CHAPITRE 07
Ethan
La matinée a déjà très mal commencé et elle ne s’améliore pas. Je sors sur les nerfs du labo et retourne dans mon bureau en claquant la porte. La colère et la frustration n’amènent rien de bon et il vaut mieux m’éviter ce matin.
Je suis vraiment dans la merde. Camille me met la tête à l’envers et une évidence me frappe de plein fouet : je la veux. Me tenir à distance ? Impossible. Surtout que l’on dirait que tout l’univers fait en sorte qu’il se passe quelque chose entre nous. C’est un calvaire. Sentir son corps contre le mien durant le trajet en ascenseur de ce matin m’a fait un effet inimaginable, j’ai eu le sentiment de régresser, d’être un adolescent.
Heureusement pour elle, il y avait du monde autour de nous. Si on n’avait été que tous les deux je n’aurais pas hésité plus d’une minute avant d’appuyer sur le bouton rouge. Mon Dieu, j’aurais payé cher pour pouvoir la prendre contre la paroi de la cage en acier. Cela ne m’aurait absolument pas dérangé. Bien au contraire.
Mes bonnes résolutions d’hier soir n’auront pas tenu longtemps. Ma queue est au garde-à-vous depuis qu’elle s’est frottée contre le cul de Mademoiselle Imbaud. Cette fille a envie de moi, malgré ce qu’elle dit, tout son corps me le criait. A sa respiration erratique, ses tétons qui pointaient au travers le fin tissu de sa blouse et à la coloration de ses joues. C’était flagrant. Sans compter cette tension qu’il y a entre nous, il faudrait être aveugle ou idiot pour ne pas saisir de quoi il s’agit !
C’est la première fois que je suis à ce point obnubilé par une fille. Cela dit, je n’ai pas l’habitude d’attendre ou de devoir faire face à quelqu’un qui me résiste. Son professionnalisme me rend fier d’elle mais cette énergie qu’elle met à m’éloigner ne sert à rien. Plus elle résiste, plus j’ai envie d’assouvir mon désir.
Alors je vais prendre ce que je veux même si cela doit partir en vrille, je suis prêt à assumer mes actes ainsi que leurs conséquences. Et si mon meilleur ami a envie de m’en mettre une par la suite, je le laisserais faire. Ça sera largement mérité, Mademoiselle Imbaud en vaut la peine.
Lui aussi, quelle idée de me l’avoir présentée comme intouchable. Forcément ça a attisé mon désir de la posséder au moins une fois. Jamais je n’ai aimé ou supporté que l’on m’impose des barrières, des limites. Et puis, je ne peux pas rester dans cet état de frustration perpétuelle. J’ai eu beau me branler sous la douche en pensant à elle, à plusieurs reprises, entre hier soir et ce matin, rien n’y fait. Ça commence à être douloureux. Un ado ! Mon cas est désespérant.
Après tout n’y a-t-il pas un proverbe qui dit « Mieux vaut vivre avec des remords, qu’avec des regrets » ? C’est donc pour cela que dans la vie mieux vaut avoir des remords et s’être planté que des regrets pour ne pas avoir essayé.
Assis sur le fauteuil en cuir, les coudes appuyés sur mon bureau je réfléchis à un plan. Je me repasse la discussion entre Camille et sa copine, concernant leur soirée de débauche. Bien sûr, même si j’étais légèrement en colère contre elle de m’avoir remis à ma place, je restais attentif à leur discussion. D’une oreille, j’ai bien saisi l’heure et le lieu de leur rendez-vous. Il me faut donc agir avec méthode et douceur. Ce qui n’est absolument pas mon credo. Surtout dans ma vie personnelle. Il me suffit peut-être d’envisager les choses sous un autre angle ? Et si je la laissais venir à moi ?
Parti dans mes pensées, je ne prête pas attention à la personne qui vient de pénétrer dans mon bureau. Quand je relève la tête, je constate avec surprise qu’il s’agit de Mat. Mon meilleur ami s’installe sur la chaise blanche qui me fait face. Simplement vêtu d’un jean et d’une chemise noire, Converses aux pieds, il pose nonchalamment ses coudes sur ses genoux tandis que ses yeux me scrutent, curieux, interrogateurs. Bordel... Qu’est-ce qu’il me veut ?
— Tout va bien ? demande-t-il en me sondant.
