
Résumé
Croyez-vous aux extraterrestres ? Sûrement pas, non ! Peut-être y croirez-vous après mon histoire. Petite, j'avais assisté à un phénomène plutôt étrange. Personne ne m'avait cru. Mais je le sais, j'en suis sûre, j'avais vu quelque chose venir du ciel. Cette chose avait des pieds, des mains, un corps comme le nôtre mais son visage ne venait pas d'ici. Je n'en avais jamais vu un pareil. Quel être humain avait des antennes à la place des oreilles, des tentacules à la place des bras, des mandibules à la place d'une bouche ? Elle n'avait rien d'un habitant de la terre. Père et mère m'avaient cru malade, le reste de la famille avait qualifié mon état de démence. Mais au-dessus de mes dix ans d'âge, je savais ce que j'avais vu. J'avais vu la chose. Ce que je ne savais pas, c'est que la chose aussi m'avait vu. Elle m'avait remarqué, étudié et planifié son entrée dans ma vie. Cette vie impure et sale que je menais au bord de la rue. Quand bien même j'avais commencé à vivre ma meilleure vie auprès de l'homme de ma vie après des années de prostitution, la chose était revenue dans ma vie. Elle s'était incrustée dans ma salle d'accouchement. Comme par magie, c'était elle ma sage-femme. Et ce petit être que j'avais cherché pendant des années, elle me l'avait arraché en me regardant droit dans les yeux comme au jour de notre rencontre. Elle m'avait pris mon fils sans aucun état d'âme. Depuis ce jour, mes aspirations avaient changé. Je devais la chercher, la trouver, la traquer. Pour mon fils, je devais être prête à tout. Prête à perdre mon homme, mon nom, ma vie. Prête à combattre un adversaire inconnu de tous, inconnu même de la terre. Sur mon chemin, d'autres femmes hurlaient la même douleur. Leurs enfants mâles et femelles leur avait été arraché à la naissance comme le mien, dans les mêmes circonstances. Alors mains dans la main, nous n'avions qu'une seule mission, retrouver et arrêter cette chose au risque et péril de nos vies. Ce que nous ne savions pas, c'est que ce combat traverserait les cieux jusqu'au-delà de la terre.
chapitre 1
Je l'ai dit en entré de jeux. Je vivais ma meilleure vie. J'étais épanouie et heureuse, j'avais enfin trouvé l'homme de mes rêves, l'homme de ma vie. Rejeté par la société, mon cœur l'avait accepté. Rejetée par le monde, son cœur m'avait accepté. Notre histoire d'amour est différente de toutes les histoires, vous n'y croyez peut-être pas. Elle est pourtant réelle. Tout allait bien jusqu'à ce que la chose de mon enfance arrive.
J'avais rencontré Abosso dans les ruelles de la folie. Il était tombé dans un état de démence aggravé depuis des années, le pensais-je.
Il errait tel une âme perdue, sans habits, sans chaussures. Ses idées étaient pourtant bien construites et son langage cohérent. Drôle de fou !
Cette nuit-là, je revenais du boulot. De ce boulot indigne qui était mon quotidien nocturne. J'étais une femme de joie, une prostituée.
C'est fou n'est-ce pas ! Un fou et une prostituée. Je rentrais chez moi en fumant une cigarette. Je venais de pointer la plus grosse somme de ma carrière. Ce richissime homme d'affaire m'avait payé une fortune pour un simple coup.
Tout en serrant mon porte-monnaie plein aux as contre ma poitrine, je marchais en dansant et en expirant des bouffées de fumés. Je ne pouvais pas aller plus vite. Ma robe en cuir beaucoup trop près du corps et mes talons hauts me ralentissaient.
Tenant ma bouteille de whisky sur la même main que mon cigare, j'avalais de grosse gorgés en hurlant de bonheur. Je pensais être heureuse dans cette vie. Comment en étais-je arrivée là ?
Aujourd'hui encore, je me pose cette question. Était-ce les retombées d'une enfance auprès d'une mère frivole et d'un père soulard ? Certainement à cinquante pourcent, ou plus.
