
Résumé
Brisée et seule, Angèle vivra un véritable cauchemar aux côtés de sa belle-mère qui ne lui laissera aucun repis. S'enfuir sera pour elle la seule option, mais pas la plus securisante. À la merci de la méchanceté de la rue, Éric un jeune homme mystérieux l'aidera à s'en sortir lui donnant ainsi un nouvel espoir. Mais parviendra-t-elle à surmonter son passé et à donner une chance à cette nouvelle vie qui l'attend?
Chapitre 1: Sans mon père
Après le décès de ma mère, j’étais loin d’imaginer que ma vie deviendrait un véritable cauchemar. Son absence avait laissé un vide immense, mais malgré la douleur, papa et moi vivions dans une certaine paix. Nous étions unis dans notre chagrin.
Malheureusement, une année plus tard, il se remaria, et c’est ce jour-là que ma vie bascula à tout jamais. Une nouvelle femme entra dans notre maison, et papa, lui, s’éloigna de moi. Il m’ignorait, comme si je n’existais plus. J’étais désormais seule, abandonnée à moi-même, livrée à ce triste sort.
Je me levais chaque jour très tôt pour finir toutes les tâches de la maison avant son réveil. Malgré mes douze ans, je n’avais pas le droit à l’erreur. Si j’oubliais quoi que ce soit, c’était les coups, les insultes et parfois même la privation de nourriture. Mon père assistait à tout cela, silencieux, sans jamais intervenir.
— Angèle !! Angèle ! s’exclama ma belle-mère dès son réveil.
Épuisée par toutes les corvées, je me levai lentement. Mon corps me faisait mal. Il portait encore les traces de la ceinture, les écorchures que je m’étais faites en coupant du bois. Je m’appuyai contre le mur pour ne pas tomber, mes jambes faibles tremblaient sous mon poids.
— Ma-man, j’arrive… répondis-je, rassemblant mes dernières forces.
Assise dans le salon, la belle-mère l’attendait de pied ferme. Son visage crispé par la colère, elle tapotait le sol du pied avec impatience.
— Cette petite sotte ne fait jamais ce que je lui demande ! Elle va me sentir passer cette fois ! Angèle ! Tu es où ? Ne t’amuses pas avec moi hein ! répétait-elle, de plus en plus agacée.
Mes mains tremblaient. Mon cœur cognait fort dans ma poitrine. Chaque fois qu’elle hurlait mon nom, une peur profonde me saisissait. Je sortis enfin, la tête baissée, avançant péniblement vers elle.
— Viens là ! Angèle, rapproche-toi ! ordonna-t-elle sèchement.
— Je t’ai demandé d’avancer, petite idiote ! reprit-elle en se levant d’un bond, visiblement furieuse.
Je fis un pas après l’autre, le corps lourd, le regard toujours fuyant. Elle perdit patience, s’élança vers moi et me gifla brutalement.
— Imbécile ! Donc tu me fais me lever ? Je t’appelle et c’est moi qui dois venir te chercher ? Petite idiote !
Je tombai au sol sous la violence du coup, ma main instinctivement posée sur ma joue brûlante. Mes yeux, pleins de larmes, la fixèrent sans comprendre. Je cherchais une explication, un peu de compassion, mais je ne vis que du mépris, du rejet et une rage froide.
Ses cris reprirent, encore plus forts. Les insultes pleuvaient, suivies de coups de fouet. J’étais là, au sol, secouée de douleur et d’incompréhension.
— Angèle, c’est moi que tu veux tuer dans cette maison ? C’est à moi que tu manques de respect ? Stéphane ! Stéphane, sors ! Viens voir ta fille ! Viens voir comment elle me méprise ! Moi qui fais tout pour elle et cette maison !
Je restai figée, les sourcils froncés, le cœur battant si fort qu’il m’en faisait mal. Papa finit par sortir, dérangé par ses cris insistants. À peine avait-il franchi la porte qu’elle se mit à pleurer, s’agrippant à lui comme une victime.
