CHAPITRE 01
Mais bordel, pourquoi je suis là déjà !?!
— Sois spontanée, arrête de réfléchir Cam. C’est une sacrée opportunité et n’importe quelle fille de notre âge tuerait pour être à ta place, alors fonce ! Ne regarde pas en arrière, avance, m’avait lancé Émeline, mon amie la plus proche et certainement la meilleure.
Bref, elle m’avait donné un grand coup de pied dans le derrière et cela avait fonctionné puisque dans la même journée, je prenais mon billet d’avion. J’avais cette impression de partir à la conquête du monde, d’être une véritable guerrière en mode « Girls run the world ?».
Mais à ce moment précis, tandis que l’appareil traverse des perturbations et que je me cramponne à mon siège, une question ne cesse de tourner en boucle dans mon esprit : pourquoi a-t-il fallu que je l’écoute ?!?
Forcément, je fais moins la maligne et la Shakira ou Beyoncé qui a un tant soit peu existé en moi, s’est carapatée.
Note à moi-même : toujours réfléchir avant d’agir et éviter le plus souvent possible, d’écouter les conseils d’Émeline. On ne m’y reprendra plus !
Depuis plus de six heures, j’essaie de suivre les films proposés par la compagnie aérienne, mais les cris et pleurs des enfants deux rangées derrière moi m’en empêchent. Sans compter sur les petites turbulences ressenties pendant le vol. J’apprécie moyennement de ne rien contrôler et de laisser ma vie entre les mains de deux commandants de bord.
Pendant que nous traversons une nouvelle vague de trous d’air, je tente de respirer normalement, calmement et de reprendre le contrôle de mon corps. Ma voisine de gauche a certainement dû remarquer mon malaise, alors cette femme d’une soixantaine d’années tente tant bien que mal de me rassurer.
— Ne vous inquiétez pas, cela ne dure pas longtemps me dit-elle en se penchant un peu vers moi et en tapotant ma main dans un geste réconfortant.
Seulement, je fais partie de ces personnes qui vont doublement s’inquiéter quand on me dit de ne justement pas le faire. Comme quand on me dit « surtout ne te retourne pas ! », connerie ! Bien sûr que je vais me retourner !! Y’a qu’à moi que cela semble logique ?!
— Ce n’est pas vraiment rassurant quand il tangue un peu, c’est ma première fois, mon baptême de l’air en quelque sorte... dis-je avec un sourire certainement crispé sur mon visage.
— Rassurez-vous jeune fille, dans l’histoire de l’aviation, aucun crash n’a eu lieu à cause d’une turbulence, me lance-t-elle avant de m’avoir gratifiée d’un sourire entendu.
— Me parler de crash ne m’aide pas vraiment... rétorqué-je en lui lançant un regard en biais rempli de scepticisme.
Elle éclate de rire avant de s’excuser.
— Pardonnez-moi... ce n’est pas très pédagogue de ma part, effectivement. Bien, alors imaginez que l’air, c’est un fluide, exactement comme de l’eau. Ce n’est pas vide, il y a une masse. Parfois l’eau est calme, mais parfois elle est agitée. Voyez les turbulences comme des vagues plus ou moins importantes, déclare-t-elle en sirotant son thé.
Simple mais efficace. Effectivement comprendre de quoi il s’agit exactement et minimiser ainsi, cela me semble fonctionner et m’aide à me calmer.
— Merci, c’est vraiment très gentil de votre part, murmuré-je en jetant un coup d’œil au plan de vol sur l’écran.
En plus de la carte virtuelle qui s’affiche, on peut trouver sur l’écran, l’heure de départ et celle d’arrivée. Soulagée, je me rends compte qu’il ne me reste plus qu’une heure de vol. Tant mieux car l’homme assis à ma droite n’arrête pas de me lorgner. En temps normal, ce genre de comportement me gêne, mais là c’est encore pire. Cet homme est plus âgé - beaucoup plus âgé ! -, il pourrait carrément être mon père. Installé à mes côtés, il n’arrête pas de me regarder. Je n’ai même pas osé me lever pour aller aux toilettes car j’avais peur qu’il profite de la situation. Rien que l’imaginer en train de mater mon derrière... Non merci !
