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Chapitre 5

Chapitre 5

Le ciel était couvert, lourd comme un couvercle qu’on aurait posé sur le monde. Camille regardait par la fenêtre, une tasse froide entre les mains, le cœur saturé d’incompréhension. Depuis deux jours, Ethan ne lui parlait plus. Il l’évitait, rentrait tard, dormait dans la chambre d’ami. Et Sasha… toujours présente. Trop présente.

Une tension rampante régnait dans la maison. Camille sentait que quelque chose clochait, mais elle n’aurait jamais imaginé que ce matin-là, tout allait basculer. Pas comme ça.

Un claquement sec de portière la fit sursauter. Elle jeta un œil par la fenêtre. Une voiture noire, banalisée. Deux hommes en uniforme. Elle fronça les sourcils, confuse, et posa sa tasse sur le rebord du plan de travail. Quand la sonnette retentit, son estomac se noua sans raison apparente.

Elle ouvrit.

— Camille Morel ?

— Oui, c’est moi.

— Police judiciaire. Vous êtes en état d’arrestation pour harcèlement aggravé et mise en danger de la vie d’autrui.

Camille eut un mouvement de recul, la bouche entrouverte, incapable de comprendre.

— Quoi ? Non, attendez, c’est une erreur, je…

Elle n’eut pas le temps d’ajouter un mot que l’un des officiers lui attrapa le bras, la tournant pour lui passer les menottes.

— Vous avez le droit de garder le silence. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous.

— Ethan ! Ethan ! s’écria-t-elle en se débattant.

Elle cria son nom comme une supplique, espérant qu’il surgirait, qu’il les arrêterait. Mais il ne vint pas.

La porte d’entrée était ouverte. Les voisins, alertés par le bruit, les regards curieux collés aux rideaux, observaient la scène comme un spectacle gratuit.

— Mais c’est Camille ! murmura une vieille dame au balcon d’en face.

— Qu’est-ce qu’elle a fait ?

— Ils disent harcèlement. Peut-être qu’elle battait son mari…

Camille se débattait toujours, plus de honte que de peur au ventre. Sa dignité explosait en miettes. Elle n’avait jamais été menottée. Jamais humiliée comme ça. Et tout ça… pour quoi ?

Quand elle monta dans la voiture de police, les yeux pleins de larmes, elle aperçut enfin Ethan, debout à l’angle du mur du garage. Il la regardait. Immobile. Le visage fermé. Pas un mot. Pas un geste. Juste ce silence, cruel et tranchant.

— Ethan ! hurla-t-elle à travers la vitre. Je t’en supplie, dis quelque chose ! Je ne t’ai rien fait !

Il détourna les yeux.

Elle sentit tout s’effondrer. L’amour. La confiance. Leur histoire. Il ne croyait plus en elle. Et ça, c’était pire que les menottes. Pire que l’arrestation.

Au commissariat, elle fut traitée comme une criminelle. Contrôle d’identité, fouille, prise d’empreintes. Une policière la guida vers une salle d’interrogatoire. Une pièce blanche, sans âme, sans issue. Le genre de lieu où les heures s’étirent comme des tortures silencieuses.

— Vous avez le droit à un avocat, déclara la policière. En avez-vous un à contacter ?

Camille secoua la tête, toujours sonnée.

— Je ne comprends pas… Sasha a dit que je l’ai harcelée ?

— Ce sera détaillé avec les inspecteurs. Attendez ici, quelqu’un va venir.

Camille resta seule. Vingt minutes. Peut-être quarante. Elle avait perdu la notion du temps. Puis un homme entra, costume gris, lunettes carrées, dossier à la main.

— Bonjour, je suis le lieutenant Masson. Je vais vous poser quelques questions. Vous pouvez choisir de ne pas y répondre, mais sachez que nous avons des preuves.

— Des preuves de quoi ? s’étrangla-t-elle.

Il ouvrit le dossier.

— Des messages, des appels répétés, des menaces verbales, un enregistrement audio… ainsi qu’un certificat médical attestant d’une fausse couche causée par une chute que la victime attribue à une agression de votre part.

— C’est faux. C’est une mise en scène ! Sasha… elle ment !

— Vous niez avoir envoyé ces messages ?

— Je n’ai rien envoyé. Jamais. Je veux voir ces soi-disant messages.

Il la fixa un instant, puis glissa une feuille sur la table. Des impressions de SMS. Des insultes. Des menaces.

— C’est pas moi. C’est pas mon numéro.

— Le numéro est lié à une carte SIM achetée avec votre pièce d’identité, madame Morel.

Elle resta pétrifiée. Elle n’avait jamais rien acheté de tel. Mais tout s’imbriquait de manière trop précise, trop bien orchestrée. Sasha avait pensé à tout.

— Elle me piège. Elle veut me faire tomber. Je vous jure…

— Elle affirme que vous êtes jalouse, que vous avez mal supporté sa proximité avec votre mari, et que vous avez tenté de lui nuire physiquement.

— C’est elle qui veut Ethan. Depuis toujours. Elle a réussi à le retourner contre moi.

Masson soupira, referma le dossier.

— Ce que vous affirmez est grave, madame Morel. Si vous mentez, vous risquez des poursuites supplémentaires.

Camille frappa du poing sur la table.

— JE NE MENS PAS ! Elle… elle s’est jetée dans les escaliers pour faire croire à une agression. Elle me manipule ! Elle ment !

Son cri résonna dans le silence blanc. Le policier ne broncha pas.

— Nous allons poursuivre l’enquête. Mais en attendant, vous resterez en garde à vue. Vous serez transférée sous peu.

Elle éclata en sanglots, le visage entre les mains.

Les heures suivantes furent floues. Elle signa des papiers sans les lire. On la photographia. On lui retira ses bijoux. Et puis elle fut emmenée dans une cellule grise, minuscule, où une autre femme ronflait déjà dans un coin.

Camille s’effondra contre le mur. Le froid du béton l’engloutit.

Elle resta là, recroquevillée, incapable de dormir, incapable de croire. Elle revoyait le regard d’Ethan. Vide. Neutre. Déjà ailleurs. Elle se demandait s’il avait serré Sasha dans ses bras après l’avoir vue partir en voiture de police. S’il l’avait consolée. S’il l’avait crue.

Un filet de rage remonta en elle.

Sasha voulait la détruire ? Très bien. Mais elle n’allait pas se laisser faire. Pas sans se battre. Pas sans dévoiler la vérité. Même si elle devait tomber plus bas encore, même si le monde entier pensait qu’elle était coupable.

La vérité avait un prix. Et Camille était prête à le payer. Jusqu’au dernier souffle.

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