Chapitre 3 : La colère de Viktor
Selena
Le vent soufflait fort à l’extérieur, emportant les dernières feuilles d’automne dans une danse effrénée. Mais à l’intérieur de mon appartement, l’atmosphère était tout autre. Elle était lourde, saturée de tension, comme si chaque seconde s’allongeait, pesant sur mes épaules. Je n’avais pas encore eu le temps de souffler après ma fuite précipitée de la planque de Viktor. L’adrénaline, encore vivace dans mes veines, me maintenait éveillée et alerte. Mon cœur battait encore la chamade, et l’écho de ma respiration rapide remplissait l’espace. Je n’avais pas de place pour la panique. Pas de place pour me relâcher. Je devais rester concentrée. La fuite n’était pas encore terminée.
Je me tenais devant la fenêtre, mon regard perdu dans la pluie qui frappait les carreaux avec violence. Les gouttes se mêlaient aux pensées qui se bousculaient dans ma tête. Viktor… Je savais qu’il ne laisserait pas cette offense impunie. Il était bien trop obstiné pour ça. Il allait me retrouver. Je le savais. C’était une certitude. Mais comment ? Il ne connaissait ni mon identité réelle, ni l’endroit où je me cachais. Peut-être, pensai-je, que j'avais encore un peu de temps. Un peu de marge. Peut-être.
Mais ce que je n’avais pas anticipé, c’était l’instant où le son fracassant de la porte d’entrée brisée déchira le silence. Le bruit de la serrure cédant résonna dans tout l’appartement, un écho de terreur dans la pièce. Mes yeux s'écarquillèrent. Non. C’était trop tôt. Il m’avait déjà trouvée.
Je me retournai précipitamment, la panique m'envahissant en même temps que l'adrénaline. Mais avant même que je puisse réagir, des ombres sombres se tenaient déjà dans l’encadrement de la porte. Ils étaient là. Lui. Viktor.
Sa silhouette imposante se dessinait dans l'ombre, comme une présence écrasante. Chaque muscle de son corps semblait prêt à se tendre, sa stature dégageant une aura de pouvoir qui semblait envahir la pièce. Rien n’avait changé chez lui. Il était toujours aussi imposant, aussi calme. Ses traits restaient aussi impassibles, presque inhumains. Mais dans ses yeux, j'avais vu quelque chose de nouveau. Une lueur que je n'avais pas remarquée auparavant : une colère froide, contrôlée, prête à se déchaîner. Et cette fois, je savais que je n’allais pas pouvoir échapper à sa vengeance.
Je n’eus pas le temps de répondre, ni de réagir. Viktor fit un mouvement brusque de la main, et ses hommes, aussi silencieux que des fantômes, se glissèrent dans la pièce. Ils étaient là pour me capturer, et je savais au fond de moi que cette fois, il n'y aurait pas d’échappatoire. Je m’étais fait prendre. J’aurais dû être plus prudente. Mais il était trop tard pour les regrets maintenant.
« Selena… » Sa voix, lourde de menace, résonna comme un coup de tonnerre, déchirant le silence de la pièce. Mon nom, prononcé d’une manière si froide, en disait long sur la colère qui bouillonnait en lui. « Je t'avais dit que ce n'était pas juste une question d'argent. »
Il s’avança lentement, chaque pas mesuré, comme si de toute façon, il n'avait pas besoin de se précipiter. Il savait que j’étais piégée. Et je le savais aussi. Même si j’étais sur mes gardes, je ne pouvais m’empêcher de ressentir cette pression qui émanait de lui. Il n’allait pas se contenter de me faire payer l’affront. Il comptait me détruire.
Je fis un pas en arrière, cherchant à garder mes distances, posant ma main sur la table derrière moi, prête à saisir la moindre occasion pour m’échapper. Mais Viktor ne semblait pas pressé. Il s’arrêta à quelques mètres de moi, son regard glacé, calculateur, me fixant intensément. Il analysait chaque mouvement, chaque respiration. Je le sentais, prêt à frapper à la moindre ouverture.
« Pourquoi ? » Je lâchai les mots d’une voix froide, mais derrière cette façade, mon esprit était en ébullition. Pourquoi cet étrange calme ? Pourquoi ce contrôle total de ses émotions ? Pourquoi cette retenue dans sa colère ?