Allez Camille, dans une heure tu seras enfin libérée et prête à partir à l’assaut de Manhattan !
Cette pensée positive me réconforte et me fait du bien. J’ai décidé plus ou moins sur un coup de tête, de partir à New York et d’y rejoindre mon grand frère qui vit là-bas depuis cinq ans. Mathias a réalisé ses rêves en montant une société dans le multimédia avec l’un de ses amis new-yorkais. Ils ont eu un peu de mal au début, mais depuis trois ans leur entreprise fait des bénéfices conséquents, ce qui fait bien sûr la fierté de mes parents. Sans compter qu’ils ont eu la bonne idée d’investir dans d’autres entreprises et de faire ainsi fructifier leurs apports de départ. Des gros malins !
Mathias a toujours eu cette envie de réussir, de relever les défis, de voir toujours plus grand, plus loin. Il aime prendre des risques et ça fonctionne pratiquement à chaque fois C’est un compétiteur dans l’âme, ancien rugbyman qui aurait pu être un professionnel et se lancer dans une belle carrière sportive.
Faut dire qu’avec sa gueule d’ange et son physique avantageux, il en impose le Mat : 1m85 de muscles et hyper sociable, doté d’un caractère facile. Mais ce n’est pas seulement un corps bien sculpté, non. Mat est intelligent, vraiment. Il n’avait pas besoin d’apprendre ses cours à la maison, il lui suffisait d’écouter simplement pendant les heures de classe et il avait enregistré. Il a des facilités, dans tous les domaines et c’est rageant ! Parce que moi, contrairement à lui, je dois passer des heures enfermée dans ma chambre pour retenir ne serait-ce que la moitié d’un cours. J’ai l’impression d’avoir subi une injustice à la naissance ! A croire que les marraines bonnes fées se sont penchées uniquement sur son berceau et ont zappé le mien.
Nous sommes issus d’un milieu modeste, mon père est ouvrier agricole, autrement dit, il travaille dans les vignes et ma mère est aide-soignante au CHU. Ils nous aiment inconditionnellement et ont toujours voulu le meilleur pour leurs enfants. Nous avons fréquenté les écoles les plus en vue de la région, les lycées privés et n’avons jamais manqué de rien. Mais même si nos parents ont essayé de nous élever de manière égale, quand ils regardent ou parlent de Mathias, c’est avec des étoiles plein les yeux et une grande fierté.
Comparée à lui, je me sens plutôt banale. Rien d’extraordinaire à l’horizon. Je ne suis pas sportive, ni même très sociable, je suis du genre à dévorer des bouquins et à m’enfermer dans ma bulle avec mon casque sur les oreilles. Comme le dit ma mère « tu te mets toi-même en retrait et c’est dommage ma fille ».
L’impression d’être en décalage avec les autres personnes de mon âge ne me quitte pas depuis ma naissance. J’ai parfois eu le sentiment d’être le vilain petit canard, celle qui n’oserait jamais. Souvent, j’avais cette sensation d’être la spectatrice de ma propre vie, de la regarder passer tranquillement...
Ce que j’aime c’est me perdre dans un livre, dans une histoire, ou dans un morceau de musique. Jouer aux échecs, aux jeux de stratégies et gagner si possible ! Oui j’ai horreur de perdre, je partage ce trait de caractère avec mon frère. Autant vous dire que quand nous jouions ensemble c’était horrible ! Cela finissait inexorablement par des cris, des pleurs et mes parents pris à partie qui ne savaient plus comment gérer la situation !
Un carnage !
