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Chapitre II
Je me retourne et je vois une femme assez forte, vêtue d’un mini kaba jaune et blanc mal repassé avec des sandales rouge. Derrière elle se trouve une autre femme tout aussi enrobée mais davantage musclée. Elle porte un pantalon noir et un haut bleu bien trop moulants pour elle. Je remarque la ressemblance entre les deux femmes. Elles sont certainement sœurs. La femme en kaba est l’épouse de Joseph. L’autre c’est le renfort.
En la regardant, je comprends un peu Joseph. Cette femme est négligée, en surpoids, mal coiffée et sincèrement moche. Elle est là on dirait une vendeuse de poisson du marché de Youpwe. Exactement le genre de femme que la plupart de mes clients essayent de fuir en venant me voir. Le genre de femme qu’on laisse à la maison parce qu’elle n’est pas sortable. Mon côté mauvaise langue ne peut s’empêcher de dire « vraiment Olivia tu es comme le Samu pour ces hommes ».
Mme Joseph : Vous là, vous n’avez pas honte ? Espèce de sorcière voleuse de mari.
La sœur de Mme Joseph : Tu ne peux pas te trouver ton propre mari ? Tu sors les yeux à qui ?
Je décide de me retourner et de les ignorer mais à ce moment j’aimerais avoir le pouvoir de disparaître. Nous sommes déjà l’attraction des clients et du personnel du restaurant. Ce n’est pas parce que je suis une prostituée que j’aime le scandale. Je rappelle que je suis quand même une pute de luxe.
Moi : Bon ! Je crois que je vais vous laisser régler vos problèmes.
Je prends mon sac et je me lève dans l’optique de me sortir de ce piège mais la femme de Joseph n’a pas l’intention de me laisser m’échapper aussi facilement.
Mme Joseph : Eh reste là ! Tu pars où ? Tu veux fuir maintenant hein !
La sœur de Mme Joseph : Tu as dit que tu veux l’homme marié non ? Tu vas assumer maintenant les pots cassés.
Celle-ci me parle même de quoi ? Elle croit vraiment que je suis en mode amour avec son beau-frère ? Franchement un mou-mou comme ça, je l’accepte uniquement à cause de son argent. Tsuip ! Ça ne sert à rien de répondre à l’autre-ci. Mieux je tente de me faufiler entre les deux furies. Mais ce que je n’ai pas compris c’est qu’elles sont en mode bagarre.
La sœur de Mme Joseph : Eh on t’a dit de rester là. Tu te prends même pour qui salope ?
Elle me cravate si fort que je sens que mes pieds décollent du sol. Non mais elle pratique les arts martiaux ou quoi ? Et puis d’abord, elle-même c’est quoi son problème ? C’est son mari ? Elle vient porter les problèmes des gens plus que les concernés eux-mêmes. Elle n’a pas ses propres affaires à gérer ?
Joseph : Eh laisses-la tout de suite.
Mme Joseph : Donc monsieur défend sa copine hein ? Tape la bien Georgette !
Joseph : Dis à ta sœur de la lâcher sinon...
La sœur de Mme Joseph : Sinon quoi ?
En disant ça elle serre mon cou d’une telle force comme si elle veut déjà finir avec moi. En réalité alors aujourd’hui je goutte aux inconvénients du métier.
Joseph voulant prouver qu’il ne blaguait pas quand il proférait ses menaces, avance comme un bulldozer vers sa belle-sœur. Ce qui permet, heureusement pour moi qu’elle me lâche comme un vulgaire sac de macabo. Je manque de me cogner sur une des tables. La belle-sœur de Joseph le cravate à son tour et je me dis : « mais c’est qui cette femme ? ». C’est vrai qu’elle ne le fait pas avec autant de facilité qu’avec moi mais elle arrive quand même à mettre en difficulté Joseph.
