Bibliothèque
Français
Chapitres
Paramètres

chapitre 5

Chapitre 5

Le lendemain de sa visite aux bureaux de Nicolas, Mathilda sentit une étrange impatience s’emparer d’elle. Elle ne savait pas vraiment comment, mais sa rencontre avec lui avait remué quelque chose en elle, une sorte de questionnement silencieux sur la manière dont elle menait sa propre vie. Et peut-être, une curiosité sur la manière dont il voyait le monde.

Ils décidèrent de se retrouver pour déjeuner, et dès qu’elle s’installa en face de lui, elle remarqua son regard scrutateur. Il semblait pensif, comme s’il analysait chaque geste, chaque mot qu’elle prononçait. Cela la déstabilisa quelque peu, mais elle masqua son malaise en s’emparant de son verre d’eau.

— Alors, Mathilda, dit-il finalement en posant ses couverts. Pourquoi as-tu réellement voulu m’aider avec mon projet ?

Elle lui adressa un sourire nerveux.

— C’est ce que je t’ai dit. Je voulais simplement contribuer à quelque chose qui me semblait… noble, expliqua-t-elle.

Il hocha la tête, mais elle perçut une lueur sceptique dans ses yeux.

— Noble ? Ou est-ce que tu voulais simplement contrôler encore une chose de plus ? ajouta-t-il en arquant un sourcil.

Elle écarquilla les yeux, surprise par son commentaire direct. Elle n’était pas habituée à ce genre de confrontation. Dans son entourage, personne n’osait remettre en question ses intentions, ni même lui suggérer qu’elle puisse avoir des arrière-pensées.

— Pourquoi dis-tu ça ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

Nicolas se pencha en avant, plantant son regard dans le sien.

— Parce que c’est ce que tu fais, Mathilda. Tu entres dans la vie des gens, tu leur proposes ton aide, mais en réalité, tu veux tout contrôler, que ce soit l’image qu’ils renvoient ou la direction que leurs projets prennent.

Elle resta silencieuse, déconcertée par la brutalité de ses propos. Une partie d’elle voulait se défendre, mais une autre se demandait s’il n’avait pas touché quelque chose de vrai.

— Je ne… je ne pense pas être comme ça, balbutia-t-elle. Je veux juste m’assurer que tout se passe bien, que les choses fonctionnent.

Nicolas soupira doucement.

— Mais c’est précisément ça, Mathilda. Tu crois que pour que tout aille bien, il faut que tu sois aux commandes, que tout dépende de toi. Les autres ne peuvent-ils pas faire les choses à leur manière ?

Elle sentit un picotement familier dans sa poitrine, ce mélange de frustration et de doute qu’elle ressentait rarement, mais que Nicolas semblait avoir le don de provoquer chez elle. Personne ne lui avait jamais parlé de cette façon, et même si cela la contrariait, elle devait admettre que cela éveillait en elle une certaine forme de respect pour lui.

Elle baissa les yeux un instant, puis se redressa, retrouvant une certaine assurance.

— Peut-être… peut-être que j’ai cette tendance, admit-elle. Mais ce n’est pas par méchanceté, Nicolas. C’est parce que je veux bien faire, parce que j’ai vu ce que le désordre ou le manque de contrôle peuvent provoquer.

Nicolas l’observa en silence, comme s’il essayait de saisir les motivations profondes derrière ses mots.

— Je comprends, répondit-il enfin. Mais tu dois comprendre aussi que parfois, le contrôle étouffe. Les gens, même ceux qui ont besoin de ton aide, ont besoin d’espace pour être eux-mêmes, pour faire des erreurs.

Elle hocha la tête, tentant de digérer ses paroles. Jamais elle n’aurait cru qu’un simple déjeuner pourrait la faire réfléchir de cette manière. En le regardant, elle se demanda comment il pouvait être aussi sûr de lui, aussi convaincu de ses valeurs, sans chercher à tout maîtriser.