— Très bien pourquoi ? dis-je sur la défensive en m’enfonçant dans mon fauteuil.
— Je ne sais pas. Peut-être parce que je t’ai entendu hurler sur ta secrétaire à plusieurs reprises aujourd’hui. Et qu’elle a tellement peur de toi, qu’elle n’arrête pas de jeter des coups d’œil vers la porte de ton bureau en priant Dieu pour que tu n’en sortes pas. Te rends-tu compte que tu es d’une humeur de chien depuis ce matin ?
Je grimace car pour moi c’était tout à fait mérité. Si elle ne cumulait pas les bourdes on n’en serait sûrement pas là. Mais cette fille est un boulet depuis quelques semaines, c’est connerie sur connerie. Forcément, à un moment ou un autre j’explose.
— Ce n’est tout de même pas de ma faute si notre assistante est une incompétente ?
— Jenyfer a quelques lacunes et sûrement des soucis en ce moment, mais ce n’est pas une incompétente. Et puis il n’y a pas qu’elle, j’ai croisé Tyler et Stephen à la cafeteria ce midi. Tu es aussi passé au labo n’est-ce pas ? dit-il perplexe.
Il connaît la réponse et je sais où il veut en venir mais est-ce ma faute s’ils ont tous décidé en même temps de me casser les couilles aujourd’hui ?!
— Ils sont censés être des super geeks de haut niveau, avoir d’excellentes capacités en maths-physique, être des développeurs hors pair formés au MIT et quand j’arrive pour voir le nouveau logiciel, ça ne fonctionne pas. On a tout regardé ensemble, j’y ai passé plus d’une heure pour finalement m’apercevoir qu’ils se sont plantés dans un calcul de base ! dis-je en haussant le ton et en me levant pour contenir ma colère.
Je déteste me justifier et mon ami le sait mais nous sommes associés, donc en tant que tels, je lui dois des comptes et lui aussi. C’est donnant-donnant.
— Tout le monde a le droit à l’erreur Ethan, il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne risquent rien. Sérieusement qu’est-ce qu’il se passe ? demande-t-il tout en me dévisageant avec impatience.
— Vous préférez que je m’allonge sur le divan Docteur ? répliqué-je ironique en lui montrant le canapé.
— Si c’est plus confortable pour vous, répond-il avec un petit sourire en coin de connard sur sa tronche.
— Ce n’est rien, laisse tomber Mat. J’ai juste passé une journée de merde, ça arrive à tout le monde non ? dis-je d’une voix lasse en lui tournant le dos, les mains dans les poches, le regard perdu sur Manhattan.
— Oui bien sûr, mais mon petit doigt me dit qu’il y a autre chose et j’aimerais bien connaître son prénom.
— De quoi tu parles ? répliqué-je en faisant volte-face, un peu mal à l’aise.
Est-il au courant ? Que sait-il exactement ? Un peu sur les nerfs à cause de la pression, mon corps se tend et je suis légèrement crispé.
— Il y a une femme là-dessous Ethan, j’en suis persuadé... Tu pues la frustration à des kilomètres. Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi tu attends après elle ? Si elle refuse de te donner ce que tu veux, va voir ailleurs et relâche la pression.
— Ce n’est pas aussi simple... sifflé-je entre mes dents serrées.
Comme si je n’avais pas envisagé cette solution ! Je suis passé voir Tina à son bar mais rien ne s’est passé, absolument rien, le vide total. Mon membre n’a pas émis un seul mouvement malgré les caresses de la pulpeuse brunette. J’y ai mis fin rapidement, cela ne servait à rien.
— Ben voyons ! Ce n’est pas comme si tu avais tout un tas de numéros de femmes dans ton portable prêtes à s’allonger ou à se mettre à genoux juste pour toi.
— Le problème Mat c’est que les autres je m’en tape, c’est elle que mon corps réclame pour être vraiment et réellement soulagé, dis-je à voix basse. Un silence tombe entre nous deux avant que mon ami ne réagisse.
— Putain... elle te tient déjà par les couilles sans même les avoir touchées. Je ne sais pas si je dois me prosterner à ses pieds ou m’enfuir en courant. C’est qui cette femme ? Dis-moi de qui il s’agit mec.
— Arrête tes conneries. Peu importe de qui il s’agit, elle n’a aucun pseudo-pouvoir sur moi. Une fois que j’aurais eu ce qu’il faut, je pourrais reprendre la maîtrise de mon corps, dis-je plein d’assurance et d’arrogance.
