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Chap 2
- Tu ne me laisses pas te raccompagner jusqu’à chez toi ?
C’était la deuxième fois que Farid me posait cette question. Devant son regard tendre et implorant, je tins bon.
- Vaut mieux pas Farid. Maman n’est pas encore couchée et ce ne serait pas présentable. On s’appelle demain ?
- D’accord, mais sache que c’est à contrecœur. Maxine je ne sais pas comment tu veux que je te le dise. Je suis sincère avec toi, je tiens à toi et ta mère n’a rien à craindre de notre relation. Je suis tout ce qu’il y a de sérieux.
- On en reparlera demain. Il se fait tard. Bonne nuit Farid, dis-je en descendant de la voiture de Farid.
Je montai les quelques marches menant à la maison familiale. Arrivée au portail je me retournai pour lui faire un signe d’au revoir de la main. En retour, il m’a longuement regardé avec des airs de chiens battus avant de démarrer sa voiture.
- Hum, c’est maintenant que tu reviens ?
Maman me regardait avec un air sévère ses lunettes de lecture abaissées sur son nez aquilin.
- Ma’a il n’est que 20h. Et puis tu sais bien que j’étais avec Farid.
- Justement ! Ma mère avait brusquement déposé le livre qu’elle lisait à mon arrivée.
Ah ma mère j’ai eu l’impression qu’elle attendait que je prononce ce nom.
- Ton Farid là avec ses faux airs de « gendre idéal » ne me dis rien de bon. Trop gentil, trop poli. Qu’est-ce-qu’il te veut à la fin.
- Maman j’ai déjà répondu à cette question maintes fois. Il a même déjà demandé à te rencontrer mais tu refuses, il est sérieux et…
- Veut-il t’épouser ? me coupa-t-elle
- Ma’a on n’en est pas encore là. Comment épouser quelqu’un que tu ne connais pas encore bien.
Je m’étais affalé sur la moquette, fatiguée de ma journée de cours au campus universitaire et de mon rencart avec Farid.
- Ca fait déjà plusieurs semaines que tu m’en as parlé... En tout cas ton histoire-là hum !, lança-t-elle en se dirigeant vers sa chambre.
Si elle savait que ma rencontre avec Farid remontait bientôt à 10 mois !
Ce jour-là je sortais du campus universitaire à Soa, situé à quelques kilomètres de Yaoundé. C’était la veille de la fin des examens du second semestre de ma dernière année de licence. Je n’avais pas attendu mes inséparables potes Benjamin, Raphaëlle et Guillaume ; tellement j’étais mentalement sonnée. J’avais décidé de prendre le car pour Yaoundé. Arrivée à destination je me suis rendue compte, après avoir retourné mon sac que j’avais égaré mon porte-feuille. Le motor-boy qui avait tout au long du trajet essayé d’engager la conversation avec moi avait sauté sur l’occasion pour me chahuté.
-Donc tu crâne comme ça alors que tu es une « voleuse de car » ?
- C’est pas la peine de me traiter de voleuse. Je ne retrouve pas mon porte-feuille.
J’essayais de garder mon calme parce qu’à la « Camair » lieu de stationnement des cars, la foule n’attendait que ce genre d’occasion pour se divertir…
- Tu n’es pas voleuse ? Donne-moi donc mes 200 !
Il le disait avec un mauvais sourire qui n’annonçait rien de bon. Je voyais déjà venir un chantage. Le chauffeur du car ne nous gérait pas. J’ai eu l’impression que cela l’amusait plutôt. J’ai cherché dans les alentours du lieu de stationnement si je rencontrai un visage familier. J’ai cru apercevoir un camarade. En voulant courir vers lui, le gars m’attrape par le bras et fais se répandre sur le sol tous mes effets.
- Mon ami tu n’as pas besoin d’être aussi grossier et brutal !
