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Chapitre 1: MA MEILLEURE AMIE

C’était un jeudi soir banal, jusqu’à ce que mon téléphone vibre. Trois fois. Le signal de détresse habituel. Emma. Je savais déjà ce que j’allais lire avant même d’ouvrir le message.

> « T’es là ? »

Toujours. Même quand je devrais pas. Même quand je sens que je vais encore recoller les morceaux d’un cœur qui n’est pas à moi.

Je lui ai répondu par un simple « J’arrive. » Pas besoin de plus. Je savais qu'elle serait sur le banc, près de la fontaine, dans le petit parc à deux rues de chez elle. Notre endroit. Celui qu’on avait déclaré « zone neutre » quand on était ados. Pas de jugements, pas de reproches. Juste du silence ou des mots, selon ce dont on avait besoin.

Je l’ai vue de loin. Recroquevillée sur elle-même, les bras entourant ses genoux, la tête baissée. Même de dos, je pouvais dire qu’elle pleurait.

Mon cœur s’est contracté, comme à chaque fois que je la voyais brisée. Et pourtant, je suis allé la rejoindre. Comme toujours.

— Emma.

Elle n’a pas levé la tête tout de suite. Puis, en entendant ma voix, elle a essuyé rapidement ses joues, comme si ça allait effacer les traces.

— Salut, a-t-elle murmuré.

— Il t’a fait quoi, cette fois ?

Un silence. Long. Puis :

— Il m’a dit qu’il “était pas prêt”. Qu’il “avait besoin de temps pour lui”. Traduction : il s’est lassé. Comme les autres.

Je me suis assis à côté d’elle, sans rien dire. J’ai sorti une barre chocolatée de ma poche. Je la gardais toujours pour elle, comme un rituel idiot. Elle l’a prise sans protester, a mordu dedans et a laissé échapper un petit rire triste.

— Tu sais que t’es une des seules personnes qui pense à ça, hein ?

— Ce chocolat guérit tout. Sauf les mecs débiles, apparemment.

Elle a ri un peu plus fort. Ce son, je l’aurais gardé en boucle s’il était possible de l’enregistrer.

— T’es toujours là. C’est dingue, quand même. Tu devrais écrire un livre : Comment survivre à une meilleure amie sentimentalement chaotique.

Je me suis contenté de sourire.

— Chapitre un : arrêter de tomber pour des mecs qui ne voient pas la fille incroyable qu’ils ont en face d’eux.

Elle a tourné la tête vers moi, son regard doux, un peu troublé. Puis elle a soupiré.

— Peut-être que c’est moi le problème. Peut-être que je suis pas faite pour l’amour.

Je l’ai regardée, vraiment. Et j’ai senti ce poids familier dans ma poitrine. Ce truc qu’on appelle un secret trop longtemps gardé.

— T’es pas le problème, Emma. T’as juste pas encore rencontré celui qui sait ce que t’as dans le cœur.

Elle m’a souri, fatiguée. Et puis, sans prévenir, elle a posé sa tête sur mon épaule.

— Heureusement que t’es là, toi.

Je n’ai rien répondu. J’ai juste fermé les yeux un instant, en profitant de ce contact qui ne voulait rien dire pour elle. Et tout, pour moi.

On est restés là un long moment. Le silence entre nous était confortable, familier. Le genre de silence qui n’a pas besoin d’être comblé. C’est peut-être pour ça que je l’aime autant, Emma. Parce qu’avec elle, même les silences parlent.

Elle a fini sa barre chocolatée et l’a posée doucement sur le banc. Elle jouait avec le papier d’emballage entre ses doigts.

— Tu crois qu’un jour je vais tomber sur quelqu’un qui reste ? Qui me regarde vraiment ? Pas juste l’image que je donne, pas juste ce que je peux apporter… mais moi, complètement ?

Je me suis tourné vers elle, mon cœur serré.

— Bien sûr.

Elle a souri, mais c’était un sourire triste.

— T’es mignon. Mais t’es aussi trop gentil. Tu me dis toujours ce que j’ai besoin d’entendre, jamais ce que je devrais entendre. Peut-être que j’attire ces mecs parce que je les laisse faire. Peut-être que je vaux pas mieux.

— Tu veux la vérité ?

Elle a levé les yeux vers moi, curieuse.

— Vas-y.

— Tu mérites un type qui te voit même quand tu crois être invisible. Quelqu’un qui connaît la manière dont tu bouges tes lèvres quand tu mens. Qui sait que tu détestes qu’on te touche la nuque mais que tu souris toujours quand on le fait doucement. Qui se souvient que t’as peur de l’abandon mais que tu fais toujours semblant d’être forte.

Elle m’a regardé, surprise. Un peu troublée.

— T’as pris des notes ou quoi ?

— Je t’écoute. C’est tout. Et je retiens. Parce que tu comptes.

Elle n’a rien dit pendant un moment. Elle a juste tourné la tête vers le ciel. La lune était presque pleine.

— Si t’étais pas mon meilleur ami…

Elle s’est arrêtée net.

Je n’ai rien dit. Je n’ai pas osé demander la suite. Parce que je la connaissais. Parce que cette phrase-là, je l’avais répétée mille fois dans ma tête. Si j’étais pas “le meilleur ami”...

Mais je le suis. Et ça suffit pour qu’elle ne me voie pas autrement.

Elle a soupiré, fatiguée.

— Je suis désolée de t’imposer ça à chaque fois.

— T’as rien à me demander pardon. Je suis là parce que je veux l’être. Toujours.

Elle a posé sa tête contre mon épaule, comme elle le faisait quand on était ados. Et j’ai senti, une fois encore, ce mélange étrange de bonheur douloureux. Être près d’elle. Et pourtant, si loin.

Elle s’est endormie quelques minutes plus tard, bercée par le silence du parc et la chaleur fragile de ma présence.

Et moi, j’ai veillé. Comme toujours.

*A SUIVRE...*

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