chapitre 6
Chapitre 6 :
Diane commença sa formation avec une motivation brûlante, comme si chaque page de livre médical, chaque mot de Madame Moreau, construisait un mur entre elle et son passé. Chaque matin, elle se présentait au cabinet avec un visage frais et un esprit ouvert, prenant soin de n’apporter aucune ombre dans ses paroles ou ses gestes. Elle avait décidé de protéger cette nouvelle vie en verrouillant bien loin la douleur de l’ancienne.
À la clinique, on lui enseignait les bases de l’anatomie, les symptômes courants, et l’approche des patients. L’odeur des désinfectants, des herbes médicinales et des feuilles de papier accumulées dans les registres se mêlait pour former une atmosphère unique et rassurante. Diane se surprenait à aimer cet endroit chaque jour un peu plus, comme une ancre solide dans une mer incertaine.
« Il y a beaucoup de choses que l’on apprend ici, Diane, » disait Madame Moreau en lui montrant un échantillon de sang au microscope. « Les livres sont importants, bien sûr, mais l’essentiel de ce travail, tu le découvriras à travers l’expérience et en observant. »
Diane hocha la tête, impressionnée par la simplicité avec laquelle sa mentor transformait chaque explication en un enseignement précieux. « Je comprends, » murmura-t-elle, les yeux brillants d’intérêt. « Je ne veux pas seulement apprendre, je veux ressentir ce que les autres ressentent pour pouvoir vraiment les aider. »
« Et c’est bien pour cela que tu feras une excellente médecin, » répondit Madame Moreau en lui lançant un sourire encourageant.
Chaque soir, Diane rentrait à son petit appartement, les mains chargées de notes et de livres. Elle passait des heures à étudier, prenant soin de ne rien laisser au hasard. Elle voulait être prête pour chaque question, chaque situation que sa mentor pourrait lui poser. Elle avait trouvé une passion qui l’absorbait totalement, une raison de se lever chaque matin avec l’ardeur de celui qui sait où il va.
Dans cette nouvelle vie, Diane se lia aussi d’amitié avec certaines infirmières et aides-soignantes du cabinet. Il y avait Claire, par exemple, une femme énergique avec des cheveux roux bouclés et un sourire contagieux. Claire semblait apprécier Diane dès le début et n’hésitait jamais à l’inviter pour des cafés ou à lui proposer des pauses déjeuner ensemble.
« Tu es un vrai mystère, toi, » dit un jour Claire en sirotant son café, les yeux plissés d’amusement. « Tu débarques ici du jour au lendemain, personne ne sait d’où tu viens, et pourtant tu sembles si déterminée à t’intégrer. »
Diane sourit, un peu nerveuse mais résolue à ne rien dévoiler. « Disons simplement que j’avais besoin de changer d’air, » répondit-elle en choisissant ses mots avec soin. « Cette ville est… accueillante. Je me sens bien ici. »
Claire hocha la tête, manifestement curieuse mais respectueuse. « Eh bien, sache que tu es la bienvenue. Et si jamais tu as besoin de parler… je suis là. »
Diane hocha la tête en guise de remerciement, touchée par la bienveillance de sa nouvelle amie. Mais elle ne pouvait pas se permettre de se laisser aller. Elle portait en elle trop de secrets, des blessures trop profondes. Alors, elle garda son passé pour elle, le dissimulant derrière des sourires, des rires et une dévotion totale pour son apprentissage.
Un après-midi, alors qu’elle travaillait avec Madame Moreau, cette dernière l’observa attentivement avant de poser une question qui la prit au dépourvu. « Diane, puis-je te poser une question personnelle ? »
La jeune femme hésita un instant, mais finit par acquiescer. Elle savait que cette question finirait par arriver un jour. Elle respira profondément, espérant que ce moment ne la trahirait pas.
