Chapitre 1
C’était un jour de mai.
Il était quinze heures lorsque le ciel a commencé à s’assombrir. Les conducteurs de motos filaient à toute vitesse, craignant que les nuages qui s’étaient regroupés dans le ciel ne déversent leurs gouttes de pluie sur eux. Les piétons pressaient également le pas, essayant d’éviter cette pluie imminente qui allait bientôt tomber du ciel. Quant aux conducteurs de voitures, protégés par le toit de leur véhicule, ils roulaient à leur rythme, comme si de rien n’était. Certains d’entre eux, malgré cette protection totale, se dépêchaient de rentrer chez eux. Parmi eux, se trouvaient certaines femmes qui avaient des objets très importants à préserver de la pluie. Et parmi ces femmes figurait Prunelle, une jeune femme de trente-trois ans.
De peur que ses vêtements et ceux de son époux, qu’elle avait fait sécher à l’extérieur, ne soient trempés par la pluie, elle avait demandé la permission au directeur de son école de rentrer rapidement chez elle, de sauver les vêtements et de revenir dans les minutes qui suivaient.
Lorsqu’elle arriva devant le grand portail d’un immeuble carrelé, elle immobilisa son véhicule, coupa le moteur et sortit rapidement, accueillie par quelques gouttes de pluie sur sa peau délicate. Néanmoins, elle se dirigea rapidement vers le portail, y inséra une clé et le fit tourner deux fois, ouvrant ainsi le passage.
Dans le seul but de sauver les vêtements, elle se précipita vers les escaliers qui menaient au sommet de l’immeuble. Mais lorsqu’elle arriva en haut, elle constata avec stupeur l’absence de tous les vêtements.
– Dieu merci ! se dit-elle tout bas en redescendant les escaliers pour se rendre dans l’une des chambres.
Lorsqu’elle arriva dans le salon, elle aperçut Firmin, son époux, assis sur le canapé, un magazine à la main.
– Chéri, appela-t-elle, je croyais que tu étais au travail !
– Ah non ! Je suis rentré à la maison il y a quelques minutes seulement.
– Dieu merci ! Merci infiniment d’avoir décroché les vêtements des cordes.
– Avec plaisir ! Et toi, pourquoi es-tu rentrée à la maison alors qu’il est seulement quinze heures quarante-deux minutes ? demanda-t-il.
– C’est à cause des vêtements que j’ai demandé la permission. Je voulais te téléphoner pour connaître ta position, mais je me suis dit que ça ne valait pas la peine.
– Ah, d’accord ! Tu peux y retourner.
– Merci chéri ! On se retrouve à dix-sept heures.
– Oui, à tout à l’heure.
Sans perdre une seconde, la femme enseignante se retourna sur la pointe des pieds et se dirigea vers sa voiture. Pendant ce temps, de grosses gouttes de pluie continuaient de tomber sans relâche sur la ville de Parakou.
En effet, Prunelle est une jeune femme de trente-trois ans. Mariée depuis l’âge de vingt-sept ans, elle n’a pas encore pu combler le désir de son époux d’avoir un enfant, voire plusieurs. Firmin, son époux, est militaire. Malgré la situation de stérilité de Prunelle, leur amour n’a pas diminué. Prunelle est plus âgée que son époux. À l’époque, elle avait vingt-sept ans tandis que son époux en avait vingt-cinq.
Tous deux issus de familles riches, Firmin et Prunelle avaient hérité de nombreux biens de la part de leurs parents respectifs.
Cela faisait exactement six ans que le couple, malgré tous leurs efforts, n’avait pas réussi à avoir d’enfant. La jeune femme enseignante avait déjà fait trois fausses couches. Des analyses approfondies avaient été réalisées pour déterminer la cause de cette situation, mais aucun des résultats radiographiques ne permettait de mettre en évidence une véritable pathologie. Malgré tout, le couple ne se décourageait pas. Cependant, par moments, on pouvait sentir leur gêne.
‘‘On dit que l’enfant est la plus grande bénédiction pour tout être sur terre.’’
***
Il était une heure du matin lorsque Prunelle se redressa, tapota les pieds de son époux et celui-ci lui répondit immédiatement : "Oui, je t’écoute."
– Je croyais que tu dormais ! s’exclama la jeune femme, très surprise.
– Non, je ne dors pas.
– Et pourquoi ?
