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chapitre 7

Chapitre 7

Elle n’avait plus de destination. La forêt était un dédale de douleurs et de souvenirs qu’elle tentait d’effacer, chaque pas l’enfonçant plus profondément dans l’inconnu. Le vent fouettait son visage, et la pluie tombait en fines gouttes glacées, comme des larmes venues du ciel. Mais aucune d’entre elles ne pouvait atteindre les larmes qui se forment dans son âme, invisibles, lourdes, une tristesse qu’elle ne pouvait contenir. Elle marchait, seule et enceinte, avec le poids d’un avenir incertain qui pesait sur son ventre. Elle n’avait plus de maison, plus de meute, plus de famille. Tout ce qu’elle avait connu avait été arraché avec une violence inouïe, comme un arbre déraciné par la tempête.

Elle n’avait jamais cru que son propre corps deviendrait un piège, un fardeau qu’elle n’aurait pas choisi. Les nuits sans sommeil, marquées par des rêves tourmentés de rejet, de trahison et d’abandon, la laissaient épuisée. Pourtant, elle avançait, portait ce fardeau invisible sur ses épaules. Il n’y avait personne pour l’aider, personne pour lui tendre la main. Elle était seule face à ce monde impitoyable. L’idée qu’elle pourrait être de nouveau acceptée dans une meute semblait aussi lointaine que les étoiles. À quoi bon ? La haine qu’elle avait ressenti, la violence de son rejet, l’écrasait plus lourdement que tout ce qu’elle pourrait affronter dans cette fuite.

Elle avait erré des jours, peut-être des semaines, sans réellement savoir où elle allait. Le temps se confondait avec la douleur, le froid, la solitude. Les territoires lycans étaient vastes et imposants, marqués par des règles qu’elle ne pouvait comprendre. Ils étaient les maîtres de la forêt, et elle n’était rien d’autre qu’un être rejeté, une créature errante entre deux mondes, un entre-deux. Elle savait que la frontière entre les lycans et les loups était floue et dangereuse, un espace où aucun des deux ne l’accepterait, un terrain d’exil et de survie pour elle.

Elle s’arrêta un instant près d’un ruisseau, les mains tremblantes alors qu’elle se penchait pour y boire, l’eau glacée effleurant ses lèvres. La fraîcheur du liquide ne parvint pas à calmer la brûlure intérieure, ce vide qu’elle portait en elle, ni les battements douloureux de son cœur, cette mélancolie qui la rongeait. La grossesse n’était pas une bénédiction, elle n’avait jamais voulu être mère dans ces conditions. Pourtant, elle sentait les petites vies grandir en elle, ces enfants qu’elle portait sans savoir comment elle pourrait les protéger, sans savoir ce qu’elles allaient devenir. Elle espérait seulement qu’elles ne connaîtraient pas la souffrance qu’elle avait vécue, la haine qu’elle avait portée pendant trop d’années.

Les arbres autour d’elle étaient denses, épais, une couverture naturelle de feuillage qui bloquait toute lumière. Elle savait qu’elle se trouvait à la frontière des deux territoires, là où la guerre silencieuse entre les lycans et les loups faisait rage. Elle n’avait ni l’un ni l’autre. Pas de meute pour la protéger, pas de terre où elle pourrait se poser. Seulement l’ombre de la forêt, et l’odeur du danger, constante, omniprésente.

Alors qu’elle continuait sa marche, les bruits de la forêt devinrent plus intenses. Le craquement des branches sous ses pas se mêlait aux murmures d’un vent plus violent. Elle sentit des regards. Des yeux qui la scrutaient, l’épiant depuis l’obscurité. La peur la saisit instantanément, mais elle n’eut ni la force ni le courage de fuir. Elle s’immobilisa, écoutant, ses sens aiguisés par la terreur qui montait en elle. Les bruits se rapprochaient, des murmures discrets, des pas à peine perceptibles dans la végétation dense. Elle avait l’impression d’être observée par des ombres. Mais elle ne pouvait fuir, pas encore. Elle attendait, les poings serrés, prête à réagir à la moindre menace.

« Tu es loin de chez toi, petite louve. »

La voix, rauque et profonde, émergea de l’ombre, brisant le silence avec une violence sourde. Elle sursauta, se tournant immédiatement vers la provenance du son. Un loup se tenait là, dans l’ombre des arbres, ses yeux brillants d’une lueur froide. Il était grand, musclé, et son regard perça l’obscurité comme une lame. Son pelage était sombre, ses dents d’une blancheur éclatante dans l’obscurité. La peur lui noua la gorge, mais elle ne céda pas. Elle n’avait pas le temps de montrer de la faiblesse. Elle ne devait pas.

« Je ne suis pas une ennemie, » dit-elle, sa voix tremblante malgré elle. Elle tenta de rester calme, de ne pas laisser sa panique prendre le dessus. "Je fuis."

« Fuir, hein ? » Il fit un pas en avant, le rictus cruel sur son visage. « Fuir des lycans, des loups… ou de ta propre meute ? »

Elle sentit un frisson la parcourir. « Je n’ai plus de meute, » murmura-t-elle, sa voix brisée. « Ils m’ont rejetée. Tout le monde m’a rejetée. »

Le loup s’approcha encore, ses yeux luisant d’une lueur d’intérêt. Il se mit à tourner autour d’elle, comme un prédateur qui ne perdait pas sa proie de vue. « C’est une situation délicate. Tu es entre deux mondes, tu le sais, n’est-ce pas ? »

« Oui, » répondit-elle, les yeux fixés sur lui, une part de son âme se noyant dans la terreur qui montait en elle. « Mais je n’ai pas le choix. »

Il se stoppa soudainement, l’observant longuement. Puis, avec une lenteur calculée, il recula d’un pas. « Je pourrais te laisser continuer ton chemin, mais tu sais aussi bien que moi que les lycans et les loups ne tolèrent pas les traîtres. Et ce que tu portes… ce n’est pas sans conséquence. »

Elle baissa la tête, sentant le poids de la situation l’accabler de nouveau. Elle n’avait pas de réponses, aucune solution à offrir. Seul le vent, les feuilles et les arbres semblaient la comprendre, mais ils ne pouvaient pas la sauver.

« Tu dois être forte, petite louve, » dit-il, son ton adouci pour un instant. « La survie n’est pas un choix. C’est une nécessité. Et tu devras choisir bientôt, choisir entre te soumettre ou disparaître. Mais à quel prix ? » Il la fixa un instant avant de tourner les talons et de disparaître dans l’obscurité de la forêt.

Elle se sentit soudainement plus seule que jamais. La solitude l’étouffait, la faim la rongeait, et l’incertitude, plus que tout, la détruisait. Elle n’avait nulle part où aller, nulle part où se cacher. Les jours passaient, et la forêt devenait de plus en plus une cage dans laquelle elle se retrouvait piégée. Chaque mouvement était une lutte, chaque souffle un effort contre la peur qui grandissait en elle.

Elle errait entre les ombres, sans but ni direction, sa seule compagnie le silence lourd de la nature et l’écho de ses pensées. Ses mains frémissaient, son ventre lourd de l’enfant qu’elle portait, mais il n’y avait aucun réconfort dans cette grossesse. Au contraire, c’était un fardeau, une marque de plus sur son existence brisée. Pourtant, au fond d’elle, elle savait que la vie qu’elle portait valait tout ce qu’elle endurait. C’était ce qui la maintenait en vie, ce qui la faisait avancer malgré tout.

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