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Chapitre 7

Sage Adébi était assis dans son salon lorsqu’il reçut un appel téléphonique pendant qu’il accueillait un monsieur.

– Allô, madame ? commença-t-il. Je bénis le Seigneur... Pouvez-vous passer dans trente minutes, s’il vous plaît ? Merci et à tout à l’heure.

Sage raccrocha et se tourna vers son interlocuteur.

– Oui, monsieur François, je vous écoute, dit-il à son visiteur.

– Eh bien, reprit l’autre, je disais que ma femme qui vit en Côte d’Ivoire sera de retour dans trois mois et sincèrement, je ne sais pas comment réagir. De plus, l’une de mes maîtresses d’ici est enceinte de six mois. Celle qui reviendra bientôt ne cesse de pleurer. Elle a peur de me perdre et, étant sensible à sa souffrance, j’ai peur de lui avouer la vérité comme vous me l’avez conseillé. J’ai peur qu’elle se suicide, car elle est capable de tout. En dehors d’elle, l’une de mes trois conquêtes ici a parlé de moi à sa mère, et depuis, sa mère n’arrête pas de m’écrire. Elle m’envoie des messages à tout moment et me met en garde de ne jamais tromper sa fille, sinon elle ne me pardonnera jamais. Quant à la troisième, elle ne cesse de me faire des cadeaux. Je ne sais pas comment gérer cette situation. Veuillez m’aider, s’il vous plaît.

Sage soupira longuement, racla sa gorge et toussa.

– Monsieur Adonia, je ne sais plus quel conseil vous donner. Je vous ai déjà dit ce que vous deviez faire, mais je ne comprends pas ce qui vous retient encore. Maintenant, parlons de votre épouse qui est enceinte...

– Elle n’est pas encore ma femme...

– Si, elle l’est déjà. Une fois que vous l’avez mise enceinte, on considère que vous l’avez déjà épousée. Alors, avez-vous déjà rencontré ses parents ?

– Oui, je les ai déjà rencontrés.

– D’accord. Combien de chambres avez-vous ?

– Une seule !

– Et c’est dans cette seule chambre que vous envisagez d’accueillir vos trois femmes ?

– Je n’ai pas dit que j’étais prêt à les accueillir...

– Vous l’êtes déjà, monsieur. Sinon, imaginez un instant que celle qui revient de la Côte d’Ivoire estime qu’elle s’installera définitivement sous votre toit. Allez-vous la mettre dehors ?

– Euh... je... je... je ne sais pas !

– Réfléchissez-y avant qu’il ne soit trop tard. Et concernant la femme que vous avez mise enceinte, soyez sûr que ses parents vous la renverront avant son accouchement étant donné qu’elle est au deuxième trimestre de sa grossesse. Le retour de celle qui est à l’étranger coïncidera avec son accouchement. Que feriez-vous si elles prenaient toutes les deux la décision de s’installer sous votre toit ? C’est déjà un problème ! De plus, vous avez déjà une belle-mère qui vous avertit de sa colère. Que feriez-vous pour éviter la colère de sa fille ? Et que feriez-vous de la quatrième femme qui vous comble de cadeaux ? Monsieur Adonia, laissez-moi vous dire une chose : la parole d’une femme est sacrée et très puissante lorsqu’elle vient du cœur. Une simple malédiction de la part de l’une de ces femmes que vous convoitez pourrait ruiner votre vie pour toujours. C’est à vous de décider de ce qu’il faut faire. Honnêtement, je ne sais plus quel conseil vous donner en ce moment, mais faites très attention. Sinon, le moment viendra où vous serez désemparé, car la situation sera très complexe et vous serez le protagoniste de votre propre histoire. Vous vivrez le pire, car je peux déjà anticiper les graves conséquences de votre situation. J’ai fini de parler.

Le dénommé Adonia, sans un mot, se leva et, plein de désarroi, se dirigea vers la sortie. À peine sorti, Prunelle entra dans le salon, les yeux rouges de larmes.

– Bonjour, madame. Dites-moi en quoi je peux vous aider cette fois-ci, lança Sage, surpris par son état d’esprit.

Les larmes commencèrent à couler des yeux de la jeune femme enseignante, au lieu d’une réponse.

– Que se passe-t-il, madame ? Avez-vous perdu un être qui vous est cher ? reprit Sage.

Les larmes de Prunelle ne cessaient pas de couler.

– Si vous n’êtes pas prête à me parler, vous pouvez d’abord vous retirer et revenir lorsque vous vous sentirez mieux, dit-il.

À ces mots, Prunelle se leva de sa chaise et se dirigea vers la cour. Arrivée sur la terrasse du portail, elle appuya sur le poignet. Elle ouvrit la portière de sa voiture et s’installa à l’intérieur. Penchant la tête sur le volant, elle pleura pendant plusieurs minutes.

