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2

Puis ses yeux se posèrent sur Rayla. Sa sœur. Sa propre chair. Pourtant, ce matin, elle n’avait rien de familier. Son visage portait un masque grossier de fausse culpabilité. Ses traits étaient tendus, mais Roxanne connaissait trop bien ce jeu – le théâtre dramatique de Rayla, éternelle actrice de la pitié calculée. Mais aujourd’hui, ce n’était pas une scène anodine. Aujourd’hui, le rideau allait se lever sur une tragédie.

« On ne va pas tourner autour du pot », lança Jonah, cassant le silence d’un ton grave. Il évitait son regard, mais Roxanne lisait déjà dans ses yeux que ce qu’ils allaient lui annoncer allait pulvériser son monde. Elle serra les poings. Son cœur battait dans sa gorge, martelant comme pour prévenir du désastre imminent.

Rayla s’approcha, théâtrale jusqu’au bout des ongles. Elle posa une main délicate sur l’épaule droite de Roxanne, l’autre sur son cœur comme une héroïne de drame grec. Mais Roxanne, tendue comme une corde sur le point de rompre, n’avait plus de patience.

« Avant de dire quoi que ce soit, je tiens à ce que tu saches qu’on est vraiment désolés, Roxanne. Ce n’était pas prémédité, jamais on n’a voulu te faire de mal. Je… »

Les larmes que Rayla faisait monter à ses yeux étaient aussi authentiques qu’un diamant en plastique. Roxanne détourna le regard pour croiser celui de Jonah. Il fixait Rayla, l’air absent, détaché. Pas une once de regret. Elle recula d’un pas, puis d’un autre. Sa respiration s’accélérait. Elle se sentait comme piégée dans une scène qu’elle avait déjà trop vue : ces trahisons déguisées dans les téléfilms bas de gamme. Mais là, c’était réel. Trop réel.

Et la réplique tomba, crue et tranchante comme une lame.

« On va se marier », dit Jonah.

Roxanne sentit le sol se dérober sous ses pieds. L’univers s’effondra en silence. La réalité se déforma. Non. Pas ça. Elle rit, un rire nerveux, désespéré, accroché à un espoir ridicule.

« Bien sûr que oui ! Notre mariage est dans un mois, alors... »

« Il ne parle pas de toi, Roxanne », coupa Rayla.

Puis elle recula vers Jonah, glissa ses doigts dans les siens, et planta ses yeux dans ceux de sa sœur.

« Il parle de nous. »

Le monde de Roxanne explosa. Un rire hystérique éclata de sa gorge, presque inhumain. Elle s’enroula sur elle-même, tenant son ventre, riant comme une damnée. Elle voulait croire à une blague, une caméra cachée. Mais leurs visages restaient figés, impassibles.

« Vous... plaisantez. C’est une mauvaise farce, c’est impossible. »

« Je suis enceinte, Roxanne. Je porte le bébé de Jonah. »

Ses yeux se posèrent sur leurs mains entrelacées, comme les chaînes d’un crime qu’ils n’avaient même pas essayé de cacher. Jonah regardait Rayla avec une douceur qu’il n’avait pas eue pour Roxanne depuis des mois. L’indécence de leur trahison la gifla de plein fouet.

Roxanne suffoqua. Elle sentit sa poitrine imploser, comme si son cœur avait été arraché et piétiné. Rayla avait toujours eu tout ce qu’elle voulait : la beauté, l’attention, les garçons, les opportunités… Et maintenant Jonah. Son Jonah. La seule chose qu’elle croyait encore sienne.

Elle chercha ses larmes mais ne les trouva pas. Elle voulait crier mais sa voix s’était noyée dans le désespoir. Elle resta figée, spectatrice impuissante de sa propre destruction.

« Je veux assumer mon enfant, Roxanne. Je suis un homme respectable, je ne peux pas… »

Le rire amer de Roxanne l’interrompit. Un éclat glacial qui fendit l’air.

