chapitre 6
Chapitre 6
Elle n’avait pas vu cela venir. La première fois qu’elle entendit son nom, elle pensa que c’était une erreur, un hasard, une coïncidence. Mais non. Elias n’était pas une coïncidence. Il n’avait jamais été une simple erreur.
Il n’était plus l’assistant discret, l’ombre dans les couloirs de son empire. Non, maintenant, c’était un homme qui avait pris place sur l’avant-scène. Un homme dont les yeux brillaient d’ambition, un homme qui avait trouvé un terrain de jeu plus grand, plus vaste, un monde dans lequel il n’avait pas besoin d’elle pour se faire remarquer. Elle l’avait sous-estimé. Elle s’en voulait de l’avoir fait.
Ce qu’il avait construit en si peu de temps, cette start-up dont on parlait déjà dans les salons d’affaires, ce n’était pas juste une affaire banale. C’était une entreprise qui montait, une machine qui prenait de l’ampleur, et surtout, une menace. Elle le savait, elle le ressentait dans chaque fibre de son corps. Il était désormais un acteur majeur. Et pour qu’un inconnu grimpe si haut si vite, il fallait qu’il ait des alliés puissants.
Sophia n’avait pas tardé à découvrir la vérité. Un de ses ennemis jurés, un investisseur qu’elle avait toujours détesté, celui qui avait failli lui voler une de ses acquisitions les plus lucratives, soutenait Elias. Ce n’était pas un simple partenariat commercial. Non. C’était une alliance stratégique. Elle avait vu les documents, les rapports, les réunions qui se tenaient dans des bureaux feutrés, des discussions qui ne la concernaient plus. Le regard qu’elle avait jeté sur le nom d’Elias dans ces documents lui avait glacé le sang. Ce nom, il était maintenant associé à quelque chose de bien plus grand que ce qu’elle avait imaginé.
Le pire dans tout ça, c’est que cela avait l’air naturel. L’ascension d’Elias semblait inéluctable, presque logique. Personne ne s’était douté qu’un jour, l’homme qui avait si longtemps vécu dans l’ombre de son épouse prendrait sa place sous les projecteurs. Tout avait été si bien orchestré. Ce qu’il avait bâti n’était pas une simple start-up : c’était un empire naissant, un empire qu’il pourrait construire et nourrir pendant qu’elle était occupée à gérer les miettes de ce qu’elle avait déjà.
Il était devenu incontournable. La presse en parlait, les investisseurs étaient captivés, et la presse économique ne cessait de saluer sa vision. Ils avaient tous oublié qui il avait été. Ou peut-être qu’ils ne le savaient pas, que personne ne savait qu’il avait été son homme de l’ombre, celui qui avait appris à ses côtés, celui qui avait observé chaque mouvement, chaque décision, chaque erreur qu’elle avait commise. Et il n’avait rien dit. Rien. Parce qu’il savait que son heure viendrait, et elle viendrait de manière brutale.
Le plus insupportable, c’était qu’il avait l’air d’avoir tout oublié. Ou peut-être qu’il ne le faisait pas, qu’il avait choisi de garder en lui cette colère, cette amertume qui l’avait nourri pendant toutes ces années. Il n’était pas revenu pour régler des comptes. Non, il était revenu pour être plus grand que tout ce qu’il avait laissé derrière lui.
Elle le savait. Il ne reviendrait pas vers elle. Non, il n’était plus son mari, plus son homme de confiance. Il était un homme libre, un homme avec des ambitions qui ne se limitaient pas à l’empire qu’ils avaient construit ensemble. Un homme qui n’avait plus besoin d’elle. Et ça, c’était insupportable.
Elle avait appris la nouvelle comme un coup de poignard dans le dos. Un matin, alors qu’elle regardait son téléphone en buvant son café, elle avait vu ce message, cette alerte sur un site économique. Elle avait cru que c’était un canular. Mais non, c’était réel. Une start-up en pleine expansion, un nom qui lui était familier : Elias Vance. Elle avait d’abord eu du mal à y croire, à admettre que c’était lui. Mais à force de chercher, elle avait fini par comprendre. Et là, l’adrénaline avait fait son entrée. Cette rage qui montait en elle, ce désir de prouver que ce n’était pas juste un homme qui l’avait surpassée. Non. C’était plus que ça. Il voulait la remplacer.
Il avait un dessein. Un projet. Un plan. Et ça, elle le savait mieux que quiconque. Elle savait comment il fonctionnait. Mais là, c’était différent. Là, il ne faisait pas juste fonctionner son cerveau. Il faisait fonctionner l’univers entier, autour de lui.
La première fois qu’elle le vit en public après son ascension, elle le reconnut immédiatement. Mais ce n’était pas le même Elias. Il avait changé. Il était devenu ce qu’il avait toujours voulu être, ce qu’il méritait d’être. Il n’était plus l’homme qui se contentait d’être dans l’ombre. Il était l’homme qui attirait tous les regards. Et elle, elle n’était qu’une ombre de plus dans cette foule de regards admirateurs.
Il n’avait même pas daigné la regarder. Mais elle savait. Elle savait qu’il savait qu’elle le regardait. Et ce regard, ce regard qui ne la voyait plus, ça l’avait dévorée. Il avait dit qu’il n’avait jamais voulu être un homme du passé. Mais maintenant, il avait fait en sorte que ce passé ne pèse plus. Elle se tenait là, à le regarder, et elle comprenait enfin qu’il n’avait jamais été une simple victime de ses choix. Il l’avait manipulée à sa manière. Il n’avait jamais accepté d’être celui qui se contentait de rester en retrait. Non, il avait toujours été celui qui attendait sa chance, et quand elle lui avait laissé la possibilité, il l’avait saisie. Et maintenant, elle n’était plus qu’un obstacle pour lui.
Les coups qu’il lui infligeait, ils étaient subtils, mais dévastateurs. Chaque geste qu’il faisait, chaque déclaration qu’il laissait échapper dans les médias, c’était comme un défi. Il ne se contentait pas de la surpasser. Non. Il lui envoyait un message. Un message qu’elle ne pouvait ignorer : il était plus grand qu’elle, et il le prouvait. Et ce message, plus il le répétait, plus il la détruisait de l’intérieur.
Elle n’était plus l’incontournable, la femme de pouvoir. Elle était juste une figure du passé, un modèle que l’on oublie une fois qu’un nouveau prend la place. Elias n’avait pas fait que lui voler son rôle, il lui avait volé la place qu’elle pensait avoir conquise. Et ce qu’il lui restait à faire, c’était se battre. Mais pouvait-elle encore se battre contre l’homme qu’elle avait abandonné, contre celui qu’elle avait toujours cru être son inférieur ? Il n’y avait pas de retour en arrière. Elle savait ça. Il n’y avait que la guerre à mener. Et il n’était plus question de lui pardonner. Parce qu’elle savait que cette guerre allait marquer la fin de tout. La fin de son empire. Ou la fin de lui.