– Seigneur, pourquoi ? Qu’ai-je fait exactement ? Qu’ai-je fait pour que Tu me retires la plus grande grâce de toutes les grâces ? Tu donnes des enfants à de jeunes filles qui ne sont pas prêtes à devenir mères et elles les détruisent. Pourquoi me tournes-Tu le dos alors que Tu sais que j’ai besoin de cet enfant pour être reconnue dans ce monde ? Pourquoi ? Pourquoi ne prends-Tu pas mon âme pour me donner la paix ? Pourquoi, Seigneur ? J’ai trente-trois ans, bientôt trente-quatre ! Regarde ma rivale. Elle n’a même pas encore l’âge mûr et Tu lui as donné un enfant. À cause de cet enfant, Tu as entendu ce qu’elle m’a raconté ! Et sais-tu quoi ? Elle ne m’a rien dit en réalité, mais Tu as vu la réaction de mon mari. Ce n’est rien. Je Te mets au défi. Si mes pleurs ne signifient rien pour Toi, alors continue de m’abandonner. Mais si mes pleurs signifient quelque chose pour Toi, alors agis dans ma vie.

Cependant, Prunelle démarra le moteur de sa voiture et, se remémorant une fois de plus les divers propos de son mari et de sa rivale à son encontre, elle éclata en sanglots. Elle coupa le moteur, sortit doucement du véhicule, verrouilla les portières et héla un conducteur de taxi-moto à qui elle indiqua l’adresse de son école. Celui-ci accepta de la transporter sans discuter du prix. Lorsqu’ils arrivèrent devant le portail de l’École Primaire Publique de Ganou, elle descendit et tendit un billet de cinq cents francs au conducteur. Sans prendre la monnaie, elle se dépêcha de traverser la cour qui était déserte. Il était déjà quinze heures et tout le monde était déjà en classe.

Lorsque la jeune enseignante entra dans sa classe, ses élèves tapèrent la table et lui souhaitèrent la bienvenue. Malgré la douleur atroce qui lui déchirait le cœur, elle répondit d’un ton faible : "Bonsoir mes chéris, j’espère que vous allez bien ?"

– Oui, madame la maîtresse, merci. Et vous ? répondirent-ils.

– Je vais bien aussi. Asseyez-vous, leur dit-elle.

Sous ses instructions, les élèves s’installèrent.

– Prenez vos livres de lecture et ouvrez la page 45, leur ordonna-t-elle.

Les élèves sortirent leur manuel de français de leur casier et l’ouvrirent à la page indiquée.

– Faites la lecture de ce texte à tour de rôle, leur dit-elle en s’asseyant à son bureau.

De sa position, Prunelle écoutait ses élèves lire à tour de rôle. Elle entendait leurs voix et leurs cris, mais le texte était confus pour elle.

« Tu as commis une erreur, murmura la voix de son intuition. Tu es semblable à quelqu’un qui a attrapé des fourmis magnans dans son habit avec ses propres mains. Tu dois simplement supporter la douleur ».

Des larmes jaillirent de ses yeux comme si quelqu’un venait de lui parler directement. Doucement, elle se demanda : « Pourquoi ? »

Un petit garçon, l’observant depuis sa place, se leva et s’approcha d’elle.

– S’il vous plaît, maîtresse, appela le petit garçon, pourquoi pleurez-vous ?

– Fadel, appela la jeune femme, ne t’inquiète pas, je suis juste un peu malade, ajouta-t-elle.

– Que Dieu vous accorde la guérison, dit Fadel.

– Amen, merci Fadel ! Sois béni, répondit Prunelle.

Le petit garçon retourna à sa place. Quelques minutes plus tard, la récréation sonna.

– Mes chers enfants, allez jouer, dit l’enseignante à ses élèves.

Très enthousiastes, ils commencèrent à sortir un par un de la salle de classe. Il restait encore quelques élèves dans la salle quand une jeune femme entra.

– Bonsoir, madame Prunelle, dit la nouvelle venue.

– Oui, collègue, bonsoir !

– Pourquoi n’as-tu pas apporté ta voiture ce soir ? Est-ce qu’elle est en panne ?

– Non, je l’ai garée chez un ami.

– J’espère que c’est pour une bonne raison !

– Oui, je ne voulais pas conduire, c’est tout.

– C’est bien ! Et pourquoi as-tu les yeux rouges ?

– Ça va passer ! Ce n’est qu’une phase et je suis certaine que ça passera.

– C’est l’une des raisons pour laquelle je ne parviens jamais à te comprendre. Tu ne veux jamais partager tes soucis avec personne.

