre une nouvelle bière, Sam se positionne dans mon dos pour me masser les épaules.
-Ok, ok on se tait. On ne voudrait pas froisser notre championne !
Je ris tandis que chasse les mains de Sam.
-Arrête de la tripoter !
-Laisse-moi prendre soin de notre parolière !
Sam ne se démonte pas et continue de balader ses mains sur mon dos. Je gigote sous son assaut plutôt agréable mais perd rapidement patience. Il repousse une nouvelle fois Sam et me force à me lever de ma chaise. Soudain, je ne comprends plus rien à ce qui m'arrive. Je sens la poigne du garçon sur mes hanches puis je me retrouve la tête en bas, pendue sur son épaule. La vue est certes appréciable mais cela ne m'empêche pas de m'agiter dans tous les sens, ni de rabrouer le garçon sans ménagement. Une fois hors du bar, il daigne me reposer à terre uniquement pour mieux ouvrir la portière de sa voiture et m'engouffrer à l'intérieur.
-Bon sang mais qu'est-ce qu'il te prend ?
Stoïque, il s'installe au volant et démarre le moteur.
-J'en ai marre que tout le monde te drague ou te tripote ce soir !
-Tu es sérieux ?
-Plus que sérieux !
-Je ne te pensais pas si jaloux...
-Je ne le suis pas. Uniquement avec toi.
Je souris comme une idiote. Je ne devrais pas apprécier cet élan de possessivité mais au fond de moi, je sais qu'il agit ainsi parce qu'il a peur de me perdre à nouveau. Alors je laisse mes doigts glisser à l'intérieur de sa paume et lui offrir deux tendres pressions. Ses épaules s'affaissent légèrement mais il ne se détend complètement que lorsque je porte nos mains liées à ma bouche.
-Tu sais... je comprends ce que voulaient dire les garçons tout à l'heure, lance-t-il à voix basse.
-A propos de quoi ?
-De nous. Je ne trouve pas ça bizarre, non, mais plutôt irréel. Comme un rêve qu'on a attendu trop longtemps. J'ai constamment peur de me réveiller et de me prendre la réalité en pleine face.
-Moi aussi M. Promets-moi qu'on ne se réveillera pas...
-Je te le promets poupée. Je ne te laisserai pas t'échapper.
La nuit camoufle les passants, les insomniaques et les fêtards ; témoins de nos confidences à cœurs ouverts. Notre voiture avale les kilomètres sans se soucier que dans son habitacle, deux âmes timides apprennent à s'ouvrir l'une à l'autre. Nous sommes prisonniers de nos espoirs et rien ne semble pouvoir les ébranler. Pas même mes idées noires qui s'éparpillent dans la pénombre, disparaissant dans le paysage qui s'estompe dans le rétroviseur.
La nuit a toujours été notre allié, c'est vrai. Mais aujourd'hui, nous n'avons plus peur du jour.
-J'ai envie que tu continues à me faire découvrir ton monde Em'. Emmène-moi pour de nouvelles aventures.
Je m'emmitoufle à nouveau dans mon siège pour pouvoir le regarder à ma guise.
-De quoi as-tu envie ?
-De vibrer, de trembler, d'avoir peur, de rire, de pleurer... De vivre quoi.
Ses mots fondent et plongent sous ma peau. Je les ressens dans ma chair, devinant instantanément tout ce qu'ils ne disent pas.
-Alors din, on part du rafting.
-Je n'en ai jamais fait, avoue-t-il timidement.
-Je sais. Et j'ai envie que ce soit moi qui te fasse découvrir ces sensations.
Un petit sourire anxieux nait sur ses belles lèvres. Dans ma tête, c'est le rush. Je suis déjà en train d'organiser notre petite escapade, réfléchissant au meilleur spot pour en mettre plein les yeux à . Je veux qu'il s'élance dans le torrent avec la boule au ventre et qu'il arrive en bas des rochers avec plus d'adrénaline que de sang dans les veines. Je veux qu'il vive tout ce qu'il a raté quand nous étions ado.
Quand nous arrivons à la maison, je me jette sur mon ordinateur. Je repense à cette magnifique journée que j'avais passée avec mon papa quand j'avais treize ans et je le remercie d'avoir eu assez confiance en moi pour me permettre de l'accompagner dans toutes ses folies. J'imprime notre itinéraire, je fonce en cuisine nous préparer des sandwichs et je regagne la maison de mes parents pour déterrer leurs équipements. Les mains chargées de combinaisons, de gilets de sauvetage et de chaussures spécialisées, j'atteins la voiture le sourire aux lèvres. va adorer notre escapade.
La maison est totalement endormie lorsque je monte les escaliers. Même si j'ai passé la plupart de mes nuits dans les bras du garçon depuis que nous sommes ensemble, je n'ai jamais été celle qui rejoint l'autre. Mais il faut un début à tout, non ? Parce que je n'ai vraiment pas l'intention de m'endormir dans des draps solitaires ce soir.
La respiration de est lente et apaisée quand je pénètre dans sa chambre. Je me glisse entre ses bras et dépose un léger baiser à la commissure de ses lèvres. Puis le chant des battements de son cœur s'estompe à mesure que je sombre à mon tour.
Lorsque le réveil sonne, mes yeux encore tout assoupis refusent de s'ouvrir. grogne en recouvrant nos têtes avec le drap qui a dormi à nos pieds. Nous restons ainsi quelques minutes quand la perspective de cette belle journée se rappelle à mon souvenir. Je me redresse alors brusquement, pressée de m'élancer dans les eaux vives qui nous attendent. Mon compagnon ne semble pas franchement de cet avis puisqu'il agrippe le drap de toutes ses forces pour se cacher.
