chapitre 2
Chapitre 2
La nuit était glaciale, plus tranchante encore que le regard de Zafira alors qu’elle tenait le test de grossesse entre ses doigts tremblants. Le résultat était indiscutable. Positif.
Son cœur battait violemment dans sa poitrine, une tempête d’émotions ravageant son esprit. Elle se sentait figée, comme si le monde autour d’elle s’était soudain arrêté. Ce n’était pas prévu. Ce n’était pas censé arriver.
Un enfant.
Elle était enceinte de Massimo Ricci.
Elle se passa une main sur le ventre, réalisant avec un mélange de terreur et de fascination qu’une vie grandissait en elle. L’héritier du cartel Noctis Nero et des Ricci. Un enfant maudit par le sang et les guerres.
Une vague de panique monta en elle, mais elle la repoussa aussitôt. Elle devait lui dire. Peut-être que, pour une fois, Massimo montrerait autre chose que son ambition insatiable et sa soif de pouvoir. Peut-être qu’il serait… humain.
Elle reposa le test, inspira profondément et quitta la salle de bain. Leur demeure était plongée dans un silence inquiétant. Trop silencieuse. Une alarme instinctive s’alluma en elle. D’habitude, même tard dans la nuit, des hommes de main circulaient dans la maison, le bruit des discussions étouffées résonnant dans les couloirs.
Elle descendit lentement les escaliers, la main effleurant la rampe en fer forgé, et s’arrêta net en voyant le salon.
Vide.
Les bureaux, les armoires… ouverts et dépouillés. Les murs semblaient plus froids, plus nus.
Un frisson glissa le long de son échine.
Elle accéléra le pas, marcha vers le bureau de Massimo et poussa la porte.
Les tiroirs étaient ouverts, certains documents manquaient. Son ordinateur… disparu.
Un sentiment d’urgence s’empara d’elle, et ses doigts tremblants attrapèrent son téléphone. Elle appela Massimo. Une fois. Deux fois. Rien.
— Putain…
Elle composa un autre numéro, celui de son bras droit.
— Réponds, grogna-t-elle en sentant l’angoisse monter.
Enfin, après une éternité, une voix rauque s’éleva de l’autre côté.
— Zafira ?
— Où est Massimo ? demanda-t-elle immédiatement.
Un silence pesant s’installa.
— Dis-moi où il est !
— Il… il est parti.
Elle sentit un poids s’écraser sur sa poitrine.
— Parti où ?
— Zafira… il s’est barré. Avec l’argent. Avec les contacts. Il a vendu des informations aux Calderone et a disparu.
Le monde s’effondra sous ses pieds.
— Tu mens.
— J’aimerais. Mais il a tout planifié. Depuis des mois. Il a attendu que Lorenzo baisse sa garde. Dès qu’il a eu accès aux comptes et aux dossiers sensibles, il a foutu le camp.
Elle sentit son souffle se couper.
— Non…
Tout son corps tremblait. Son esprit essayait de comprendre.
Massimo l’avait trahie.
Il avait trahi les Lazzaro, vendu leur empire à un clan rival, et il s’était enfui.
Et elle… elle portait son enfant.
Un rire amer s’échappa de ses lèvres.
— Ce fils de pute…
— Zafira, écoute-moi. Ton père va être furieux. Il va vouloir du sang.
Bien sûr qu’il allait vouloir du sang. Son propre fiancé l’avait trahie, avait failli provoquer la chute du cartel. Son père ne pardonnerait jamais ça.
Et elle non plus.
— Reste où tu es, ordonna-t-elle d’une voix glaciale.
Elle raccrocha et sentit une vague de nausée monter. Elle se précipita dans la salle de bain la plus proche et vomit, les mains crispées sur le rebord du lavabo.
Quand elle releva la tête, son reflet dans le miroir lui renvoya l’image d’une femme brisée.
Non.
Elle ne serait pas brisée.
Mais elle ne pouvait pas rester ici. Pas avec ce secret qui grandissait en elle.
Son père exigerait une vengeance immédiate, une guerre ouverte contre les Ricci. Et s’il apprenait qu’elle portait l’enfant d’un traître…
Elle ne pouvait pas prendre ce risque.
Elle devait fuir.
Son cœur cognait contre sa poitrine tandis qu’elle rassemblait quelques affaires essentielles, fourrant des vêtements dans un sac. Elle ouvrit un coffre caché derrière un tableau et en sortit une liasse de billets, des faux papiers qu’elle avait préparés « au cas où », et une arme.
Elle n’avait jamais imaginé devoir fuir sa propre famille.
Elle regarda une dernière fois la pièce. Son ancienne vie.
Puis elle disparut dans la nuit.
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Les mois suivants furent une lutte constante. Chaque jour, elle devait surveiller ses arrières, changer de lieu, rester dans l’ombre.
Son ventre s’arrondissait lentement, et avec lui grandissait la peur.
Elle n’était plus Zafira Lazzaro, la princesse du cartel.
Elle était une fugitive. Une femme traquée par son propre père et par les ennemis qui voulaient voir son sang couler.
Mais elle avait survécu.
Jusqu’à ce jour.
Le jour où elle reçut l’invitation.
Une enveloppe noire, déposée sous la porte de sa chambre d’hôtel miteuse.
Elle la ramassa avec méfiance, l’ouvrit et sentit son cœur rater un battement en lisant les mots inscrits en lettres d’or.
**Vous êtes convoquée au Gala des Dynasties.**
Sa main se crispa sur le papier.
Elle connaissait cette cérémonie. Chaque année, les familles criminelles les plus puissantes du monde se réunissaient pour nouer des alliances, conclure des affaires et, parfois… arranger des mariages.
Un frisson glissa sur sa peau.
Pourquoi l’invitaient-ils ?
Elle n’était plus une héritière. Elle était une exilée.
À moins que…
Elle comprit soudain.
Son partenaire de sang.
Cette légende que tous murmuraient à voix basse, cette croyance ancestrale parmi les familles criminelles. Chaque chef de clan avait une moitié liée à son destin. Et lorsqu’ils se trouvaient, leur union scellait le pouvoir et l’équilibre des cartels.
Elle serra les mâchoires.
Si elle était convoquée… cela signifiait qu’un homme, quelque part, était son véritable partenaire de sang.
Et que leur union était inévitable.
Elle inspira profondément, posant une main protectrice sur son ventre.
Quoi qu’il arrive, elle protégerait son enfant.
Même si cela signifiait retourner en enfer.