– Tu sais très bien que les habitudes d’une personne font partie de sa nature. J’ai souvent envie de parler de mes épreuves à d’autres personnes, mais l’esprit Saint qui me guide me l’interdit toujours. La dernière fois que j’ai essayé, j’ai entendu des choses que je n’avais pas dites. Depuis ce jour-là, j’ai décidé de me parler à moi-même quand rien ne va.

– Tu as raison de procéder ainsi, car si tu gardes ton cœur pour toi, il ne sera pas alourdi.

– Merci de me comprendre.

– Ne t’inquiète pas, ma chère, tu n’as pas besoin de t’inquiéter. Mais j’espère que tu as une bonne raison de ne pas être venue en voiture !

– Oui ! Peut-être que si j’allais à l’encontre de cette voix en insistant, je ne serais pas ici. Je serais peut-être à l’hôpital en ce moment.

– D’accord, il vaut mieux suivre la voix de ton intuition. À plus tard.

– Oui, à plus tard ma chérie et merci pour ton attention.

– Je t’en prie.

Et la collègue de Prunelle s’en alla sans attendre.

***

Quelques minutes après dix-sept heures, la cour de la famille Adébi reçut la visite de Madame Akanni.

– Dieu merci, vous n’avez pas le visage mouillé cette fois, remarqua Sage.

Madame Akanni, souriante, salua un homme d’une quarantaine d’années.

– Bonne arrivée, madame, répondit l’homme.

Et là, c’était le père de Sage.

– Allons dans la chambre, proposa Sage, tout content.

– Non, allons plutôt dans ma voiture, murmura la nouvelle venue.

Sage, à contrecœur, suivit la jeune femme jusqu’au portail. Ils montèrent dans le véhicule lorsque Prunelle déverrouilla les portières.

– Bonne arrivée, madame, fit de nouveau le fils des Adébi.

– Merci.

– Je suis très content de vous savoir heureuse.

– C’est à Dieu que je rendrai grâce, car c’est lui qui m’a remonté le moral.

– Je suis ravi de l’apprendre. En fait, j’aime énormément le Seigneur. Il ne nous abandonne jamais lorsque nous nous sentons perdus. Il suffit de lui demander avec foi de nous aider à surmonter ce qui nous fait pleurer, et il intervient. Maintenant que le Seigneur vous a aidée à sécher vos larmes, je suis tout ouïe.

Prunelle détourna la tête vers son interlocuteur et fixa l’extérieur. Après un bref moment de réflexion, elle reporta son regard sur lui.

– Si seulement je t’avais écouté, commença-t-elle.

Elle respira profondément avant de continuer.

– La femme dont je t’avais parlé m’a montré aujourd’hui le genre de personne qu’elle est. Elle m’a indirectement traitée d’infertile, une insulte que je n’aurais jamais imaginée venant d’elle. Et pire encore, elle m’a dit d’aller enfanter moi-même, comme si c’était de ma volonté de ne pas avoir d’enfant. Je ne sais pas quel divin ou prophète lui a parlé de moi, mais elle me traite de sorcière. Elle m’a interdit de voir son enfant et m’a demandé de ne plus m’approcher d’eux. Imagine si j’avais un seul enfant, pourrait-elle encore me traiter d’infertile ? Et ce n’est pas tout. Mon mari...

Et Prunelle éclata en sanglots immédiatement. Elle pleurait chaudement, retenant son souffle.

– Je vous en prie, madame, supplia Sage, arrêtez de me paniquer, je vous prie.

Malgré les murmures du jeune garçon, Prunelle ne cessait de pleurer.

– Qu’ai-je fait pour offenser mon époux ? C’est moi qui lui ai demandé de m’aider. Je ne savais pas que ce n’était pas ce que je devais faire. Et si je lui ai donné cet ordre, c’était pour le rendre heureux, car rien ne rend un homme plus heureux après le mariage que la naissance d’un enfant. C’est dans cet esprit que j’ai décidé de combler sa joie en acceptant une autre femme. Mais aujourd’hui, mon mari me traite également d’infertile et a demandé à la nounou que j’ai engagée de quitter la maison avant la fin de la journée. Selon eux deux, la nounou et moi sommes deux sorcières qui voulons tuer le petit garçon. J’ai terriblement mal, tu ne peux pas imaginer. Je n’ai personne à qui en parler, à part mon Dieu et toi.

La malheureuse essuya son visage du revers de sa main droite, secouant la tête de manière incessante.