- ! Réveille-toi... claironné-je d'une voix sensuelle.
Ses deux magnifiques topaze émergent du coton blanc, attirées par la promesse silencieuse de mes caresses aventureuses. De mes jambes encerclant maintenant ses hanches. Ses mains chaudes trouvent refuge dans le bas de mon dos, m'obligeant à me courber pour cueillir ses baisers.
-J'ai besoin d'aide pour me réveiller, tu ne connaitrais pas un bon remède ?
L'innocence qui point dans sa voix me ferait presque rire si ses lèvres ne me faisaient pas rougir jusqu'à la racine de mes cheveux. Nos corps entament leur valse, celle-là même qu'ils ont maintes fois répétée. Nos baisers pleuvent, nous inondant d'un désir crépitant. Soudain, les mains de s'infiltrent sous mon débardeur et je me fige. L'oxygène qui trouvait son chemin dans ma gorge se perd quand je sens le bout de ses doigts se promener nonchalamment sur la peau nue de mon dos. Sur mes cicatrices qu'il effleure aussi doucement que ma peau vierge. Ses baisers dégringolent dans mon cou, câlinent le creux de mon épaule pour atteindre le haut de ma poitrine.
Je me noie dans ce torrent qui m'aveugle.
Je ne sais plus si je dois le repousser, le laisser faire, me dégager, profiter de ses baisers, fermer les yeux, essuyer quelques larmes, me cacher ou me...
-Putain Em', j'ai tellement envie de toi !
L'aveux de court-circuite mes angoisses. D'un geste assuré, il dégage le col de mon top pour s'octroyer un meilleur accès à mes seins. Sa bouche se referme sur ma peau immaculée et je gémis. Le désir qui prend vie entre les jambes du garçon répond à celui qui grouille dans mon ventre. Ses caresses continuent d'escalader mon corps, le parcourant sans gêne pour le faire sien. Ses mains sont si douces, oh si douces, et ses lèvres si brûlantes que j'oublie absolument tout ce qui n'est pas lui.
Sentant sans doute que mes réticences se font la malle, n'hésite pas à se redresser pour me plaquer dos au matelas. Il me surplombe de toute sa magnificence, ses lèvres retroussées goûtant mon petit sourire. L'étreinte dans laquelle il m'enrobe est si exquise que je me perds entre ses bras. De sa bouche impérieuse, il trace un chemin qui me mène au plaisir. Mon vêtement est maintenant remonté sur la moitié de mon ventre mais je crois que je m'en fiche. Je crois que je veux juste essayer d'oublier tout ce qui me fait honte.
Essoufflés mais heureux, nous émergeons une bonne demi-heure plus tard. Je m'empourpre légèrement quand je l'observe se diriger vers la salle de bains. Nos caresses sont certes toujours aussi naïves mais elles nous procurent un plaisir incommensurable. Petit à petit, transgresse mes barrières et je me redécouvre dans ses bras. L'eau chute dans la douche, encerclant le corps du garçon qui me hèle de le rejoindre. Je décline son invitation en riant et je file me préparer dans ma chambre.
Si j'entre dans cette cabine de douche, nous ne décollerons jamais d'ici.
Après avoir forcé à avaler un petit déjeuner de champion, nous nous mettons en route. Le soleil se lève à peine, nous offrant le privilège d'assister à son plus beau spectacle. Les teintes ocres s'étalent sur leur toile de fond bleutée et nous roulons en silence. A mesure que nous nous éloignons de la ville, le garçon me pose tout un tas de questions. Comme j'ai pris en charge l'organisation de notre petite folie, il ne sait pas du tout ce que je nous ai réservé.
-Je t'emmène dans l'un des meilleurs spots de rafting qui existe. Ce n'est pas le plus connu mais c'est le plus sauvage. On va d'abord grimper un moment au milieu des roches et quand on aura atteint le relief parfait, on s'élancera dans les eaux vives. Là-bas, hormis le sale caractère de la rivière, personne ne viendra nous emmerder.
-C'est encore loin ?
Je ris légèrement en le couvant du regard.
-Oui plutôt. Il nous reste encore deux bonnes heures de route. Si on est trop crevés après la descente, on trouvera un hôtel pour dormir sur place.
-Mince, je n'ai pas pris de vêtements de rechange !
-On s'en fout M ! Tu voulais de l'aventure ? Je vais t'en donner, fais-moi confiance.
Son sourire est timide, presque crispé. L'espace d'un instant, j'ai peur qu'il ait changé d'avis mais lorsque sa main posée sur son cœur agrippe la mienne, je sais qu'il a besoin de moi pour le pousser hors de ses sentiers battus.
-Tu va adorer je te le promets.
Notre voiture dévale les courbes et s'engouffre dans les secrets de l'arrière-pays. Isolés dans l'habitacle, nous profitons de ce moment rien qu'à nous pour nous ouvrir. me dnde des nouvelles de mon frère et je lui réponds sans faux-semblant. Je ne minimise pas ma peine et je lui confie ce qui me pèse sur le cœur sans avoir à feindre d'être forte en toutes circonstances. Il me parle de ses parents et du sentiment d'abandon qui le hante depuis des mois maintenant. Je croyais libre de toute chaine émotionnelle mais je me suis trompée. Ce n'est pas parce qu'il parle facilement de ce qui le tourmente qu'il n'en souffre pas.
