Chapitre 5
Nigel ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun son n’en sortit.
Sa mère continua :
« Tu crois que je ne comprends pas ton rejet, tes craintes ? Je ne suis pas aveugle, Nigel. Je sais que quelque chose te hante, quelque chose lié aux omégas. Mais ce n’est pas une raison pour ignorer ce que tu es. »
Elle marqua une pause, puis ajouta avec une fermeté implacable :
« Ryse sera ta femme. Je ne veux plus en entendre parler. »
Le silence qui s’installa fut écrasant.
Nigel dévisagea sa mère, une lueur de colère et d’incompréhension dans les yeux.
Il aurait voulu crier, argumenter, tout envoyer valser… mais face à l’assurance tranquille de Léonie, il se sentit impuissant.
Léonie se leva à son tour, lissant les plis de sa robe avec une élégance mesurée.
« Tu as toujours été un homme fier, Nigel. Mais réfléchis bien à ce que je t’ai dit. Car cette fois, il n’y aura pas d’alternative. »
Et sur ces mots, elle tourna les talons et s’éloigna lentement, le laissant seul avec ses pensées tourmentées.
Nigel se leva brusquement, le regard brûlant de colère, et se tourna vers sa mère sans la moindre hésitation.
« Je n’épouserai jamais Ryse. » Sa voix était ferme, tranchante, comme si chaque mot était une promesse de rébellion. « Peu importe ce que tu dis. Je ne le ferai pas. »
Léonie le fixa un instant, son visage impassible malgré la tempête dans ses yeux.
Elle savait que son fils était têtu, que les principes qui le guidaient étaient parfois difficiles à ébranler, mais elle n’avait jamais imaginé qu’il irait jusqu’à la révolte ouverte.
Mais il en était ainsi. Il avait sa propre vision des choses, et il s’y accrochait.
« Très bien, » répondit-elle, sa voix calme mais pleine de détermination. « Mais souviens-toi, Nigel, que tu ne peux pas échapper à ta destinée. »
Il ne répondit rien, mais d’un geste brusque, il tourna les talons et se dirigea vers la porte du jardin.
Léonie le regarda partir, mais n’émit aucun son. Elle savait qu’il avait besoin de respirer, de prendre du recul, de réfléchir à ce qu’il venait d’entendre.
Mais alors qu’il s’éloignait, une vague d’inquiétude la submergea.
Elle savait que la situation avec Ryse ne se réglerait pas aussi facilement.
Au même moment, dans la cuisine, Ryse se tenait près de la table, son esprit en proie à un tourbillon de pensées. Son cœur battait fort, chaque battement résonnant dans sa poitrine comme un écho douloureux. Elle avait entendu la conversation entre Nigel et sa mère, et bien qu’elle sache que ce mariage n’était pas ce qu’elle voulait, cela ne faisait pas moins mal.
Elle n’avait jamais imaginé que tout se passerait ainsi, qu’elle serait obligée de vivre dans l’ombre d’une situation qu’elle n’avait pas choisie.
Soudain, elle sentit une main se poser sur son épaule, la tirant de ses pensées.
Éloïse.
La jeune femme la fixait avec un regard sévère, les bras croisés sur sa poitrine.
« Tu ne vas pas me dire que tu pleures encore, n’est-ce pas ? » La voix d’Éloïse était acerbe, presque accusatrice.
Ryse se tourna lentement, les larmes aux yeux.
« Éloïse, je… » Elle ne savait pas comment répondre. Tout semblait si confus dans sa tête.
« Ne joue pas à la victime, Ryse, » la coupa Éloïse d’un ton glacial. « C’est ce que tu voulais, non ? Après tout, c’est toi qui as manipulé la situation pour que Nigel te remarque. Alors pourquoi pleurer maintenant ? Pourquoi faire comme si tout cela t’échappait ? »
Les mots d’Éloïse frappèrent Ryse comme une gifle, douloureux et cruels.
Elle sentit ses épaules se tendre sous la pression des reproches, mais elle n’osa pas répondre. Que pouvait-elle dire ? Qu’elle n’avait jamais voulu ça ? Qu’elle n’avait jamais cherché à être au centre de l’attention de Nigel, même si les choses avaient évolué ainsi ?
Mais Éloïse ne lui laissait pas le temps de réfléchir. Elle poursuivit, son ton se faisant de plus en plus méprisant.
« Tu savais très bien que tout ça finirait ainsi. Tu savais qu’un alpha comme Nigel n’allait jamais accepter une oméga dans sa vie, surtout après tout ce qui s’est passé. Alors pourquoi t’entêter à faire la pauvre victime ? »
Ryse baissa les yeux, ne supportant plus le regard d’Éloïse. Les mots de la bêta étaient comme des poignards dans son cœur, et elle sentait la colère monter en elle, mais elle n’osait pas répondre.