Ça ne sert à rien d’assister à ce spectacle. Comme l’attention s’est détournée de moi, je décide de prendre mon sac discrètement et de m’éclipser. Qu’il gère leur problème de famille entre eux. Dès que je passe la porte du restaurant, je me précipite d’entrer dans ma voiture et de démarrer. La cousine de Rambo peut surgir là. Je tiens encore trop à ma vie.
..............
Le lendemain. Je rends visite à ma copine Hilda.
Hilda : Hahahaha ! Que quoi ? Elle t’a porté avec un bras ?
Moi : Aka ! Tsuip ! Elle ne m’a pas porté dis-donc.
Hilda : Weee ma copine. Laisse-moi rire pardon. Ta chance que Joseph soit intervenu. C’est qu’on organisait déjà tes obsèques.
Moi : Tu parles ! La go a pris en charge le problème comme si ça la concernait.
Hilda : Mais tu crois que l’épouse est venue avec elle pour rien ? Sa mission était de te bastonner.
Moi : Heureusement pour moi. La bêtise et les sentiments de Joseph m’ont sauvée.
Mon téléphone sonne. Je ne connais pas le numéro. Je ne peux m’empêcher de penser que c’est Alexis. Et sans pouvoir en faire autrement, je pense à son baiser si chaud. Mais qu’est-ce qui me prend même ? Ekié !
Hilda : Je dis hein ! Coupe non si tu ne veux pas décrocher. C’est qui ?
Moi : Je ne sais pas.
Hilda : Mais est-ce que tu décroches les numéros des gens que tu ne connais pas ?
Moi : Non mais...
L’appel se coupe. Il a dû être renvoyé sur le répondeur.
Hilda : Mais quoi ?
Moi : J’ai rencontré un jeune gars hier, et je lui ai donné mon numéro.
Hilda : Un jeune gars ? Il a quel âge ?
Moi : Oh ! Il ne doit pas avoir plus de 35 ans.
Hilda : Tsuip ! Donc comme tu couches avec des hommes de la cinquantaine c’est pour ça que tu appelles un gars qui est peut être ton ainé de six ans, jeune gars ?
Moi : Aka ! C’est un bébé à côté des hommes que je fréquente. Financièrement parlant alors, il est zéro j’en suis sûre.
Hilda : Et tu lui as donc donné ton numéro pourquoi ?
Moi : Je ne sais pas, il est intriguant.
Hilda : Et je suis sûre qu’il est beau.
Moi : Bien entendu. On parle de moi quand même.
Hilda : Ça ne te ferait aucun mal d’avoir un jeune qui te secoue un peu là-dedans hein. Ça fait longtemps que tu n’as pas gouté la vigueur d’un homme de moins de 40 ans.
Moi : Rien à cirer.
Hilda : Oui c’est ça.
Evidemment je ne m’en fous pas. Sinon je ne frémirais pas à chaque fois que je pense à Alexis ou à son baiser. D’où ça sort maintenant qu’un homme doit avoir cet effet sur moi. Un gars qui ne peut rien m’apporter. Tsuip !
Hilda : Tu devrais faire comme moi. Trouver le moyen de sortir de la prostitution.
Moi : Pour épouser un homme à qui je vais appartenir ?
Hilda : Pour épouser un homme riche que tu aimeras, à qui tu appartiendras et t’appartiendra.
Moi : Toi toujours en train de croire aux contes de fées.
Hilda : En tout cas Georges n’est pas un conte de fée. Je sens que les choses vont marcher comme je veux.
Moi : Hum ! En tout cas c’est ce que je te souhaite. Il faut que j’aille. Richard est au pays et on doit se voir.
Hilda : Il t’a sûrement encore apporté un beau cadeau.
Moi : Comme d’habitude. On se voit samedi pour notre rendez-vous à l’institut.
Hilda : Oui oui. 9 heures 30.