« Tu es jeune, talentueuse et passionnée… pourquoi as-tu choisi de venir ici plutôt que de rester auprès de ta famille ? Ils doivent être fiers de toi, non ? »
Diane sentit son estomac se nouer. Elle inspira profondément pour dissimuler sa nervosité et chercha les mots justes. « Ma famille n’est plus vraiment dans ma vie. J’ai… j’ai dû me débrouiller seule assez tôt. Ce choix de venir ici, c’était pour moi une façon de me donner une seconde chance. »
Madame Moreau hocha la tête sans insister davantage, respectant le voile de mystère que Diane avait soigneusement jeté sur son passé. « Eh bien, sache que tu as une place ici. Et si jamais tu veux en parler, je suis là pour t’écouter. »
Le regard doux de sa mentor la rassura, et Diane sentit une vague de gratitude envers cette femme qui l’acceptait telle qu’elle était, sans poser de questions dérangeantes.
La formation continuait à un rythme soutenu. Diane apprenait à ausculter les patients, à repérer des symptômes subtils, et même à préparer des remèdes à base de plantes. Elle redécouvrait ainsi le savoir hérité de son ancienne vie, mais cette fois, avec une approche plus scientifique. Chaque nouvelle compétence était comme un trésor qu’elle ajoutait à sa collection de connaissances, se forgeant un chemin vers son but.
Un jour, alors qu’elle revenait d’une visite chez un patient avec Madame Moreau, elles croisèrent un groupe d’enfants jouant dans la rue. Diane les regarda, touchée par leur innocence et leur joie de vivre. Ses pensées dérivèrent vers l’enfant qu’elle portait en elle, un secret qu’elle n’avait confié à personne, pas même à Madame Moreau.
Madame Moreau sembla remarquer son regard pensif. « Les enfants ont une façon de nous rappeler ce qui est vraiment important, n’est-ce pas ? » dit-elle avec douceur.
Diane sourit, tentant de masquer l’émotion qui montait en elle. « Oui… Ils sont comme des promesses d’avenir, des pages blanches remplies de possibilités. »
Madame Moreau l’observa avec une tendresse mêlée de curiosité. « Un jour, tu comprendras encore mieux ce que je veux dire, » murmura-t-elle comme si elle savait quelque chose que Diane elle-même n’était pas encore prête à admettre.
Diane se retrouva de plus en plus absorbée dans sa formation, se créant une routine stable qui la rassurait. Chaque jour, elle se levait avec un sentiment de renouveau, comme si cette nouvelle vie effaçait doucement les traces de l’ancienne. Elle était heureuse de pouvoir consacrer toute son énergie à quelque chose de constructif, de pouvoir se bâtir une réputation et une existence en accord avec ses valeurs.
Peu à peu, elle se lia d’amitié avec d’autres apprentis, partageant des moments de détente et des conversations légères. Cependant, même avec ses nouvelles relations, elle prenait soin de ne rien révéler de personnel. Ses nouvelles amitiés étaient pour elle comme des baumes, des liens simples et honnêtes, mais elle restait déterminée à préserver son mystère. Elle savait que se dévoiler rendrait sa situation encore plus complexe, et elle refusait de risquer la stabilité qu’elle avait enfin trouvée.
Avec le temps, elle devenait de plus en plus compétente, attirant même l’attention de certains patients qui revenaient exprès pour la voir. Son écoute attentive et son empathie faisaient d’elle une soignante précieuse. Madame Moreau observait ses progrès avec une fierté non dissimulée, souvent surprise de la rapidité avec laquelle Diane maîtrisait les techniques.
« Diane, tu as un don. Tu sais écouter, tu sais observer, et tu apprends vite. Si tu continues ainsi, tu deviendras une médecin remarquable, » lui dit un jour Madame Moreau.
Diane sentit son cœur se gonfler de fierté. Ces mots, venant de sa mentor, représentaient pour elle plus qu’une simple reconnaissance. Ils symbolisaient un pas de plus vers l’accomplissement de son rêve.
La formation continua, et Diane gagna en assurance. Chaque jour, elle se sentait plus forte, plus capable. Elle se réveillait avec l’envie de découvrir quelque chose de nouveau, de se rapprocher de ce futur qu’elle imaginait pour elle et son enfant.
Elle comprit alors qu’elle avait réussi à créer un monde pour elle-même, un lieu sûr où elle pouvait espérer un avenir lumineux. Peu importait ce qu’elle avait laissé derrière elle, elle avait désormais la certitude que tout ce qu’elle construisait ici valait la peine.