Éloïse, satisfaite de l’avoir réduite au silence, s’éloigna finalement.
« C’est pathétique, Ryse. Tu ferais bien de te réveiller. »
La porte de la cuisine se referma doucement derrière elle, laissant Ryse seule avec ses pensées tourmentées.
Elle se laissa glisser lentement contre le mur, se repliant sur elle-même. Pourquoi tout était-il si compliqué ? Pourquoi devait-elle toujours se retrouver prise entre deux feux ?
Nigel, Éloïse, sa propre place dans cette maison, tout semblait se mélanger dans un tourbillon de confusion.
Elle n’avait pas de réponses, seulement un vide immense qui se creusait à l’intérieur d’elle-même.
Les bruits de pas dans le couloir résonnèrent à travers la cuisine, et Éloïse se redressa soudainement, ses yeux fixés sur la porte qui menait au salon. Elle reconnut immédiatement le pas ferme et déterminé de Léonie.
Sans perdre un instant, Éloïse s’éloigna de Ryse, son regard se posant sur la jeune oméga, toujours tremblante et secouée par les paroles acérées qu’elle venait d’entendre. Mais il n’était pas question de s’attarder. Elle ne voulait pas être prise en flagrant délit de confrontation.
D’un pas précipité, elle traversa la cuisine et s’éclipsa par la porte arrière, disparaissant dans les couloirs du manoir.
Ryse, encore sous le choc de l’attaque verbale d’Éloïse, se retrouva seule. Elle se laissa lentement glisser sur le sol froid, les larmes perlant à ses yeux.
De l’autre côté de la maison, dans leur chambre, Nigel était en train de jeter quelques affaires dans une valise. Il semblait agité, ses gestes brusques et précipités. Un mélange de colère et de frustration marquait ses traits alors qu’il jetait des vêtements et des objets personnels sans vraiment se soucier de les plier.
La porte s’ouvrit avec un bruit sourd, et Éloïse entra dans la pièce, visiblement inquiète.
« Nigel… qu’est-ce que tu fais ? » demanda-t-elle, sa voix tremblante.
Nous partons, Éloïse. »
Les mots qu’il prononça étaient simples, mais pleins de signification. Il ne lui laissa pas le temps de répondre immédiatement. Il posa ses mains sur la valise ouverte, fermant doucement le zip.
« Je ne peux plus supporter cette vie ici. Je… » Il se tourna vers elle, son regard se durcissant sous l’effet de la tension accumulée. « On part. Et je veux que tu viennes avec moi. »
Il se rapprocha d’elle d’un pas, son regard ancré dans le sien.
Éloïse sentit son cœur battre plus fort. Elle savait ce que cela signifiait. Il s’agissait d’une rupture totale avec la vie qu’ils avaient menée jusqu’ici. Et elle savait, au fond d’elle, qu’elle était prête à tout pour être à ses côtés, même si cela signifiait renoncer à tout ce qu’elle avait connu.
Sans un mot, elle s’approcha de lui, prenant sa main. Il ne pouvait pas y avoir de retour en arrière maintenant. Ils s’éloignaient de ce monde, de ces règles, et ils allaient tout recommencer ailleurs. Ensemble.
Elle lui sourit doucement, et d’un ton calme, presque apaisé, elle répondit :
« Je viens avec toi, Nigel. »
Il la fixa longuement, comme s’il cherchait à comprendre si elle était vraiment prête à faire ce sacrifice. Mais il n’y avait aucun doute dans ses yeux. Elle le suivrait partout. Elle l’aimait, et c’était tout ce qui comptait.
Sans dire un mot de plus, il attrapa sa valise et se dirigea vers la porte. Éloïse, un dernier regard jeté à la chambre qu’ils laissaient derrière eux, emboîta le pas. Ils n’avaient plus rien à faire ici.
Ils étaient prêts à affronter leur avenir, ensemble, main dans la main, déterminés à tourner la page de cette vie qu’ils avaient toujours connue.
Dans le hall de la maison, ils croisèrent Ryse, qui les observa sans un mot, un mélange de confusion et de tristesse sur son visage. Elle comprenait que quelque chose venait de se briser, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander si elle ne l’avait pas un peu précipitée, cette rupture.
Ryse se retrouva seule dans sa chambre, son esprit tourbillonnant, submergé par les images qui se bousculaient dans son esprit. Elle venait tout juste de croiser Nigel et Éloïse, en train de quitter la maison, et la scène se répétait inlassablement dans sa tête. Ils étaient partis, ensemble, sans un mot, sans un regard pour elle. Elle se laissa tomber sur le lit, un frisson glacé traversant son corps.