« Respectable ? Toi ? On dirait une tragédie shakespearienne ratée ! »

Rayla soupira, agacée. « Allons, Roxanne… »

« Depuis combien de temps ça dure ?! »

La rage brûlait dans son regard.

« Six mois », avoua Rayla.

Le sang de Roxanne sembla se figer. Les pièces du puzzle s’imbriquaient. Les rendez-vous annulés. Les absences. Les excuses de dernière minute. Tout s’éclairait.

« Six mois », répéta-t-elle, la voix étranglée.

« Je suis désolée, Roxy. On voulait que papa et maman te le disent mais… »

Ses yeux s’écarquillèrent.

« Papa et maman étaient au courant ? »

Rayla hocha la tête, les yeux brillants de fausses larmes.

Roxanne sentit la violence l’envahir, une envie animale de détruire ce visage parfait. Elle se retint, recula, Rayla voulut la rattraper mais elle recula encore, les larmes coulant enfin.

« Vous mentez ! Vous êtes deux vipères hypocrites ! »

Elle arracha frénétiquement les manches de son tailleur comme si elle pouvait effacer ce moment de sa peau. Jonah ne bougea pas. Il ne tendit pas la main. Il resta là, figé, les mains dans les poches, les yeux vides.

« Tu ne m’aimes même pas », murmura-t-elle.

« Non », dit-il simplement.

Alors elle tourna les talons et s’enfuit.

Dehors, l’air frais la fouetta comme un rappel brutal à la réalité. Roxanne s’élança dans la rue, héla un taxi en haletant. À peine la voiture freinée, elle se jeta sur le siège passager.

« Trente et unième Avenue », souffla-t-elle, les mains tremblantes.

Les larmes remontèrent à nouveau, prêtes à exploser. Mais elle devait tenir. Elle devait comprendre. Comprendre comment tout cela avait pu lui échapper. Elle resta droite, les yeux rivés à la route. Mais ses pensées la harcelaient. Les voix de Jonah et Rayla résonnaient encore, impitoyables. Elle serrait son pantalon de tailleur comme un talisman, une ancre pour ne pas sombrer.

Peut-être… peut-être que ses parents avaient tout orchestré. Une farce. Une surprise ? Pour son nouveau boulot ? Oui, sûrement…

Non.

Elle ravala un sanglot. Ses épaules tressautaient. Elle ne pleurerait plus. Elle se le jura.

Tout n'était qu'une cruelle plaisanterie, forcément.

Le monde semblait s’effondrer autour d’elle, comme si le ciel lui-même s’était effondré sur sa poitrine. Une sueur glacée lui parcourait la nuque alors que le visage de Jonah s’imposait violemment à son esprit. Le goût amer de la trahison lui remontait à la gorge. Elle se voyait encore courir vers lui, déverser son chagrin dans ses bras, espérant naïvement qu’il éclaterait de rire et lui dirait que tout cela n’était qu’un canular, une mauvaise blague de très mauvais goût. Il l’embrasserait, lui caresserait les cheveux, lui dirait que c’était insensé de croire une telle chose, et que rien, non rien, ne pouvait changer ce qu’ils avaient construit.

Mais la réalité était une gifle brutale.

Quand le taxi s'arrêta enfin devant la maison familiale, Roxanne en sortit comme une furie, ignorant les fleurs soigneusement entretenues par sa mère. Ces lavandes qu’elle aimait tant lui donnaient à présent la nausée. Elle marcha d’un pas sec jusqu’à la porte et y tambourina avec la rage d’un ouragan.

« Que quelqu’un m’ouvre avant que je fasse exploser cette foutue porte ! »

Et comme si sa colère avait le pouvoir de commander, la porte s’ouvrit brusquement. Theresa, sa sœur aînée, lui apparut comme un mirage — un mirage qu’elle repoussa sans ménagement pour entrer dans le salon désert.

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