Hilda habite dans un immeuble à Koumassi à la rue des manguiers. Il devait y avoir des manguiers sur toute cette rue auparavant pour que ça porte ce nom. Parce que je ne vois pas des tonnes de manguiers ici. Sa maison n’est pas loin de chez moi. En principe, je peux même marcher. Mais avec mon rendez-vous avec Richard, je prends un taxi à 100 F pour me déposer à la maison.
La personne qui a essayé de me joindre tout à l’heure fait une deuxième tentative. Je suis bien contente de ne plus être avec Hilda. Elle est trop moqueuse cette fille. et comme j’ai envie de décrocher, j’allais lui donner raison. En tout cas j’espère que c’est Alexis.
Moi : Allo !
Alexis : Mollah, tu as donc fait comment avec la go là ? il faut la traiter dis-donc.
Moi : Allo ?
Monsieur m’appelle et en même temps il tape les commentaires avec ses amis. Et quel genre de commentaires ? Mon autre moi m’a bien dit de ne pas décrocher.
Alexis : Allo, Olivia ?
Moi : Vous vous attendez à parler à quelqu’un d’autre ?
Alexis : Ah ! Je reconnais bien cette voix hautaine.
Moi : Pardon ?
Je rêve ou il vient de me traiter d’hautaine ? un malpropre comme ça. Il sait qui je suis ? Et ce que je peux lui faire ?
Alexis : Bonjour Olivia, comment tu vas ?
Moi : C’est qui que vous traitez d’hautaine ?
Alexis : ça va, ça va. Je rigole Olivia. Faut pas t’énerver.
Moi :...
Mon moi intérieur me crie dessus à cet instant. « Tu es trop bête. Je ne t’ai pas dit de ne pas décrocher ? Depuis quand tu réfléchis avec ce qui est en bas au lieu de ta tête ? Un mal élevé ! » Je secoue la tête pour reprendre mes esprits.
Alexis : Alors tu ne m’as pas dit. Comment tu vas ?
Moi : Je vais bien.
Je fais exprès de ne pas lui retourner sa question. Il veut une fille hautaine, il va l’avoir.
Alexis : Cool. Est-ce que tu penses que je peux avoir la chance de te revoir ce soir.
Moi : Non.
Alexis : Aïe ! Aussi sec ? Pourquoi non ? Tu me brises le cœur là
Moi : Oui je sens à travers le téléphone que tu es sur le point de te suicider.
Alexis : Ah ah ah ! S’il te plaît chérie laisse-moi revoir ton jolie visage.
Et il m’appela chérie. Effronté va !
Moi : Je ne suis pas disponible ce soir désolé.
Alexis : Demain ? soir ? Après le boulot.
Moi intérieur : « Dis non ekié ! Il va te perdre le temps. Le genre de gars qui va t’emmener dans les tourne-dos ».
Moi : D’accord. 19 heures.
Alexis : 20 heures plutôt.
Moi : Ce n’était pas une proposition. Demain, 19 heures.
Je lui raccroche au nez. Il faut qu’il comprenne que moi-même je peux être effrontée. Tsuip ! Un Kougnafé comme ça. Mais je m’attends quand même à ce qu’il me rappelle. Mais rien. Peut-être qu’il s’est fâché hein. Les hommes n’aiment pas qu’on leur raccroche au nez. Aka ! C’est son problème même. Bon débarras.
Je suis couché sur mon sofa à imaginer dans quel type d’endroits il va m’emmener. Logiquement au restaurant. Mais dans quel genre de restaurant ? En tout cas, j’ai espoir qu’il ne va quand même pas m’emmener dans un restau de seconde zone. Il a quand même l’air un peu raffiné.
Arrête un peu de penser à ce type et prépare-toi pour ton rendez-vous avec ton plus gros client. Même comme je n’avais pas prévu de voir Richard, ça tombe bien. Il faut que je commence à le travailler pour la voiture. Ce n’est rien pour lui. Il en a des tonnes. En plus de ça j’ai envie de repartir en Italie pour acheter des sacs et des chaussures. Mais surtout pour prendre un peu les vacances.