Mais j’ai quand même des qualités, du moins quelques-unes. J’aime que tout soit calculé, carré, analysé. Je suis la pro de l’organisation et du classement. Aussi, vous comprendrez qu’agir sur le coup d’une impulsion ne me ressemble pas… D’habitude, je suis quelqu’un qui ne prend que peu de risque. Enfin du moins, jusqu’à aujourd’hui !
Voilà pourquoi je me retrouve là, dans cet avion. Pas sûre que partir à New York soit la meilleure solution. C’est une décision impulsive, la première de ma vie ! C’est effrayant de savoir ce que l’on quitte mais pas là où on va... L’inconnu, l’incertitude de ma vie à l’instant T m’excite, autant qu’elle me fait peur.
Néanmoins, il devenait urgent que je m’éloigne de Montpellier, de cette ville, et que je quitte le cocon familial pour vivre ma vie comme je l’entendais. Sortir de ma zone de confort, oser. Et puis, croiser au moins une fois par semaine Bastien, mon ex - mon seul ex, devrais-je préciser - un enfoiré de première classe, est un argument qui a pesé lourd dans la balance.
Bastien, c’est le genre de type qui n’est pas forcément un canon de beauté mais qui a tellement de prestance, qu’il t’attire comme un aimant. Et il joue de la guitare, argument non négligeable…On est bien d’accord que même un type moche avec une guitare ça dégage un truc ? La guitare c’est l’accessoire ultime à avoir si tu veux attirer l’attention. Prenez n’importe quel type dans la rue, mettait lui une guitare entre les mains et hop ! Il devient intéressant, c’est comme ça.
Bastien a dans sa façon d’être, cette confiance en lui inébranlable, sans pour autant être dédaigneux ou supérieur. C’est un peu comme Mat, quand tu le croises il te donne le sentiment que tout est simple pour lui. Soit tu deviens jaloux, soit tu baves d’admiration. Au choix... Maintenant, il suit des études au conservatoire de la ville. Quand je l’ai connu au lycée, j’avais dix-huit ans et lui dix-neuf. Il jouait de la guitare en plein milieu de la cour tout en chantonnant de sa voix super sensuelle, douce et mélodieuse. Grand, fin et toujours vêtu de son Perfecto en cuir noir et de ses Vans. Du haut level pour n’importe quelle adolescente…
Dans ce lycée catholique, privé et assez coté, les filles se baladaient avec les derniers sacs à la mode à deux cents euros minimum tandis que moi j’avais mon Eastpack. Contraste saisissant d’une différence de classe mais pas que... Ce qui forcément, m’amena à être l’exclue, celle que l’on regardait de haut. Dans mon malheur, j’avais quand même la chance de ne pas être seule. C’est comme ça que j’ai rencontré Émeline, puis Alexandra et Amandine. Un quatuor solide, solidement hermétique à toute critique ou remarque vexante. Du moins c’est ce que je pensais à ce moment-là.
Bastien n’avait pas spécialement une bonne réputation, surtout avec les filles, mais je n’en avais pas tenu compte, je n’y ai jamais prêté attention. Les rumeurs n’étaient pour moi qu’un ramassis de conneries.
Lorsqu’ il m’a remarquée, en fait la première fois qu’il m’a parlé, ça m’a semblé si abstrait, si impossible. J’ai tout juste réussi à aligner trois mots. Je bégayais tellement que j’aurais pu sortir tout droit du film Rain Man, une vraie catastrophe. Faut dire que je n’étais absolument pas préparée à cette éventualité. D’ailleurs, je me suis un peu méfiée, peut-être avait-il besoin d’un coup de main en cours ? D’une bonne poire pour corriger ses TD ? L’idée qu’il se rapproche de moi, sans aucun intérêt personnel m’était inconcevable.
Étonnamment, trois jours plus tard il m’invitait au cinéma. Sur le coup, j’ai cru qu’il s’agissait d’une erreur de sa part, alors je lui ai demandé s’il était certain de lui. Bastien a rigolé et avec cette nonchalance qui le caractérise tant, il m’a reposé la question. Alors forcément, j’ai dit oui, même si je n’étais pas sûre qu’il soit sérieux. J’ai toujours eu un gros manque de confiance en moi, surtout avec le sexe opposé.