— Tu sais, Nicolas, ça n’a pas toujours été facile pour moi non plus, confia-t-elle finalement. On pense souvent que tout est facile quand on a de l’argent, mais ce n’est pas toujours vrai.

Il l’observa attentivement, comme si cette confession inattendue lui permettait de voir une nouvelle facette d’elle.

— Peut-être, dit-il doucement. Mais tu as le choix, Mathilda. Le choix de laisser les gens te montrer qui ils sont sans que tu essaies de tout dicter.

Elle se mordilla la lèvre, pensive. Ses paroles résonnaient en elle d’une manière qu’elle n’avait pas anticipée. Dans son entourage, tout le monde lui avait toujours dit que son approche était la meilleure, la plus efficace. Mais en cet instant, face à Nicolas, elle se demandait s’il n’avait pas raison.

— Peut-être que j’ai des progrès à faire, murmura-t-elle enfin, un peu gênée.

À ces mots, Nicolas esquissa un sourire, et la tension entre eux sembla s’alléger. Pour la première fois depuis qu’ils se connaissaient, elle le vit sourire pleinement, d’un sourire qui illuminait son visage et lui donnait un air presque malicieux.

— On a tous des progrès à faire, admit-il. La différence, c’est que certains sont prêts à l’accepter et d’autres préfèrent ignorer leurs faiblesses.

Elle ne put s’empêcher de rire légèrement, sentant que la conversation prenait un tournant plus léger.

— Alors, monsieur le philosophe, si je dois apprendre à lâcher prise, par où devrais-je commencer ? demanda-t-elle, un sourire en coin.

Il haussa les épaules, feignant la réflexion.

— Peut-être en arrêtant de vouloir financer tous les projets que tu trouves intéressants ? proposa-t-il en plaisantant.

Elle lui donna un léger coup sur l’épaule, amusée.

— Hé, ce n’est pas juste ! Tu m’as presque convaincue de faire un don hier soir !

Il éclata de rire, et elle se surprit à apprécier ce moment de légèreté, ce moment où elle n’avait pas besoin d’être la femme d’affaires redoutable, mais simplement Mathilda, quelqu’un qui apprenait à voir le monde différemment.

Ils continuèrent de parler, échangeant des anecdotes et des confidences, partageant une complicité nouvelle, née de cette confrontation honnête. Elle réalisa que pour la première fois, elle n’avait pas besoin de prouver quoi que ce soit à Nicolas. Il semblait la voir telle qu’elle était, avec ses forces et ses failles, sans attendre d’elle qu’elle change ou qu’elle soit parfaite.

Et en cela, elle ressentit une forme de libération. Peut-être qu’elle n’avait pas à tout contrôler. Peut-être que, pour une fois, elle pouvait simplement se laisser porter, découvrir un autre aspect de la vie, celui où tout n’était pas prévisible ni planifié.

Alors qu’ils terminaient leur déjeuner, Mathilda sentit un poids s’alléger en elle. Nicolas l’avait confrontée, certes, mais il lui avait aussi montré un chemin différent, une manière d’aborder la vie avec plus de spontanéité, plus de sincérité. Et elle se promit d’essayer, un jour après l’autre, de lâcher un peu de cette emprise qu’elle avait toujours voulu avoir sur les autres et sur elle-même.

Avant de se séparer, il lui adressa un sourire sincère.

— Merci d’être venue aujourd’hui, Mathilda. J’ai l’impression qu’on a fait un grand pas.

Elle hocha la tête, touchée par sa simplicité.

— Merci à toi, Nicolas. Je crois que tu as raison. Peut-être que j’ai encore des choses à apprendre.

Ils échangèrent un dernier regard, et Mathilda s’éloigna, le cœur plus léger, avec le sentiment qu’elle entamait un nouveau chapitre de sa vie. Un chapitre où elle pourrait peut-être être simplement elle-même, sans le poids de son nom, de sa fortune ou de ses attentes.

Téléchargez l'application maintenant pour recevoir la récompense
Scannez le code QR pour télécharger l'application Hinovel.