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Chapitre 1

La tête basse au même niveau que les épaules, le loup court à un rythme soutenu. Trompeur, le run apparaît presque paresseux et pourtant la bête couvre rapidement le terrain.

Sa démarche facile ne changeant jamais, il traverse le flanc de la colline. Son itinéraire s'incline depuis les creux humides où un tapis de sphaigne ajoute du ressort à chaque foulée, jusqu'au sol sec où la bruyère lingue grossière gratte et tire, chaque pas un piège potentiel dans la végétation enchevêtrée.

Il arrive à un affleurement escarpé et s'arrête pour renifler, les lèvres se retirant des dents acérées, la queue se tordant. Le seul parfum ici est le sien, et il se détend.

Il arme une jambe arrière et pulvérise, puis passe à autre chose.

Le cri lugubre et pétillant d'un courlis rompt le calme crépusculaire. Les oreilles se contractent, se tournent vers le son, et il voit l'éclair de brun tacheté des ailes du cimeterre, le grand échassier volant à travers le vallon.

La démarche du loup blond argenté ne change pas. Il pouvait courir comme ça pendant des kilomètres, des heures. Il pourrait courir toute la nuit, et parfois c'est tout ce qu'il veut faire. Il ne peut pas articuler ça, bien sûr, pas quand il est comme ça, nan lub . Du loup. Maintenant, nan lub , il sent, ressent : la puissance, l'endurance, l'unité avec sa propre physicalité et celle du monde qui l'entoure.

Il est fort.

Il court.

Brusquement, un cliquetis et un vrombissement d'ailes comme une volée de tétras surgissent de la bruyère. D'un seul mouvement, le loup se tord, changeant de direction de sorte qu'il dégringole maintenant le flanc de la colline dans un tourbillon de pattes et de queue, son rythme a doublé.

Les gros gibiers à plumes lui échappent facilement et il les perd de vue au-dessus d'une crête, mais ce n'est pas grave. L'instinct de poursuite déclenché par le vol des oiseaux a fait battre son cœur, ses sens s'exacerbent, le monde tout d'un coup beaucoup plus clairement défini.

Il ralentit encore une fois à ce rythme régulier, la langue pendante comme s'il pouvait encore goûter les oiseaux dans les airs.

Il est dans son élément et il est libre et c'est bien.

Le bâtiment est niché dans un repli des collines, entouré de tous côtés par des jardins enrégimentés et bien rangés, puis une frange de pins sombres. Le bâtiment est haut, ses toits désordonnés, ses tours s'élevant vers le ciel. Les lumières brillent de l'intérieur.

Des bruits humains dérivent dans l'air du soir. Un bavardage de mots brouillés, un aboiement de rire, un bourdonnement mécanique. La douceur chimique de l'odeur humaine fait battre son cœur à nouveau et il retire ses lèvres de ses dents une fois de plus dans cette grimace d'incertitude, de prudence.

Les automobiles sont arrêtées devant le bâtiment et les gens circulent.

C'est tout ce qu'il peut faire pour rester ici et ne pas fuir.

Il y a quelque chose de différent ce soir. Quelque chose de nouveau. Quelqu'un de nouveau.

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