Le motor-boy et moi nous sommes retournés pour voir qui parlait. C’était un jeune homme. Je n’arrivais pas à bien voir son visage à cause du soleil couchant qui était derrière lui. Pendant que je me baissais pour ramasser mes effets je l’ai vu remettre quelques pièces au motor-boy qui est parti sans demander son reste. Ensuite, il s’est courbé et a fini de ramasser mes stylos.
- Ca va ? me demanda mon « sauveur ».
- Oui ça va. Merci beaucoup ! Je ne savais pas quoi dire d’autre.
Maintenant je pouvais bien distinguer son visage. Il avait les traits fins et un teint noir ciré. J’ai compris à sa physionomie et à son accent que c’était un ressortissant du nord. Sans me demander mon avis, il me prit légèrement par le coude et nous traversâmes la route vers une voiture garée devant la Camair. Craintive, je me dis qu’il ne fallait pas sortir d’un trou pour retomber sur un autre.
- Non vraiment ce n’est pas nécessaire je vais prendre un taxi.
- Je ne vous veux aucun mal. C’est juste qu’il sera bientôt 18h et vous venez d’avoir une altercation avec un jeune homme douteux et le coin n’est pas très sûr. Si vous voulez je vais vous déposer où vous pourrez prendre le taxi en toute sécurité. Aller montez.
Il tenait ouverte la portière du côté passager et me regardait avec un regard très sérieux. Je suis montée, il a fait le tour de la voiture et s’est à son tour assis derrière le volant. Sa voiture était propre et sentait la lavande. Après avoir démarré, il s’est tourné vers moi.
-Vous êtes étudiante à Soa ? Il était toujours très sérieux.
-Oui.
- Quelle fac, droit je présume ?
- Oui.
- Vous habitez quel quartier ?
- Laissez-moi à Camtel je vais me débrouiller.
Il ne dit plus rien. Il semblait passablement énervé par mon mutisme. Après le rond-point de la poste centrale il a pris soin de bien se garer derrière Camtel et s’est encre retourné vers moi.
- Ecoutez, je comprends que vous ne me fassiez pas confiance. Mais si je voulais du mal on n’en serait pas là. Moi c’est Farid me dit-il en me tendant la main.
Sans me rendre compte j’avais gardé mes mains sur mon classeur agrippé à ma poitrine. Devant son air toujours sérieux, je lui tendis aussi la main.
- Maxine. Excusez-moi si j’ai été impolie. Mais avec tout ce qui passe là dehors on n’est jamais trop prudent. Merci pour votre aide, je ne sais pas comment j’aurai fait avec le motor-boy.
En disant cela je me suis rendue compte que même pour le taxi je ne savais pas comment j’allais payer.
- Pas de quoi, me dit-il. Bonne soirée alors, ajouta-t-il alors que j’hésitais de descendre de sa voiture. Il avait un sourire moqueur et je compris qu’il s’était rendu compte de mon dilemme.
- Heu … Est-ce-que vous pouvez de me donner quelques pièces pour le taxi, bégayai-je en prenant comme on dit mon courage à deux mains.
- Ainsi vous faites plus confiance à mes sous qu’à moi ? Malheureusement je n’ai pas de petite monnaie. Je vous donnerai bien 10 000f mais vous allez certainement refuser.
Cette fois j’ai vu qu’il se retenait de rire aux éclats.
- Alors que faisons-nous continua-t-il ? 10 000 ou je vous dépose ?
Et là il partit d’un grand rire.
C’est comme si je le voyais pour la première fois. Quand il riait il avait les yeux qui brillaient d’un bel éclat et ses dents étaient d’une blancheur qui contrastait avec son teint. Il m’apparaissait sous un nouveau jour et je le trouvai à l’instant très beau. Oui Farid était beau, et même d’une beauté éclatante.
Je pris ma mine boudeuse ne sachant quoi dire. Mais je ne bougeai toujours pas. Alors il redémarra la voiture.
- On va de quel côté ?