– S’il te plaît, laisse-moi réfléchir à ma vie, je t’en prie.
– À quoi précisément ? demanda l’enseignante en se redressant.
Face à cette question, l’homme resta silencieux.
– S’il te plaît, chéri, peux-tu me dire ce qui ne va pas pour que tu sois encore éveillé à cette heure de la nuit ?
– S’il te plaît, laisse-moi tranquille, femme.
À ces paroles, Prunelle se résigna dans un silence absolu pendant quelques minutes.
– Bien, reprit-elle, je sais ce qui te préoccupe, et tu sais quoi ? Il n’y a aucun problème sans solution sur cette terre. Avant qu’un problème ne se présente, la solution est déjà en préparation, il suffit juste de réfléchir pour trouver comment le résoudre. Cette question d’infertilité, tu ne peux pas imaginer à quel point cela me fait souffrir aussi. Et pour être honnête, si seulement je pouvais emprunter d’autres chemins, crois-moi, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour te donner cette joie que tu attends de moi. Mais j’ai cherché dans tous les recoins de mon esprit, et je n’ai pas encore trouvé ce qu’il faut faire. Je suis maintenant épuisée de toutes ces tisanes que les marabouts me font boire sans relâche. Au travail, je ne pense qu’à ma vie en me demandant pourquoi le Seigneur me priverait de cette grande bénédiction alors qu’il a dit dans sa parole qu’il n’y aurait pas de stériles dans sa maison.
À ces mots, la jeune femme éclata en sanglots. Elle pleura pendant cinq à dix minutes avant de s’essuyer le visage.
– Il n’y a jamais de situation sans solution, reprit-elle. Je te conseille d’aller chercher une autre femme à l’extérieur et de me l’amener ici, je m’occuperai d’elle.
Firmin, détournant son regard du plafond, chercha le visage de son épouse et, stupéfait, lui demanda si elle était sérieuse.
– Oui, que faut-il faire d’autre ! répondit-elle. Au moins, si une autre femme parvient à te donner un enfant, je pourrais aussi l’appeler mon enfant et peut-être qu’il m’appellera aussi maman.
Sautant du lit, Firmin serra sa femme dans ses bras pour la remercier de sa proposition.
– Depuis trois mois, commença-t-il, j’attendais cette merveilleuse proposition de ta part. En réalité, pour être honnête, j’ai rencontré une jeune fille que j’ai finie par aimer. Après quelques semaines, nous avons fini par coucher ensemble et par accident, elle m’a annoncé qu’elle était enceinte de moi...
– Oh, Dieu merci ! Et où est-elle ?
– Elle est toujours chez ses parents.
– Je suis tellement fière de toi, mon amour. Mais dis-moi, as-tu déjà rencontré ses parents ?
– Non, pas encore.
– Est-ce que cela signifie que ses parents ne sont pas encore au courant de sa grossesse ?
– Je ne pense pas.
– Dans ce cas, nous devons aller les rencontrer rapidement et faire en sorte qu’elle nous rejoigne ici avant que sa grossesse ne soit découverte.
– Merci, mon amour ! J’avais tellement peur de t’annoncer cette nouvelle, c’est pour ça que je n’ai pas osé t’en parler.
– Ne t’inquiète pas. Le week-end prochain, il faut que tu fasses venir la jeune fille et après notre rencontre, nous pourrons prendre les dispositions nécessaires pour rencontrer ses parents.
– Merci infiniment ! Tu es une femme exceptionnelle.
– Et toi aussi, tu es un homme exceptionnel.
Le couple, taquinant l’un l’autre, se coucha ensuite, dans une ambiance chaleureuse et respectueuse.
***
La buvette "La Sirène", située à un mètre du collège d’enseignement général de Guèma, accueillait ses clients. Autour d’une table, Firmin et une jeune fille d’à peine dix-neuf ans étaient assis.
– Et tu es certain que cette femme ne me fera aucun mal ?
– Aïcha, appela Firmin, je connais bien ma femme. Nous sommes ensemble depuis déjà six ans et je la connais très bien. Elle ne te fera jamais de mal.
– D’accord, je viendrai t’attendre devant le collège demain matin, comme prévu, et nous irons ensemble chez toi.
– Merci d’avoir accepté cette proposition.
Sous la douce lumière du restaurant ce soir-là, Firmin et la jeune fille passèrent leur temps à boire et à parler de leur amour.