Je tentais de retenir mes larmes, mais elles coulaient sans que je puisse les arrêter.
— Stéphane, ta fille me méprise tellement. Je l’appelle, non seulement elle prend tout son temps, mais elle me défie en me regardant droit dans les yeux. Regarde-la ! Regarde ce qu’elle fait !
— Angèle, que t’arrive-t-il ma fille ? Tu n’étais pas comme ça… dit-il, d’une voix ferme, mais lointaine.
Je tournai doucement la tête vers lui. Mon regard noyé de larmes cherchait désespérément un signe de tendresse, une once de compréhension. Mais avant même que je ne puisse parler, ma belle-mère s’interposa à nouveau. Elle se jeta rapidement dans ses bras, pleurant plus fort encore.
— Calme-toi… Calme-toi… Elle ne refera plus la même bêtise… Calme-toi… dit-il, en essayant de la consoler.
Mon cœur se déchira un peu plus. Moi, sa fille, au sol, blessée, ignorée. Et elle, consolée, chérie. J’eus l’impression de disparaître sous ses yeux.
Il se retourna brusquement vers moi, son regard froid comme la pierre.
— Méfie-toi, Angèle. Respecte-la comme ta propre mère. Je ne veux plus entendre de pareilles choses. Sinon, gare à toi, lança-t-il.
Ses paroles me transpercèrent comme des lames. Cet homme, mon père, que j’aimais tant, qui m’avait autrefois bercée et protégée… était devenu un étranger. Un papa incapable de voir ma peine, aveuglé par une femme qui me faisait vivre l’enfer.
Il la consola à nouveau puis retourna dans sa chambre, lentement, le dos courbé, fatigué.
Dès qu’il referma la porte, le visage de ma belle-mère changea aussitôt. Plus de larmes. Son regard devint dur, cruel. J’étais seule, face à mon bourreau.
Elle s’approcha de moi, me saisit violemment par le bras. Je criai, mais elle ne me lâcha pas. Elle me traîna jusqu’à la véranda et me jeta au sol.
— Tu as vu cette véranda ? Tu veux dire que c’est comme ça que ta mère t’a apprise à faire le ménage ? Tu vas me re-nettoyer ce sol ! Va puiser de l’eau et reviens immédiatement nettoyer cette véranda ! dit-elle sèchement, avant de rentrer.
Je restai un moment là, au sol, les larmes coulant le long de mes joues. Puis, lentement, je me relevai. Chaque mouvement me coûtait, mais je ne voulais pas qu’elle revienne me battre. Je rentrai à petits pas, pris un seau dans la salle de bain et ressortis.
Quand je revins, son regard me transperça. J’étais encore plus faible qu’avant, peinant à garder l’équilibre. En m’accrochant pour ne pas tomber, je trébuchai.
(Rires intenses)
Elle éclata de rire, moqueuse, cruelle.
— Dépêche-toi de te lever ! Cette véranda ne va pas se nettoyer toute seule ! s’exclama-t-elle en continuant à se moquer.
J’essuyai mes larmes d'un geste de la main. Je serrai les dents et me relevai. Le puits n’était pas loin, mais le chemin était mauvais, rempli de pierres et de trous. Il fallait souvent attendre longtemps, surtout le matin. J’avais déjà puisé de l’eau pour toute la maison, j’avais nettoyé chaque coin, mais ce n’était jamais assez. Elle trouvait toujours une excuse pour me battre et me faire recommencer.
La seule chose qui me permettait de rester debout… c’étaient les derniers mots de maman.
— Ma petite chérie, tu es une fille forte, et tu peux tout accomplir. Même si je ne suis plus là, je te regarde de là-haut. Je t’accompagnerai, je te donnerai toute la force.
Je fermai les yeux. Le soleil du matin réchauffait mon visage. Je respirai profondément, ajustai ma robe poussiéreuse pour éviter de trébucher. Mes petites mains abîmées par les coups serraient fermement le seau. Et j’avançai. Un pas après l’autre. Parce que malgré tout… malgré la douleur… maman me disait que j’étais forte.
