chapitre 7
Chapitre 7
Il suffisait de peu pour que les choses changent. Un week-end, juste un, loin de tout ce qu’ils avaient connu. Et pourtant, Sophie sentait bien que c’était le début de quelque chose qu’elle n’avait pas prévu. Rien dans sa vie n’avait jamais été aussi simple, et c’était précisément ce qui la perturbait. Un week-end loin des faux-semblants, des silences remplis de non-dits, loin de tout ce qu’elle avait cru être sa réalité.
Nathan ne la regardait pas avec des attentes. Il ne posait pas de questions qui la faisaient se sentir fragile. Il ne lui demandait pas de prouver quoi que ce soit. Il avait cette manière de l’écouter, de la comprendre sans en faire trop, de la laisser respirer. C’était un changement radical pour elle, un pas vers quelque chose qu’elle avait presque oublié. L’amour. Mais l’amour, cette fois, c’était autre chose. Il n’y avait pas de jeux. Pas de manipulation. Pas de rôles à jouer.
Le premier matin, quand elle se réveilla et qu’il n’était pas là, il n’y avait pas cette angoisse qui la paralysait habituellement. Ce vide qui laissait tout s’effondrer. Pas cette absence de lui qui faisait de l’air autour d’elle quelque chose de lourd, de lourd de tout ce qu’elle devait donner, tout ce qu’elle devait accepter. Non, là, il y avait juste l’attente de quelque chose de nouveau, de plus paisible. Elle se leva lentement, s’étira, un peu plus sereine qu’elle ne l’avait été depuis des mois. Elle n’avait pas à se poser de questions.
Nathan entra dans la pièce avec son sourire. Ce sourire qui, pour la première fois depuis bien longtemps, ne lui semblait pas figé, pas calculé. C’était un sourire sincère, et elle réalisa que depuis qu’elle l’avait rencontré, il n’avait jamais cessé d’être vrai avec elle. Même dans les silences. Même dans les moments où ils n’avaient rien dit. Ils étaient là, ensemble, sans avoir à se justifier.
« Tu as bien dormi ? » demanda-t-il d’un ton léger, s’approchant d’elle avec une tasse de café à la main.
Elle hocha la tête, un sourire involontaire s’affichant sur son visage. « Oui. Et toi ? »
« Très bien, » répondit-il simplement, s’asseyant près d’elle. « C’est agréable de ne pas avoir à courir après le temps. »
Il n’y avait rien de lourd dans ses paroles, rien de forcé. Simplement une reconnaissance silencieuse du moment présent. C’était si rare, si précieux. Tout à coup, elle se rendit compte à quel point l’amour pouvait être simple, naturel, sans pression. Aucun rapport de force. Aucune attente cachée. Juste deux personnes qui se respectaient, qui étaient là, sans artifice. Elle aurait presque pu en pleurer, mais un autre sentiment la submergea alors. L’envie de se laisser aller, de se laisser être, sans avoir peur d’être jugée.
Les journées passèrent ainsi. Juste des moments partagés, comme une parenthèse dans la tempête qu’elle avait laissée derrière elle. Ils avaient mangé ensemble, marché côte à côte, ri sans raison, discuté de tout et de rien. Parfois, ils se regardaient sans un mot, et dans ce silence, Sophie trouvait une forme de paix qu’elle n’avait pas connue depuis longtemps. Il n’y avait pas de force, juste une attirance douce, une complicité qui se tissait sans effort.
Elle se sentait vivante, dans sa vérité, sans avoir à plaire à qui que ce soit. Aucune image à défendre. Aucun rôle à jouer. L’amour n’était plus un moyen de survie, un terrain de jeu. Il était juste là, dans ce qu’ils partageaient.
Mais les choses ont toujours une manière de déraper. À son retour, l’annonce d’une rumeur ne se fit pas attendre. Gabriel avait appris que Sophie voyait quelqu’un. Et il n’avait pas tardé à réagir. Il n’était pas question de la perdre aussi facilement. Et encore moins de la voir avec un autre. Gabriel n’avait jamais été un homme à accepter la défaite. Ce qu’il avait toujours eu, il le voulait. Et cette fois, Sophie, il ne l’abandonnerait pas. Il allait la récupérer. Peu importe comment. Peu importe les moyens.
Le premier message arriva un matin. D’abord, ce fut un simple texto. Puis ce fut une série de questions impérieuses, demandant pourquoi elle faisait ça, pourquoi elle tournait la page aussi vite. Il voulait des réponses. Il voulait la faire douter. Il voulait qu’elle revienne sur sa décision, comme si, tout à coup, la culpabilité qui avait été la sienne était devenue une arme pour la faire se sentir responsable.
Nathan le savait avant même que Sophie ne lui en parle. Il n’avait pas besoin de le voir dans ses yeux. Il le sentait dans son silence. L’angoisse qui était revenue, cette vague familière qu’elle avait toujours réussie à masquer. Elle hésita un instant, se mordillant la lèvre, avant de lui dire ce qui se passait.
« Il m’a envoyé un message ce matin. Il n’arrive pas à comprendre ce qui se passe. Il n’arrive pas à comprendre que je sois allée de l’avant. »
Nathan posa sa tasse, la regardant d’un air plus grave. « Tu n’as pas à lui expliquer, Sophie. Ce que vous aviez, c’était… de l’obligation. Il ne comprend rien de ce que tu ressens. Et ça, tu ne peux pas le laisser entrer dans ce que tu vis maintenant. »
Elle se leva, agitant la tête comme pour chasser l’ombre du passé. Il avait raison. Elle n’avait plus à répondre à ses exigences, à ses attentes. Gabriel n’avait plus de place dans sa vie. Il avait été un homme de pouvoir, un homme de contrôle, et elle n’était plus la femme qui se laisserait écraser sous son joug. Non, elle était devenue une autre, plus forte, plus sûre d’elle, grâce à lui, à Nathan.
Et elle savait que, quoi qu’il arrive, elle ne reviendrait pas en arrière. Elle n’était plus prête à sacrifier son bonheur pour l’illusion d’un amour qu’elle avait cru sincère mais qui n’était que vanité.
Gabriel pouvait bien se tordre de rage. Il pouvait hurler à l’injustice. Sophie n’avait plus peur. Elle vivait enfin. Elle respirait. Et tout ça, c’était grâce à lui. Grâce à Nathan, l’homme qui ne la faisait pas se perdre.
