chapitre 7
Je la laissai là, son poisson en main. J'avais réussi à me mettre tout le monde à dos. Cette journée était très mauvaise pour moi. Je repensais à cette famille que le professeur avait mentionnée. Savoir qu'il était prêt à me laisser dans cette vie pour sa famille me faisait mal. Je ne me sentais importante aux yeux de personne.
J'étais passé par la porte centrale pour accéder à l'école. Le portier ne savait pas à quel moment j'étais sorti. Il m'interpella alors que j'avançais. Je m'arrêtai et allai vers lui.
-tu sors d'où ? Tu es sorti à quel moment ?
Alida : est-ce que c'est censé être votre préoccupation ? Votre travail c'est d'ouvrir et de fermer cette porte et non de vous attarder sur mes marches.
Je m'en allai sous son regard. À l'extérieur, il n'y avait ni le garde du corps, ni le chauffeur. Ils étaient certainement quelque part à boire au lieu de faire leur travail. J'étais retourné en salle. L'enseignant n'était pas là. Ma place n'avait pas changé, personne n'y était assis. Mes affaires étaient intactes.
Je pris place et posai ma tête sur la table. Je pensais. Je me demandais pourquoi le fait que le professeur Alain eût sa famille me dérangeait autant.
Au bout de quelques minutes, je m'étais endormie. Tous les autres s'amusaient entre eux. Lançant des blagues par-ci et par-là. Ils souriaient à la vie.
C'était le dernier cours de la journée, il fallait rentrer après cela. Mon sommeil fut écourté par une pensé. Je pensais à ce que j'avais fait la veille. À ma camarade de classe que j'avais envoyé à l'hôpital et à Belinda. Au fond de moi, je n'en souffrais guère. Je pensais néanmoins à aller voir Aïcha pour savoir comment elle allait. Au même moment, je me dis que ça n'allait pas arranger les choses. Mon sommeil revint.
L'heure de renter avait sonné. J'avais trouvé Aïcha déjà bien installé dans la voiture. Elle n'avait pas changé d'humeur. Elle n'avait pas répondu à ma salutation. Je pouvais lire dans ses yeux qu'elle désirait arriver à la maison au plus tôt, dans l'espoir que Belinda ne soit pas restée pendant longtemps à l'hôpital. Même si elle ne me répondait pas, je lui parlais et ceux pendant toute la route.
Alida : est-ce que c'est alors de ma faute si mère a agi de la sorte ? Je ne savais pas que c'est comme ça qu'elle devait faire. Tu m'en veux pourquoi même ? Pourquoi ta sœur a aussi enfreint les règles de la maison comme ça ?
Elle ne répondit pas. On arriva à la maison. Elle saura rapidement de la voiture et se dirigea vers le séjour. J'étais comme son ombre, je la suivais partout. Je tombai derrière elle. Une fois au séjour, on trouva Belinda allongée sur le canapé, en train de visionner. Elle semblait aller beaucoup mieux.
Elle laissa sa sœur se jeter dans ses bras. J'étais là à les regarder s'aimer.
Aïcha : comment tu vas, petite sœur ? Dis-moi comment ça s'est passé à l'hôpital. Comme tu as l'aire beaucoup mieux !
Belinda : ça s'est bien passé grande sœur. Je viens de rentrer. Mère s'est bien occupé de moi. Finalement je ne comprends plus ce qu'elle veut.
Aïcha : on ne va jamais sortir de cet endroit
Belinda : Dieu nous viendra en aide un jour. Tu sais qu'il ne dort pas. Peu importe ce qui arrive, nous sommes en vie. Chaque jour, nous devons le remercier pour le simple fait d'être encore en vie. Nous allons prendre notre mal en patience.
Aïcha : hier j'ai eu tellement peur de te perdre
Belinda : je ne peux pas te laisser dans cet endroit seule. Même si je meurs, mon esprit va revenir rien que pour toi. Ça, c'est une évidence.
Alida : vous êtes ensemble et moi je suis seule. Personne ne m'aime.