En l'absence de mon père, ma mère ramenait ses amants à la maison. Je les voyais. Ils s'envoyaient en l'air dans toutes les pièces de la maison. Elle me cachait dans une petite case hors de la maison. Mais je pouvais tout voir et tout apprendre à travers les fissures de la maison.
Très tôt, j'ai connu le sexe. Certains de ses amants étaient plus tard devenus les miens. L'ironie du sort ! Jusqu'à son dernier souffle, elle ne put me sortir de cette vie. Elle s'en était tellement voulue. Les maladies du sexe l'avaient emporté. Faute de moyens pour pouvoir vivre avec un VIH en elle.
Quant à mon père, le vagabondage de ma mère l'avait rendu malade. Il se soignait dans l'alcool. Pas un jour ne passait sans qu'il n'eût bu tout un casier de bières. Pour moi, c'était une vie tout à fait normale. Peu à peu, je m'étais approprié leur quotidien. Seulement à l'école primaire, je sifflais de petites bouteilles de bière.
Pendant que mes égaux s'instruisaient, je m'occupais de la libido de certains enseignants. Là j'étais déjà au lycée. Je passais mes nuits dans les bars à me saouler. J'étais la digne fille de mes parents. Mon père avait fini sous les roues d'un camion quelques mois après le décès de ma mère. Leur mort n'avait pas arrangé les choses dans ma vie, bien au contraire.
Dans mon état d'ivresse sur cette rue illuminée par les lampadaires du nouveau maire, je priais de rencontrer un dernier client. Je m'étais arrêter une petite seconde pour libérer ma vessie. J'avais déposé mes affaires par terre, juste à côté de mon pied.
Comme un éclair, il était passé, emportant avec lui ma bouteille de whisky et mon porte-monnaie. Sans avoir terminé mon dernier jet d'urine, je m'étais levée en hurlant de toute mes forces, courant après lui.
Ava : VOLEUR... VOLEUR...
Il s'était arrêté. À moins d'un mètre de lui, je m'étais également arrêtée.
Ava : espèce de voleur, rends-moi mon porte-monnaie. On se connait quelque part ? Et puis qui t'a appris à prendre ce qui n'est pas à toi ?
Abosso : PREMIÈREMENT... Je m'appelle Abosso mais pour toi c'est bébé Abosso. Parce que tu es d'abord ma pointure.
Les yeux écarquillés, je le regardai de haut en bas. Il n'avait rien d'un homme à mon goût. Il n'avait couvert que son sexe d'un sac en plastique. Tout ventrue et dégueulasse, il empestait à des kilomètres à la ronde.
Pour exprimer mon dégoût face à lui, je m'étais pincée les narines en repliant mes lèvres vers le bas.
Abosso : c'est à dire que j'ai ton argent, c'est moi qui détient ton porte-monnaie, et toi tu dis que je sens hein.
Ava : si tu ne me rends pas mon porte-monnaie et mon whisky, je suis sûr que je vais te faire quelque chose. Tu ne sais pas comment j'ai fait pour gagner tout ça. C'est la sueur de mon front.
Abosso : owouuuooo... Même les prostituées parlent de la sueur du front. La sueur de tes fesses et de la queue des hommes tu veux dire.
Quel était donc ce fou qui tenait une conversation dans le bon sens ?
Abosso : ce que tu donnes là-bas pour avoir l'argent, tu vas me donner ça ici avant de récupérer ton argent. Je voulais être gentil mais, tu m'as poussé à bout.
Ava : je ne me couche pas avec les fous.
Abosso : parce que tu penses que celui avec qui tu étais est moins fou que moi ? La seule différence entre lui et moi c'est que je n'ai pas les bons bons habits hein.
Ava : papa Pardon, je me mets à genoux, rends-moi mon porte-monnaie. Il se fait tard, je dois rentrer chez moi.
Abosso : de Un, je ne suis pas ton père. De DEUX, tu n'es même pas à genoux. De TROIS, il se fait tard et tu cherches quoi dehors ?
J'étais encore toute gentille. Mais il n'avait pas l'air d'apprécier mon calme. Il fallait certainement que je lui sorte mes griffes pour qu'il comprenne. À côté de moi, il y avait un morceau de bois long. En voulant me baisser pour le ramasser, mes talons m'avaient renversé. J'avais atterri sur le sol, de dos, les jambes en l'air et écartées. Je n'avais pas de sous-vêtements. Je dégoulinais encore de ma mouille d'urine. Abosso avait éclaté de rire en s'en allant et en hurlant partout.