Le soir du rendez-vous j’avais un peu peur, je ne pensais pas qu’il se présenterait devant chez moi. Pourtant il l’a fait, il est venu me chercher et c’était génial. Comme une gamine, j’avais des étoiles plein les yeux, je buvais ses belles paroles, complètement sous le charme. Plus nous vivions de moments ensemble et plus je m’accrochais à lui. J’avais un gros béguin, le premier de ma vie... Au fur et à mesure que les jours passaient je nous imaginais, tous les deux, vivre quelque chose de grandiose ! Nous avions des points communs, notamment la lecture et l’écriture, car il écrivait ses propres chansons et je trouvais cela tellement sexy… J’avais un petit-ami poète et diablement beau ! C’était inouï ! Au lycée, les autres ne me regardaient plus avec dédain, certaines filles étaient carrément jalouses de moi... de moi ?! Je n’ai pas mis mes amies sur la touche, jamais je n’aurais osé alors je partageais mon temps et cela semblait convenir à tout le monde. C’était parfait ! Parfaitement stupide et naïf, à mon image. Rapidement, les choses se sont mal passées, tout s’est arrêté quand j’ai dit oui. Je m’explique.
Il se trouve qu’une fois qu’il avait eu ce qu’il voulait, je ne l’ai plus intéressé. Pendant un mois, il avait été un amour, patient, drôle, gentil et serviable. Je savais que son groupe d’amis m’appréciaient moyennement, mais lui s’en moquait alors c’était le plus important pour moi. Les autres ? On s’en foutait ! Du moins c’est ce que je pensais....
Au bout d’un mois je cédais à ses avances, il me semblait que nous en avions tous les deux autant envie l’un que l’autre. Nous avons couché ensemble chez lui, dans son lit. Ses parents étaient absents pour le week-end, alors nous en avons profité. C’était stressant, un peu douloureux mais j’étais heureuse d’avoir enfin franchi le cap. J’étais sur un petit nuage car je venais de partager quelque chose de précieux, avec quelqu’un qui m’aimait. Avec lui, je me sentais forte et j’avais de plus en plus confiance en moi. Et puis tout est parti en sucette...
Le lundi suivant en arrivant en cours, j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Émeline ainsi qu’Alex m’ont demandé de les suivre et nous nous sommes installées à l’extérieur, sur un banc à l’abri des regards indiscrets. Elles m’ont alors raconté que Bastien s’était vanté devant tous ses amis de ses exploits et de mon manque d’expérience, avec les détails à la clé. Classe, très classe....
Sans compter qu’apparemment, je n’étais pas un si bon coup que ça... tout juste un six sur une échelle de un à dix. Non, je ne l’invente pas, ce sont ses propres mots… Émeline n’avait aucun intérêt à me mener en bateau et Alex encore moins. Alors je suis tombée de mon petit nuage et l’atterrissage a été rude.
En plus de me sentir trahie, salie et déçue… j’étais surtout en colère contre moi-même car je n’avais rien vu venir. Émeline avait trouvé son intérêt soudain pour moi curieux et j’avais mis cette remarque sur le compte de la jalousie. Au final, elle avait raison. J’aurais dû me méfier, être plus vigilante. Alors oui, je sais ce sont des choses qui peuvent arriver, des connards il y en a partout... c’est loin d’être une espèce en voie de disparition ! Mais même si cela s’est passé il y a plus de trois ans, les cicatrices elles, ont du mal à se refermer totalement. J’y croyais... Depuis lui, il n’y a eu personne, c’est trop difficile, je suis devenue méfiante et j’ai du mal à remonter la pente.
J’avais réussi à terminer mon année en l’ignorant et en faisant abstraction des moqueries que ses amis me balançaient dans les couloirs. Son groupe était solide et me montrer du doigt les faisait bien rire. Je ne compte plus le nombre de fois où je suis rentrée chez moi et me suis enfermée dans ma chambre pour pleurer.