Viktor esquissa un sourire. Ce sourire ne contenait aucune chaleur. Rien de réconfortant. « Pourquoi ? Parce que tu as osé me défier, Selena. » Il fit un pas de plus, et je me tendis, prête à tout. « Parce que tu as volé quelque chose de plus précieux que de l’argent. Tu as volé ma dignité. Et dans mon monde, ça ne se pardonne pas. »
Mes yeux se plissèrent. Je comprenais à présent. Ce n’était pas simplement une histoire de vol. Non, il y avait bien plus. C’était une question d’orgueil, de position. Il ne pouvait pas accepter d’être humilié, d’être défié de la sorte. Il n’avait pas seulement perdu de l’argent. Il avait perdu le contrôle. Et dans son univers, perdre le contrôle était la pire des humiliations. C’était cette blessure à son orgueil qui le rendait si dangereux.
Je me redressai lentement, chaque muscle tendu, refusant de flancher. Le défi brillait dans mon regard. « Si tu voulais juste ton argent, tu n’aurais pas à me poursuivre ainsi. Tu veux autre chose. Mais ça, je ne te le donnerai jamais. »
Il me fixa de ses yeux sombres, un éclat d’amusement, ou du moins, une forme de plaisir étrange, traversant son regard. « C’est ce que j’espère, Selena. » Il tourna légèrement la tête, et l’un de ses hommes, un géant qui semblait presque me surplomber, s’avança silencieusement pour saisir le sac d’argent que j’avais dissimulé sous la table.
Je ne bougeai pas d’un pouce. L’homme passa le sac à Viktor, qui le posa sur la table avec un bruit sec, mais il ne sembla pas l'intéresser tout de suite. Il me scrutait. Il cherchait à savoir ce que j’allais faire. Mais je n’avais pas l’intention de lui rendre les choses faciles.
Viktor s’approcha de moi encore un peu, son visage à quelques centimètres du mien. Je pouvais sentir la chaleur de son souffle, presque suffocante. Il me fixait avec cette intensité glaciale qui n’avait rien de rassurant. Je ne baissai pas les yeux. Je savais qu’il voulait me briser, me faire plier. Mais il n’aurait pas cette satisfaction.
« Tu crois vraiment pouvoir m’échapper, Selena ? » Sa voix était basse, menaçante, pleine de sous-entendus. La tension dans la pièce était palpable, comme une corde prête à céder. « Tu penses qu’un peu de fuite, quelques manipulations, quelques astuces suffiront pour me semer ? » Il se pencha légèrement, son souffle effleurant ma peau. « Non, tu vas me le payer. Chaque minute que tu passes à m’échapper, tu la paieras, crois-moi. »
Je baissai les yeux un instant, non par peur, mais pour me concentrer. Ses paroles étaient vraies. Il allait me traquer, me chasser sans relâche. Chaque mouvement que je ferais pourrait être ma dernière erreur. Mais je ne me rendrais pas. Pas face à lui. Pas comme ça.
Je redressai la tête et le fixai droit dans les yeux, une détermination inébranlable dans mon regard. « Tu n’as aucune idée de ce que tu viens de commencer, Viktor. » Ma voix était ferme, maîtrisée, bien que l’angoisse me serre l’estomac. « Tu crois que tu me briseras, que tu me feras céder en me poursuivant comme ça, mais tu te trompes. Et tu finiras par le regretter. »
Il me scruta longuement, sa pensée lointaine, presque amusée. Puis un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres, comme s’il avait vu une comédie dans ma réponse. Il se redressa, sa silhouette imposante se détachant de l’ombre.
« Si tu penses pouvoir me faire regretter quoi que ce soit, tu as encore beaucoup à apprendre, Selena. » D’un geste rapide, il fit signe à ses hommes de s’écarter, me laissant passer. « Mais sache une chose : cette histoire n’est pas terminée. Pas tant que je n’aurai pas tout récupéré. »
Il se tourna alors vers la porte. « Et je reviendrai. »
Je restai là, immobile, observant son départ avec une froideur nouvelle. Je n’avais pas gagné. Mais je n’avais pas perdu non plus. Quelque chose s’était allumé en moi pendant cette confrontation. Viktor croyait qu’il avait le contrôle, mais je savais que tout ceci n’était que le début. Une guerre s’était enclenchée, et je comptais bien lui prouver que je n’étais pas une proie facile. Que je n'étais pas celle qu'il pouvait écraser si facilement.
Cette guerre, cette chasse, elle ne faisait que commencer. Et je comptais bien la mener jusqu’au bout.