Richard aime en moi la femme fatale, sexy et sauvage mais toujours dans l’élégance. J’opte donc pour un ensemble de sous-vêtements Farfetch rouge. Il adore le rouge. C’est comme un aphrodisiaque chez lui. Et mon intention est bien de le rendre fou. Si fou qu’il devra répondre oui à toutes mes demandes. Je mets une robe noire Ralph Lauren qui fait un peu nuisette et pour parfaire ma tenue de séduction je mets des bats noirs Farfetch. Comme chaussures, je mets des Louboutins rouge et je prends mon sac Céline rouge dans lequel je mets des sous-vêtements de rechange et une autre robe. Je vais certainement dormir avec lui.
Il est déjà 20 heures. Normalement mon rendez-vous avec Richard était prévu à 19 heures 30. Je fais exprès d’arriver en retard pour lui faire croire que ma voiture m’a fait des misères au moment de venir. De toute manière, ça me prendra cinq minutes pour arriver à l’hôtel Starland. Je ne sais pas pourquoi il a changé d’hôtel. On se retrouve toujours au Méridien.
En fermant la porte de mon appartement, je pense à la nuit folle que je vais avoir. Richard n’est pas le meilleur amant mais son argent arrive à me faire oublier ses défaillances. Ne serait-ce que pour cette nuit j’aurai un virement d’au moins 500.000 FCFA. Oui c’est le tarif minimum de Richard. Il veut que je sois toujours tiré à quatre épingles avec des accessoires de marque, c’est le prix que j’ai imposé. S’il s’agit d’un week-end au pays, c’est 1.500.000 FCFA sans les frais de transports. Ailleurs, encore plus cher.
Sur le chemin je vois que le supermarché U est fermé. Dommage. Je pensais acheter de la glace pour un petit jeu coquin. Il aime ça les jeux coquins. C’est pas grave à l’hôtel je verrai comment faire.
Un léger bouchon me fait trainer au niveau de Mobil Njo-Njo. Il y a un évènement au Castle Hall, sans doute un concert. Evidement les organisateurs n’ont pas pris de dispositions au niveau de la sécurité pour éviter ce cafouillage. C’est vrai que je veux faire croire à Richard que ma voiture a eu un problème mais il ne faut quand même pas que j’exagère. Je décide de foncer en faisant un dépassement douteux. A tel point que j’entends le taximan qui venait en face de moi crier et klaxonner à tout va. Qu’il saute et cale en l’air dis-donc.
Une minute plus tard, je gare devant l’hôtel. A ce moment, je me rends compte que Richard m’a envoyé un message pour me demander de prendre les clés à la réception. Il a dû sortir quelques instants pour affaire. Un message que j’ai même reçu depuis 19h15. Je n’avais pas fait attention.
Moi : Bonjour, je suis une amie de M. Siaka. Je dois prendre la clé ici.
Le réceptionniste : C’est Madame ?
Moi : Olivia Messe.
Le réceptionniste : Ah Mme, tenez.
Moi : Merci.
En entrant dans la chambre, je me rends compte que Richard n’est pas encore revenu de son rendez-vous professionnel. Néanmoins, il a pris la peine de faire monter une bouteille de champagne dans la chambre. C’est bien, je vais me mettre en condition. Et annoncer la tendance dès le départ en enlevant ma robe. Je me couche sur le lit toujours avec mes sous-vêtements, mes bas et mes chaussures. Je prends un verre de champagne. Les yeux de Richard vont briller en entrant dans la chambre. Justement je vois le poignet de la porte tourner. Richard est là. Je m’arrange vite fait et prends une position provocatrice.
Mais... C’est qui cette femme, elle s’est trompé de chambre ? Ou Richard veut un plan à trois?
La femme : Bonsoir, Mademoiselle Messe.