- Cité-verte.
- C’est drôle les filles. Toutes les mêmes !
C’est le commentaire de trop que j’ai pas pu supporter.
- Laisser moi ici ! Dis-je en ouvrant la portière alors qu’il venait d’amorcer la légère pente allant vers les nouveaux restos de Tsimi, en contre-bas du Ministère des Finances.
- Hein mais… ?! Il gara de justesse.
Sans attendre, je suis descendue et j’ai commencé à marcher le long du trottoir pavé. J’entendis derrière moi une portière qui claquait et la voiture de Farid qui démarrait. Il est passé devant moi. Alors que je pensais m’être débarrassée de lui je l’ai vu garer 10 mètres devant. Il est sorti de la voiture, furieux et s’est avancé vers moi.
- Non mais ça ne va pas ? Tu aurais pu te faire mal !
Mais pour qui il se prenait à me parler sur ce ton et c’était quoi d’abord ce tutoiement ?
- Laissez-moi passer s’il vous plait. Je vous remercie de m’avoir sortie du pétrin avec le motor-boy. Mais je ne veux plus rien de vous. Farid était à quelques centimètres devant moi. Il me dépassait d’une tête mais je soutenais son regard.
Il me prit par les épaules. J’étais apeurée. Le coin était sombre et les voitures passaient en toute vitesse. Il n’y avait personne d’autre que nous dans l’allée.
- Tu crois vraiment que je vais te laisser ici toute seule ? continua-t-il.
Sans me laisser le temps il m’empoigna par le coude et me ramena vers sa voiture. Après avoir violement fermer la portière, il a pris place sur le côté chauffeur en démarrant en trombe.
J’osai à peine le regarder et gardant fixement les yeux sur la vitre. Il avait commencé à pleuvoir. Farid était silencieux. Je crois m’être assouplie car j’ai juste entendue la voix lointaine de Farid. Il avait garé juste à l’entrée de la cité-verte et me regardait intensément.
- Je te dépose où finalement.
- Vous allez prendre sur votre droite juste après la pente je vais descendre.
Il pleuvait toujours. Cette fois, j’osai regarder Farid. Il avait l’air d’humeur égale. Quand il a garé sa voiture à l’endroit indiqué, je me suis senti mal à l’aise avec celui qui jusque-là n’avait fait que m’aider.
- Je voudrai m’excuser. Je suis de nature méfiante et je n’ai pas l’habitude de monter dans les véhicules des inconnus. Je ne voulais pas vous blesser et je suis reconnaissante parce que sans vous je ne sais pas où je serai en ce moment…
- Si tu tiens vraiment à t’excuser accepte une invitation de ma part. Où et quand tu veux je te laisse ce choix-là !
Le gars me prenait de cours et avait retrouvé son air sérieux. Sans réfléchir je dis,
- D’accord ! demain c’est samedi et dans l’après-midi je n’ai rien de prévu.
- Ok ça me va. Mais dis-donc t’es une rapide toi, continua-t-il avec un sourire un moqueur.
- Plus vite j’accepterai votre invitation plus vite cette page sera tournée, lui lançai-je et là son sourire s’effaça.
Sans lui laisser le temps de répliquer je sortis sous la pluie en lui disant : « passez me prendre demain à 15h. Bonne nuit ! »
Je me sentais fière d’avoir ainsi rabattu son caquet à ce Farid. Mais c’était sans compter sur sa ténacité car à ce rendez-vous avaient succédés pleins d’autres ; d’abord de manière sporadique et puis toutes les semaines. Depuis quelques temps, il avait pris l’habitude de venir me chercher à Soa et de me ramener à la maison non sans m’avoir emmenée manger quelque part en ville ou à la briqueterie. Tout était cordial. Il se tentait rien : quelques bises amicales et de légères caresses sur la main, pas plus. D’ailleurs, je ne l’encourageai pas !
Complet aussi... Kiss!
