L’Entrelacs des Souvenirs

Le lendemain matin, la maison s’éveilla doucement, baignée par une lumière dorée filtrant à travers les rideaux. Clara, qui avait passé une nuit agitée à se retourner dans son lit, se leva avant tout le monde. Elle avait besoin d’un moment pour elle-même, pour organiser ses pensées. Loin des regards inquisiteurs d’Emma, de la tendresse de Pierre, et surtout, de l’intensité silencieuse de Lucas.

Clara décida de partir pour une promenade matinale. La ville natale, avec ses rues pavées et ses maisons aux volets colorés, semblait presque inchangée malgré les années. Cependant, chaque coin qu’elle tournait faisait resurgir des souvenirs qu’elle avait tenté d’oublier. La boulangerie du coin, où elle et Emma achetaient des croissants chauds après l’école. La vieille librairie, désormais fermée, où Clara avait passé des heures à feuilleter des romans d’aventure. Et, bien sûr, ce café au bord de la rivière, où elle s’était assise avec Lucas lors d’un après-midi paisible qui semblait appartenir à une autre vie.

Assise sur un banc face à la rivière, Clara sentit le calme de l’eau l’apaiser. Mais une voix bien trop familière interrompit ce moment de répit.

— « Tu commences à m’éviter dès le matin, Clara ? »

Elle se retourna pour voir Lucas, les mains dans les poches, un sourire à peine perceptible sur les lèvres. Comment faisait-il toujours pour apparaître au moment où elle cherchait précisément à l’éviter ?

— « Ce n’est pas toi que j’évite, Lucas, » répondit-elle, sa voix plus tranchante qu’elle ne l’avait prévu. « Parfois, j’ai juste besoin d’être seule. »

Il s’assit à côté d’elle sans demander permission. — « Je comprends. Mais tu ne peux pas te cacher pour toujours. »

Clara soupira, détournant le regard. — « Ce n’est pas ce que je fais. »

— « Vraiment ? » demanda-t-il, son regard fixant le sien avec insistance.

Le silence s’installa entre eux, ponctué seulement par le bruissement de l’eau. Clara sentit son cœur battre plus vite, mais elle refusa de le montrer. Elle voulait garder le contrôle, ne pas céder à cette vague d’émotions qui menaçait de la submerger.

Pendant ce temps, de retour à la maison, Emma et Pierre préparaient une réunion informelle pour réunir quelques amis proches avant le grand jour. Pierre, toujours organisé, supervisait les préparatifs avec une efficacité tranquille, tandis qu’Emma s’occupait de la décoration avec son enthousiasme habituel.

— « Tu sais, Pierre, je crois que Clara est un peu perdue, » confia Emma en ajustant un bouquet de fleurs. « Ça me fait mal de la voir comme ça. Elle était toujours celle qui semblait savoir où elle allait, mais maintenant… »

Pierre posa une main réconfortante sur son épaule. — « Peut-être que ce retour ici est plus difficile pour elle que ce qu’elle laisse paraître. Mais elle est forte. Avec un peu de soutien, elle trouvera son chemin. »

Emma hocha la tête, son regard se perdant un instant dans la distance. Elle se promit de parler à Clara plus tard, de lui rappeler qu’elle n’était pas seule.

Plus tard dans la journée, la maison s’anima avec l’arrivée des invités. Les rires et les voix remplissaient les pièces, créant une atmosphère chaleureuse. Clara, bien que légèrement réticente au départ, finit par se mêler à la foule, entraînée par l’énergie contagieuse d’Emma.

Alors qu’elle discutait avec un groupe d’invités, elle sentit la présence de Lucas non loin. Il n’essayait pas de l’approcher, mais son regard semblait la chercher dans chaque mouvement qu’elle faisait. Cela la troubla plus qu’elle ne voulait l’admettre.

Emma, toujours attentive, remarqua cette dynamique. Elle attrapa Clara par le bras et l’entraîna dans un coin tranquille.

— « Clara, c’est quoi cette tension entre toi et Lucas ? Vous agissez comme des étrangers, mais il y a quelque chose, non ? »

Clara sentit la chaleur monter à ses joues. — « Ce n’est rien, Emma. C’est juste… compliqué. »

Emma plissa les yeux, comme si elle essayait de lire entre les lignes. — « Clara, tu sais que tu peux tout me dire. Si Lucas a fait quoi que ce soit… »

— « Non, » répondit Clara rapidement. « Ce n’est pas ça. C’est juste qu’il y a beaucoup de passé entre nous. Et c’est… difficile. »

Emma semblait sur le point de poser d’autres questions, mais Pierre les interrompit pour signaler que le dîner était prêt. Clara saisit cette distraction comme une bouée de sauvetage.

Au dîner, Clara se retrouva une fois de plus assise en face de Lucas, comme si l’univers conspirait contre elle. Les conversations autour de la table étaient légères et pleines d’humour, mais Clara avait du mal à se détendre. Chaque fois qu’elle levait les yeux, elle rencontrait le regard de Lucas, et cela lui coupait le souffle.

Emma, fidèle à son rôle d’hôte, fit de son mieux pour inclure tout le monde dans les discussions. Elle et Pierre racontèrent des anecdotes sur leur rencontre, déclenchant des rires et des sourires parmi les invités.

— « Et toi, Clara, » demanda soudain Emma, un sourire malicieux sur le visage. « Raconte-nous quelque chose de drôle de notre jeunesse. »

Clara sursauta légèrement, prise au dépourvu. Elle fouilla dans sa mémoire et finit par raconter une histoire embarrassante mais drôle sur une excursion ratée qu’elles avaient faite en vélo. L’histoire fit rire tout le monde, même Lucas, et pour un instant, Clara se sentit un peu plus légère.

Mais alors que la soirée avançait, elle ne put s’empêcher de remarquer que Lucas semblait plus silencieux, comme s’il réfléchissait profondément. Quand elle croisa son regard à nouveau, il lui adressa un faible sourire, mais ses yeux trahissaient une certaine mélancolie.

La soirée toucha à sa fin, et les invités commencèrent à partir. Clara, épuisée émotionnellement, s’éclipsa dans le jardin pour prendre un peu d’air. Les étoiles brillaient dans le ciel, et l’air frais de la nuit apaisait son esprit tourmenté.

Elle entendit des pas derrière elle et, sans se retourner, elle sut que c’était Lucas.

— « Encore en train de fuir ? » demanda-t-il doucement.

Clara ferma les yeux un instant avant de se retourner. — « Pas cette fois. »

Lucas sembla surpris par sa réponse, mais il resta silencieux, attendant qu’elle parle.