Heureusement, cette épreuve m’a servi puisque je me suis concentrée sur mes études et ai obtenu mon bac avec mention. A la fin de l’année scolaire, j’ai passé l’été à travailler à l’accueil d’une banque, très peu de sorties si ce n’est quelques soirées avec Émeline et les filles quand elles avaient le temps. Avec leur boulot saisonnier de serveuses dans un restaurant place de la Comédie ou au MacDo nous nous sommes très peu vues.
En septembre j’intégrai la faculté de Droit et Sciences Politiques pour suivre un master en droit privé. Ma vie sociale est quasi-inexistante et si au début je m’en fichais, aujourd’hui la solitude me pèse.
Sur un plan professionnel, peu d’entreprises de Montpellier ou de Toulouse sont prêtes à me prendre en stage. Trop de jeunes sur le marché et très peu de temps pour les former correctement. La plupart du temps tu es juste « la stagiaire » qui s’occupe de toutes les tâches ingrates. Les meilleurs lieux de stage sont déjà tous pris, les places sont chères et il faut avoir des contacts, chose que nous ne possédons pas dans ma famille.
C’est alors qu’en buvant un café à la cité universitaire, j’ai vu un dépliant et j’ai eu le déclic. Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas le tenter ?
Lors d’un Skype avec Mathias, je lui ai demandé si je pouvais venir effectuer un stage outre-Atlantique, je ne pensais pas qu’il serait d’accord que je m’incruste dans sa vie. J’avais tort. A ma grande surprise, il m’a dit de prendre mon billet d’avion et de m’organiser avec la faculté. Quand j’ai soumis l’idée à ma référente de troisième année, elle était ravie pour moi. Elle n’a cessé de me répéter qu’effectuer un stage dans une entreprise new-yorkaise était une chance. Elle a donc appuyé mon dossier de candidature et je lui dois une fière chandelle !
— Un tremplin qui donnera un coup de pouce à ta carrière Camille, tu verras, Manhattan va t’ouvrir de nouveaux horizons, m’a-t-elle dit en me tendant les conventions à faire signer. J’ai eu le feu vert pour passer toute une année outre-Atlantique. J’ai réussi à faire passer mon dossier in extremis dans le programme Erasmus.
Ce n’est pas la vie que j’avais prévue, ce n’était pas le plan que j’avais décidé. Mais quand ça ne marche pas il faut savoir en changer, il faut bien s’adapter non ?
Mes parents n’ont pas du tout compris ma soudaine envie de partir loin. Ils ont remercié Mat de m’accueillir et de prendre soin de moi. J’avais l’impression d’être une petite chose fragile ou d’avoir encore dix ans. Ils ne se rendaient absolument pas compte que j’étais prête à être indépendante. Que j’étais loin d’être la trouillarde qu’ils s’imaginaient. Là-bas j’avais le sentiment d’étouffer, de faire du surplace, il était grand temps de rallumer les étoiles et accessoirement ma vie !
La voix du commandant de bord qui annonce notre arrivée imminente à JFK me sort de mes pensées. Dans moins de dix minutes, je vais fouler le sol américain !
Je me cramponne au siège et me concentre sur ma respiration comme je l’ai appris à mes cours de yoga. Je balance un peu de musique dans mes écouteurs. Tiens, Matthew Bellamy me conseille de changer le monde, d’être la meilleure et d’utiliser cette chance. La chanson Butterflies and Hurricanes résonne à mes oreilles et dans mon cœur.
Qu’est-ce que j’aime ce groupe !
J’ai eu la chance de les voir en concert une fois à Toulouse et mon Dieu ! C’était génial ! Ces riffs de guitare et ce piano qui vous donne des frissons... certaines petites pépites de leur répertoire me donneraient presque un orgasme auditif, comme le dit si bien Alexandra.