Elle ferma les yeux et, lentement, les souvenirs de son enfance commencèrent à refaire surface, aussi clairs et vivants que si c’était hier. Un autre temps, un autre lieu, un autre elle.
Flashback - Quand Ryse était enfant
Il faisait chaud ce jour-là, l’air chargé de la douceur de l’été, et Ryse se tenait dans le jardin, un sourire éclatant sur ses lèvres. Elle n’était qu’une petite fille alors, pas plus de huit ans, mais déjà elle savait qu’elle faisait partie de quelque chose de plus grand. Elle avait grandi ici, au sein de la grande maison de la famille Harris, et Nigel, son “grand frère”, était son ami le plus proche. Ensemble, ils jouaient, couraient dans les champs, riant et partageant des secrets que personne d’autre ne comprenait.
Mais ce jour-là, tout était différent. Elle se souvenait de l’odeur du sable chaud et des bruits de la nature autour d’elle. Elle s’était perdue dans ses pensées, observant Nigel qui était à quelques mètres de là, assis sous un arbre. Il la regardait souvent comme s’il voulait lui dire quelque chose, mais les mots ne venaient jamais.
Un bruit de pas la tira de ses souvenirs. C’était la voix de Léonie, la mère de Nigel, qui appelait. Elle la rejoignit, en sautillant, toute joyeuse, pensant qu’ils allaient jouer à un nouveau jeu. Mais Léonie la regarda d’un air grave, une expression de préoccupations inscrite sur son visage.
« Ryse, il faut que tu comprennes quelque chose, » dit-elle doucement, comme si elle pesait chaque mot avant de le prononcer.
Ryse la regarda, inquiète, cherchant à comprendre. « Quoi, madame Harris ? »
Léonie posa une main douce sur ses cheveux. « Nigel… Nigel est spécial. Il doit suivre certaines règles. Et toi, tu dois comprendre qu’il ne pourra pas toujours être là pour toi. »
Ryse se sentit perdue. Elle était jeune, bien trop jeune pour comprendre ce que Léonie voulait dire, mais quelque chose dans ses paroles fit écho dans son cœur. Elle ne comprenait pas, mais elle savait, au fond, qu’il y avait des choses que les adultes ne disaient jamais tout de suite.
Retour dans la chambre de Ryse
Le flashback s’estompa doucement, et Ryse se retrouva à nouveau dans sa chambre, seule avec ses pensées. Elle revint au présent, à la douleur lancinante de voir Nigel partir, main dans la main avec Éloïse. L’ombre de son enfance flottait encore en elle. Les souvenirs la hantaient, mais elle ne savait plus ce qu’ils signifiaient. Pourquoi était-elle encore la seule à être restée ici, prisonnière de ces murs ?
Elle repensa à tous ces moments passés avec lui, à cette complicité qu’ils avaient partagée, à ce qu’il avait représenté pour elle. Elle avait toujours cru qu’il serait là pour la protéger, qu’il serait le grand frère qui l’accepterait et l’aimerait, peu importe les circonstances. Mais maintenant, elle comprenait qu’il était parti, emportant avec lui des rêves d’enfance qu’elle n’avait jamais pu quitter.
Elle s’allongea sur son lit, fermant les yeux. Tout était si compliqué. Pourquoi, maintenant, alors que la vie les séparait enfin, elle se rendait compte qu’elle n’avait jamais su quoi faire de tout cet amour silencieux qu’elle lui portait ?
Le vent soufflait doucement à l’extérieur, et Ryse se tourna sur le côté, essayant de chasser les pensées qui l’envahissaient. Mais plus elle y pensait, plus une autre vérité se faisait jour dans son esprit : Nigel ne la regarderait jamais comme elle l’avait espéré. Les choses avaient changé, et elle ne pouvait plus revenir en arrière.
Elle se leva finalement, se dirigeant vers la fenêtre. Dehors, la nuit commençait à tomber, enveloppant la maison d’un voile de mystère. Elle s’y appuya, le regard perdu dans la lueur faible des étoiles. L’avenir lui semblait si incertain, et pourtant, elle savait qu’elle ne pouvait pas rester là à attendre que les choses se résolvent d’elles-mêmes.
Elle devait avancer. Mais comment, et avec qui ?
C’était une question qu’elle ne pouvait pas encore répondre.
Ryse était restée là, debout près de la fenêtre, les pensées tourbillonnant dans sa tête comme une tempête qu’elle ne pouvait contrôler. Le vent soufflait doucement à l’extérieur, mais dans son cœur, c’était une autre sorte de tempête qui faisait rage. Comment Nigel avait-il pu partir ainsi, sans un regard, sans un mot, alors qu’ils avaient partagé tant de souvenirs ensemble ? Il l’avait laissée là, dans cette grande maison vide, en compagnie de personnes qu’elle ne comprenait plus.