– Madame, je vous avais prévenue, mais vous ne m’avez pas écouté. On dit que les conséquences corrigent mieux que les conseils, et voici la preuve. Vous ne pouvez qu’endurer. Oui, il vous revient de vous armer et de vous préparer au pire. C’est seulement le début. Bientôt, vous serez la risée de votre mari, croyez-moi. Je ne fais pas une prophétie, mais mes paroles s’en rapprochent. Vous serez bientôt mal vue et si vous ne savez pas vous débrouiller, vous serez renvoyée de cette maison. Je ne sais que vous conseiller. La seule chose que vous puissiez faire, c’est de demander constamment à votre Dieu de vous aider à supporter et à surmonter vos peines...

– Je vais la renvoyer de la maison ! s’exclama soudainement Madame Akanni.

– Impossible, madame. Effacez immédiatement cette idée de votre esprit. Si vous osez le faire, croyez-moi, vous serez celle qui sera expulsée de cette maison. Votre mari revendiquera ses droits sur la maison et vous jettera dehors en vous accusant. N’ayez jamais l’idée de tenter cela, sinon vous pleurerez comme vous n’avez jamais pleuré de toute votre vie. Le mieux est de vous retirer de leur histoire de mariage. Puisqu’elle vous a interdit d’approcher son fils, ne vous en souciez pas. Restez à l’écart de cet enfant. Ne l’approchez plus, mais si l’enfant vient à vous, n’hésitez pas à lui offrir votre gentillesse, car cet enfant est un ange sans péché. Que Dieu vous vienne en aide.

La tête baissée, Prunelle écoutait les paroles de son interlocuteur sans réagir.

***

Deux jours plus tard.

C’était jeudi et Prunelle, en rentrant de l’école à midi, a salué sa rivale dans le salon avant de se diriger vers les escaliers. Cette dernière fit semblant de ne rien entendre.

– Bonsoir, maman Espoir, reprit-elle d’un ton las.

– Quel est ton problème exactement ? questionna l’autre femme saluée. Dois-je absolument répondre à ton salut ? Laisse-moi te dire quelque chose : peu importe ton plan diabolique, tu ne m’auras jamais. Et reste tranquille ! J’ai déjà prévenu mes parents qui ne tarderont pas à arriver. Ils viendront te donner des avertissements, car j’ai besoin de paix. Je ne...

Et soudain, la sonnerie retentit. Aïcha se leva et se dirigea vers la cour. Prunelle, perturbée par les histoires racontées par son interlocutrice, sentit des frissons lui parcourir le corps.

– Quand est-ce que tout cela va prendre fin ? se demanda-t-elle en pleurant.

Impuissante, elle se dirigea vers les escaliers, mais une voix la rattrapa :

– Reviens, reviens, reviens, ne t’en va pas, lui criait sa rivale qui venait d’entrer dans le salon accompagnée de quatre personnes, deux jeunes et deux personnes âgées.

Obéissante, Prunelle fit demi-tour et salua respectueusement les nouveaux arrivants.

– Nous n’avons pas besoin de tes salutations maudites, déclara une vieille femme. Tu vois, nous savons déjà tout de toi. Fais attention si notre fille nous appelle et se plaint de maux de tête. Fais attention si elle nous appelle et nous informe d’une quelconque fièvre affectant son enfant. Je te jure que je te réduirai en poussière pour la vendre aux sorciers. Considère-toi avertie.

– Merci, maman, murmura Prunelle.

– Tu es folle ! Comment moi, une jolie femme comme ça pourrais donner naissance à une vilaine femme comme toi ? Ta mère aurait pensé qu’elle a mis au monde un enfant alors qu’elle aurait dû te perdre lors d’une fausse-couche. Espèce de stérile.

Prunelle, profondément abattue, ne put retenir ses larmes qui coulaient.

– On ne t’a encore rien dit et tu pleures, releva le vieil homme. Écoute-moi attentivement. Le jour où ma fille m’appellera pour me dire que tu as touché son enfant avec tes mains impures, je te promets que je te donnerai une correction sévère. Tu vois ces deux jeunes gens devant moi ? Ce sont eux qui te maîtriseront. C’est pour cette raison que je les ai amenés avec moi. Si tu oses persister, tu découvriras de quoi je suis capable. Après avoir livré ton utérus au groupe de sorcières auquel tu appartiens, ne t’avise pas de t’approcher de mon petit-fils. Si tu oses toucher l’enfant, tu le regretteras.

Le groupe de personnes se leva et se dirigea vers la porte pour se rendre dans la cour, puis vers le portail. Prunelle, pétrifiée, se dirigea vers sa chambre d’un pas lent. Quand elle arriva près de son lit, elle s’agenouilla, le visage couvert de larmes.

– Seigneur, appela-t-elle, pourquoi m’as-tu abandonnée ? Pourquoi m’as-tu privée de ta grâce ? Vu que tu m’as abandonnée, qu’attends-tu pour me donner la mort ?

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