Aïcha : je t'ai proposé de t'aimer mais tu m'as fait comprendre que tu n'en avais pas besoin. Je suis désolée mais je préfère ne pas te donner mon cœur pour que tu joues avec. C'est mieux pour nous de rester dans cette maison comme des inconnus.
Belinda : c'est ce qu'on va faire. Ni vu, ni connu. La seule chose qui nous lie c'est que nous vivons dans cette maison. Sinon il n'y a rien.
Alida : de toutes les façons vous n'alliez pas réussir avec un plan aussi tordu que celui-là. J'en trouverai un meilleur et je partirai d'ici. Rendez-vous dimanche soir.
J'allai dans ma chambre. Ce que Cette j'avais en tête devait marcher. La journée passa, une autre suivit et voilà la semaine qui s'écroula. Le professeur de mathématique n'avait pas fait allusion à ma situation pendant tout ce temps. Je ne l'avais d'ailleurs revu qu'une fois.
Mes sœurs ne m'adressaient plus la parole, elles avaient peur que je j'aille rapporter tout ce qu'elles faisaient ou disaient. Elles faisaient l'effort de ne rien mentionner d'important en ma présence. Mère était très occupée. Elle rentrait très tard, nous laissant sous une surveillance permanente. On n'avait reçu aucun client pendant tout ce temps.
Ce dimanche soir, nous étions toutes réunis autour de la table à manger. Mère nous avait fait une recette à déguster comme elle savait le faire. Pendant que nous mangions, elle nous faisait un briefing du programme de la semaine. Ma tête par contre, pensait à sa chute.
Mère : cette semaine Aïcha va travailler plus que vous autres. Elle est plus en forme
Belinda : mais non mère, je peux travailler. Ne lui donne pas trop de travail. On va bientôt composer.
Mère : c'est moi qui dit ce que vous allez faire et non toi. Tu ne vas pas tenir avec plus de trois clients. Aïcha va prendre les autres et toi, juste deux. Alida va travailler trois jours.
Aïcha : Belinda doit se reposer toute la semaine. Je peux travailler cinq fois si je me repose deux jours. Belinda ne va pas bien encore. S'il te plaît mère.
Mère : arrêtez-moi ce que vous faites là. J'ai déjà dit ce que j'avais à dire. Vous allez faire comme je dis et puis c'est tout.
Aucune d'entre elles ne pensaient à moi. Elles voulaient s'aider mais personne ne voulait m'aider. Je rougissais de l'intérieur. Je devais prendre les choses en main toute seule et de façon immédiate.
Alida : mère, je vais te le demander pour une dernière fois. Est-ce que tu peux me rendre ma liberté ? Est-ce que je dois faire tout ça ?
Mère : une semaine à ne rien faire et tu boudes encore ? Je ne suis pas d'humeur pour tes caprices. Que personne ne pense plus à revenir sur mon programme. Je suis très sérieuse.
Alida : je t'aurai prévenu
Mère : si tu tentes encore l'une de tes bêtises, je te jure que je vais t'enfermer au sous-sol pour une semaine au moins. J'ai déjà beaucoup perdu à cause de vous. Vous devez comprendre que jusqu'à ma mort, vous vivrez ici avec moi.
Elle laissa une goutte de larme s'échapper. En elle sommeillaient des douleurs qui allaient et venaient. En plus de notre apport financier, elle semblait nous avoir dans son cœur. Pour moi, tout cela n'avait aucune importance. Elle nous laissa à table et alla dans sa chambre. Je regardais mes deux sœurs qui malgré tout réussissaient à garder le sourire. Je les détestais de jour en jour. J'avais cette idée sadique de les séparer.
Les dimanches étaient pour les employés de Mère un jour férié. J'avais immédiatement envie de quitter cet endroit, peu importe le moyen qu'il fallait utiliser. De nature, je trouvais cela tout à fait légitime d'obtenir tout ce que je désirais.
Nous avions fini avec nos plats de résistance. Il y avait dans le frigo des petits gâteaux que Aïcha avait fait. Je devais tenter le tout pour le tout. Mère était revenue sur la table.