Abosso : WOUWOU SANS CALEÇON, WOUWOU SANS CALEÇON...
Le temps pour moi de me relever, il n'était plus là. Il avait fui avec tous mes biens, tout mon gain de ce soir. Les larmes aux yeux et la rage au cœur, je ne comptais pas en rester là. Mes chaussures en main et mon cigare sur une autre, je rentrais chez moi ce soir en pleurant.
Mais il y'avait quelque chose de différent en lui. Il aurait pu me prendre de force dans cette ruelle, il aurait pu profiter de ma chute pour se satisfaire mais il ne l'avait pas fait. Au fond, il ne semblait pas non plus intéressé par mon argent. J'étais mitigée mais pour cet instant, l'argent était ma priorité. Je comptais le chercher et le retrouver.
Je vivais toujours chez mes parents. Cette maison en planche au milieu du marécage était tout mon héritage. Pour traverser la cour je sautillais sur des roues de voiture que mon père avait installées. Il y avait également des sacs remplies de sable. Cette petite piste menait tout droit à la porte de ma maison.
Toute déboussolée, ivre et en colère, j'avais marqué un faux pas. Je m'étais retrouvée dans le marécage boueux. Cette soirée n'était décidément pas la mienne. J'étais restée couchée dans cette eau sale. C'était là ma place. C'était ça ma vie. Pleine de saleté et de boue. Peut-être aurai-je pu faire les choses autrement ? Peut-être aurai-je pu choisir un autre chemin ? Je n'en connaissais qu'un seul. Cette vie, on me l'avait apprise. Je n'en connaissais pas une autre.
Je pleurais, non pas pour mon argent mais pour ma vie. Je n'en avais pas. Je n'étais que l'ombre de ce que mes parents avaient forgé. Parfois je voulais arrêter mais je ne savais rien faire d'autre.
Après quelques minutes, je m'étais levée. Le sommeil m'avait pris des heures après ma douche. J'avais à peine fermer l'œil que le jour s'était levé. Je n'arrivais toujours pas à croire que j'avais perdu tout mon argent. Ma beauté dans le miroir compensait un peu ma mauvaise mine.
De ce côté, le tout puissant m'avait gâté. J'étais d'une beauté extraordinaire. Je n'avais rien à envier aux autres filles. J'avais le corps de rêve qui allait avec l'éclat de mon teint lisse ébène. Mes cheveux étaient longs, noires et crépus. Je prenais soin de moi comme jamais. J'étais resplendissante et cette splendeur était tout mon fonds de commerce.
Comme chaque matin, mon premier réflexe c'était de manger. J'avais toujours faim. C'était peut-être mon point faible. Je ne comprenais pas comment mon corps pouvait rester aussi fin vu les quantités de nourriture que je m'ingurgitais par jour.
Je n'avais pas besoin de réchauffer ma marmite de riz sauté. Je prenais toujours mon tabouret et la louche. Je mangeais sans m'arrêter jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien dans la marmite. Tout de suite, je devais trouver quoi cuisiner. Ma cuisine était toujours très bien garnie. Mon métier payait suffisamment pour que je n'aie jamais faim. Mon ventre était ma priorité.
Après ce repas gourmand, je devais apprêter mon petit-déjeuner. Ne vous moquez pas mais le fond de la marmite n'a rien d'un petit déjeuner à mon avis. Œuf à la coque, pain garni de chocolat, tasse de café chaud, spaghetti et boulettes de viande, il y avait tout à ma petite table. J'avais tout englouti en un laps de temps.
Après quelques heures de sommeil, j'avais fait un nouveau repas. En attendant mon heure du boulot, je mangeais en regardant les informations. On parlait d'une femme qui venait de perdre son bébé. Mais la version de la femme était différente. Elle était sûr et certaine d'avoir entendu son enfant pousser des cris à la naissance. Tout cela ne m'intéressait guère. J'étais loin d'imaginer que mon futur allait ressembler à cette scène.