Seulement, je n’y crois qu’à moitié. Depuis que Camille a débarqué ici, je n’arrête pas de penser à elle. J’espère tomber sur elle à chaque fois que je marche dans les couloirs de la société. C’est minable. Pourquoi cette fille m’obsède-t-elle autant ?
Vous me prenez pour un connard ? Un queutard de première ? Sachez que la plupart des femmes sont consentantes à cet arrangement. Que non, je ne les prends pas pour des objets et que je les respecte car j’annonce la couleur d’entrée de jeu. En aucun cas, je ne fais miroiter une pseudo-histoire romantique ou un quelconque futur. Les paillettes, les cœurs roses et autres trucs dignes d’une romance ce n’est absolument pas mon genre. Pour conclure, sachez qu’elles m’utilisent autant que moi. Là encore, il s’agit de relations donnant-donnant. Chacun y trouve son compte.
— Bon, et bien je te souhaite d’arriver à atteindre ton objectif avec elle, parce que là tu es juste un enfoiré de patron pour la plupart de ton personnel. Cette situation ne peut pas durer éternellement alors s’il te plaît, fonce et agis rapidement. C’est le week-end, profites-en et si tu as besoin d’aide, n’hésite pas, déclare-t-il en se levant de la chaise.
Si seulement il savait qu’il s’agit de sa petite sœur...
— Avant que tu t’en ailles je tenais à avoir ton avis sur une idée que j’ai eue, dis-je en l’interrogeant du regard.
Mat se retourne, il croise les bras sur son torse et me regarde.
— Vas-y, je t’écoute, lance-t-il en haussant les épaules.
— Comme tu le sais il y a un certain nombre de nos clients qui nous passent sous le nez en ce moment, dis-je passablement énervé par ce constat.
Impossible d’en faire abstraction, ils sont de plus en plus nombreux à nous échapper. C’est problématique et douteux, il y a anguille sous roche j’en mettrais ma main à couper.
— Exact et à chaque fois va savoir comment, mais par le plus grand des hasards nos concurrents proposent exactement la même chose que nous à un tarif plus avantageux. Et avec deux à trois jours d’avance sur nous, rajouté-je.
— On se fait griller au poteau Ethan, c’est suspect en plus d’énervant, souffle-t-il d’exaspération.
— C’est bien pour ça qu’il est temps d’agir nous ne pouvons plus rester inactif. On ne peut pas courir le risque de tout perdre. Les abonnements chutent, nos contacts se posent des questions et les employés commencent à avoir des doutes quant à la pérennité de notre entreprise.
Mat se passe la main dans les cheveux puis me dévisage, anxieux.
— Que proposes-tu ? me demande-t-il.
— Faire intervenir une agence qui procède à un audit externe. Leur rôle sera de contrôler l’organisation du travail, le respect des procédures, la validité des états financiers et de prévenir les fraudes ainsi que les détournements. Qu’en penses-tu ?
— Je suis à cent pour cent pour cette solution, répond-il soudain déterminé.
Je n’en attendais pas moins de sa part mais comme nous sommes associés, je me dois de le prévenir de toute décision.
— Bien, j’ai déjeuné avec l’un de leurs éléments ce midi et elle m’a semblé avoir des arguments sérieux, dis-je m’appuyant des deux mains sur mon fauteuil. Il y a forcément un ver pourri dans l’entreprise et je compte bien découvrir de qui il s’agit. Seulement j’ai besoin de connaître l’étendue de la moisissure avant d’agir.
— Tiens-moi au courant je veux être de la partie. Je n’aime pas plus que toi ce qui se trame ici, nous devons protéger nos données. Tout repose sur la sécurité de notre système, rajoute Mat avant de tourner les talons et de sortir de mon bureau.
Un moment plus tard, mon portable vibre. Je m’en saisis sans même regarder qui me contacte. Casey. Mon petit frère me tanne pour le rejoindre dans un bar de Manhattan ce soir. Dans un premier temps, je lève les yeux au ciel en pensant que je veux juste rentrer chez moi. Quand finalement, au moment où je m’apprête à refuser son offre, une idée me traverse l’esprit. Pourquoi pas ? C’est donc avec un sourire de vainqueur que je réponds affirmativement à ce SMS en lui proposant de changer de bar et d’aller se faire un rooftop sympa.
A nous deux !