Alida : dit, mère, je peux aller chercher les gâteaux au frigo ?
Mère : j'en prends juste un peu. Vous aussi, vous ne devez pas trop en manger. Il se fait tard.
Aïcha : j'ai fait ça pour aller à l'école demain. Prend juste deux, on va partager.
Alida : je pars d'abord aux toilettes
Mère : tu es obligé de crier sur tous les toits que tu vas aux toilettes ?
Sans lui répondre, j'avais hâter le pas vers sa chambre. Elle gardait dans son tiroir un somnifère qui nous faisait dormir pendant nos nuits agitées. À côté des comprimés pour dormir, y avait également un flacon d'un produit blanc dont je ne connaissais pas l'usage. J'emportai les deux produits avec moi jusqu'à la cuisine.
À côté des gâteaux, il y avait un bol de crème. J'enlevai une petite quantité et y versai une bonne dose de ce produit. J'écrasai deux comprimés de somnifères et je mélangeais le tout dans la crème. Pour éviter d'emprisonner les autres, je mis de la bonne crème sur un gâteau et une moitié de gâteau. Sur un plat tout autre, je posai le demi gâteau de mère et sa crème.
Tout était prêt pour le service. Une fois dans la salle à manger, je trouvai les filles en pleine conversation avec mère. Je servis et rejoignis ma place. Elles parlaient entre elles en mangeant.
Belinda : pourquoi tu n'as pas d'enfants mère ?
Mère : je suis née comme ça. Je n'ai jamais vu mes règles comme toutes les jeunes filles. Il y avait un traitement pour me guérir mais faute de moyen le temps pour remédier à ma situation est passée. C'est pour ça que je dois toujours avoir de l'argent. Par tout moyen.
Aïcha : je suis désolée pour ça.
Mère : tu n'as pas à l'être. C'est vrai que je suis dure avec vous mais je vous aime beaucoup. C'est peut-être l'une des raisons pour laquelle je ne veux pas vous laisser partir. Je... Je... Qu'est-ce...
Elle se mit à tousser. Une salive blanchâtre s'écoulait de sa bouche. Je la regardais, un peu apeurer mais sereine.
Aïcha : mon Dieu mais elle a quoi ? Mère, c'est quoi ?
Je me levai de mon siège.
Alida : c'est aujourd'hui ou jamais que nous devons partir. Laissons-la et partons rapidement. Elle mérite de mourir. Je l'ai empoisonné. Partons vite, ne perdons pas de temps.
Toutes les deux me regardèrent, apeurées par ce que je disais.
Belinda : tu as fait quoi ? Mon Dieu mais elle est en train de mourir. On fait quoi Aïcha ?
Aïcha : je ne peux porter la mort d'un être humain sur ma conscience.
Elle courut vers le téléphone. Je les trouvais très stupides.
Alida : vous voulez sauver cette sorcière ? Ça vous regarde. Moi, je pars de cette prison. Je vous sauve vous me remerciez comme ça ?
Belinda : tu es un danger Alida, tu es mauvaise. Tu l'as empoisonné comment ? À ton âge tu es capable de tuer ?
Pendant qu'elle parlait, Aïcha donnait des informations aux urgences. Je pris le large sans me soucier de la vie ou de la mort de mère. Je savais que j'avais bien fait et que personne n'avait le droit de me juger.
J'étais sortie de la maison. Je courais sans m'arrêter. Dans ma course, je vis Ma'a Jacqueline en train de venir vers moi, en course et pieds nus. Elle criait sans arrêt ''ma fille''. Je me cachai un moment dans les herbes au bord de la route. Ses cris me firent comprendre que j'avais comme toujours agi sans réfléchir. Ou allais-je ? Je ne le savais pas encore. J'avançais désormais dans les herbes pour éviter d'être remarquée. Je vis une ambulance rouler à vive allure vers la maison. Pour moi, cette femme ne pouvait survivre à la dose de poison que j'avais mis dans son plat.