Quelques instants plus tard, je débarque enfin et la sensation du sol sous mes pieds me fait détester davantage les moyens de transports aériens. J’avance en suivant le flux des gens, l’estomac dans les chaussettes mais pleine d’envie de vivre enfin quelque chose de nouveau, de fort.
***
Après le passage obligatoire à l’immigration, je me retrouve en salle de réception des bagages en train de fixer le tapis roulant dans l’attente de voir apparaître mon sac à dos. J’ai pris peu d’affaires, le strict minimum, j’achèterai sur place ce qui me manque. Ne suis-je pas à New York, la ville la plus géniale pour faire du shopping ? Que demander de mieux ?
Je finis par récupérer mon gros sac, le positionne sur mon dos. J’enroule mon sac en bandoulière autour de mon cou et hop j’avance, ou plutôt je me traîne. Je dois avoir une mine affreuse, affublée de mon legging noir, d’un sweat gris clair, pas maquillée et mes cheveux bruns attachés en pseudo chignon. Mon Dieu je rêve d’une bonne douche !
En sortant de la salle, je franchis la douane puis je passe dans des longs couloirs pour terminer dans le hall de l’aéroport. Mon regard scanne la grande pièce. De loin, je repère Mathias qui tapote sur son portable, il ne me remarque même pas. Doucement, je m’approche, un sourire aux lèvres, m’apprêtant à lui faire une farce quand il lève la tête.
Et zut !
Ses yeux s’éclairent, un sourire apparaît sur son visage. Au premier abord, il paraît superbe, de bonne humeur comme toujours, sauf que je le connais mon frangin et qu’il y a quelque chose qui cloche, j’en suis certaine.
— Bienvenue à New York frangipane ! me dit-il tout en levant les bras en l’air.
C’est pas possible, je rigole car même ce surnom minable m’avait manqué !
— Salut Mat, tu veux bien…
Bordel !
Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que deux bras musclés m’attrapent et me serrent fort. Trop fort. Je suis comprimée contre 1m85 de muscles, le rêve de beaucoup de femmes, mais pas le mien. Surtout maintenant. Au bout de cinq longues minutes, Mat me lâche et je peux enfin respirer.
— Mat ! J’étais à deux doigts de tomber dans les vapes par manque d’oxygène ! Calme toi Goliath !
— Donne-moi ton sac, c’est trop lourd pour un petit gabarit comme le tien.
Il m’enlève mon bagage du dos, me prend la main et m’entraîne à sa suite. Mat ne demande que très rarement l’avis à son interlocuteur.
— La force n’est pas forcément proportionnelle au gabarit tu sais, regarde Jackie Chan est petit mais fort. Ou encore Yoda, le plus fort de tous, dis-je en le fixant.
Mat sourit en remuant la tête et en levant les yeux au ciel.
— Quoi ? dis-je un peu énervée et étonnée par sa réaction.
— Ta manie de répondre systématiquement ça m’avait manqué, sans compter tes références toujours aussi décalées. Décidément, tu n’as pas changé Cam...
— Je ne sais pas comment je dois le prendre Mat... déclaré-je en lui lançant un regard en biais.
A vrai dire, je suis plutôt amusée par notre échange, mon grand frère m’avait lui aussi manqué.
— Alors, ton vol s’est bien passé ? Pas trop fatiguée ? demande-t-il en avançant vers la sortie.
Il y a un monde fou dans cet aéroport. Nous zigzaguons à travers la foule tout en continuant notre discussion.
— Honnêtement, je pense que l’avion ce n’est pas trop mon truc. Je préfère les trains ou la voiture comme moyen de transport. Enfin l’essentiel c’est que je suis ici, avec toi et je suis contente d’être enfin arrivée sur la terre ferme, soupiré-je, heureuse mais éreintée.
Sans que je m’en rende compte nous sommes déjà dehors, des yellow cabs attendent en file indienne. Mat ouvre la porte d’un taxi et me fait signe d’y entrer puis il glisse mon sac entre nous deux tout en indiquant son adresse au chauffeur.
C’est parti !
Mathias réside dans Greenwich Village. Il m’explique durant le trajet, qu’il pourrait se permettre d’acheter un appartement dans le Upper East Side mais que le charme de Greenwich lui manquerait. Un son résonne de sa poche, il attrape son portable et se concentre dessus. Cette interruption me permet d’admirer la vue. Le taxi vient de franchir le Brooklyn Bridge, je suis époustouflée, je n’arrive pas à croire que je suis ici ! Ça paraît surréaliste et pourtant c’est bien réel !
Je pensais que tout ce que je voyais à la télé, dans les séries était exagéré mais non, tout est pareil. J’en reste silencieuse avec un grand sourire sur le visage. Il est 17h passées à New York, nous sommes début septembre et il fait encore chaud. J’étouffe sous mon sweat !
Je descends du taxi et attends Mathias qui règle le trajet au chauffeur. Mon frère me fait grimper les marches d’une maison et au vu des trois boîtes aux lettres je comprends que la maison de style victorien a été transformée en appartements. La rue est calme, arborée, il y règne une ambiance très bohème. Je valide le choix de Mat et me sens déjà très à l’aise ici.
Je le suis à l’intérieur, monte les deux étages qui me séparent de mon nouveau chez moi. Quand il ouvre une porte, je me retrouve dans un appartement très lumineux et spacieux. Le parquet au sol met en valeur le côté ancien de cette résidence et lui donne du cachet. Les murs sont blancs et font ressortir l’espace et la lumière qui se dégage des fenêtres.
— Bienvenue chez nous, viens je vais te montrer ta chambre, dit-il en avançant et en me faisant signe de le suivre.
Nous traversons le salon avec sa cuisine attenante, tout le sol est en parquet et j’adore déjà entendre le bruit de mes pas sur le bois. Cette pièce est petite mais fonctionnelle. Mat ouvre une porte et se place sur le côté pour me laisser passer devant lui. Un peu intriguée, j’avance de quelques pas pour pénétrer dans une chambre. Ma chambre pour un an.
Instinctivement, je me dirige vers la fenêtre avec vue sur la rue qui semble paisible. Je pose mon petit sac sur le lit. Mat dépose mon sac à dos au sol, près d’une petite table de chevet qui jouxte le lit. Ses yeux noisette me fixent dans l’attente de mon avis. J’imagine que mon frère a dû spécialement refaire la décoration car même si elle est minimaliste, la chambre est clean et sent encore la peinture.
— Ce n’est pas une suite mais c’est largement suffisant. Ici, tu as un placard intégré avec un côté penderie et un autre tiroir.
— Ne t’inquiète pas Mat, c’est parfait. Merci encore de m’héberger chez toi et de m’avoir trouvé un poste dans ta société. C’est une occasion rare que tu m’offres.
— Ce n’est pas grand-chose, puis entre frère et sœur il faut bien se serrer les coudes. Je te laisse prendre tes marques, la salle de bain c’est la pièce à l’opposé de ta chambre, à côté de la cuisine. Je dois passer au bureau voir mon associé, j’en ai pour un petit moment. Je suis désolé, j’aurais aimé rester un peu avec toi. Ça va aller ? me demande-t-il l’air réellement déçu.
— Vas-y, de toute façon je vais me prendre une bonne douche, ranger mes affaires et dormir. Rien de passionnant. Par contre tu peux me laisser ton code wifi pour que j’envoie un message aux parents. Juste pour les prévenir que je suis bien arrivée.
— Ouais bien sûr, je te note ça de suite. Je te laisse le code sur le bar, il y a des donuts aussi si jamais tu as faim et de quoi grignoter dans le frigo.
Mat prend un morceau de papier pour me noter le code wifi puis il attrape ses clés et me donne le double. Une fois seule, je m’affale sur le canapé en observant mon nouveau chez moi. Je suis à la fois, satisfaite, gâtée, et curieuse de savoir ce que Manhattan me réserve.
