Chapitre 4 : Héritage et Tensions
Les souvenirs des derniers jours de Frédéric Levis étaient toujours vivaces dans l’esprit d’Andrew et de Rachelle. Couché sur son lit de mort, le patriarche de Levis Global avait rassemblé tout le courage qu’il lui restait pour parler à sa famille.
— Ma bien-aimée Rachelle et mon fils Andrew, vous êtes ma famille, et une famille se doit de se serrer les coudes. Après mon départ, promettez-moi de vous rapprocher pour le bien de cette famille et de l'entreprise.
Andrew avait croisé les bras, son regard distant fixé sur le plafond, tandis que Rachelle serrait la main de son mari avec force, ses yeux remplis de larmes sincères.
Ces paroles étaient lourdes de sens, mais pour Andrew, elles résonnaient comme une trahison. Comment son père, l’homme qu’il avait admiré toute sa vie, pouvait-il lui demander une telle chose ? Collaborer avec une étrangère qui, selon lui, n’avait été qu’une opportuniste profitant de la vulnérabilité de son père.
La lecture du testament quelques semaines après la mort de Frédéric fut un moment de tension extrême.
— Monsieur Andrew Levis et Madame Rachelle Levis sont désignés comme codirecteurs de Levis Global. La gestion conjointe est essentielle pour honorer la vision et les valeurs de Frédéric Levis.
Andrew avait éclaté de colère.
— Travailler avec elle ? Vous êtes sérieux ? Cette femme n’a rien à faire ici. Elle a séduit mon père pour arriver à ses fins, et maintenant vous voulez me forcer à partager mon héritage avec elle ?
Rachelle, bien que visiblement touchée, avait gardé son calme. Ses mots, en revanche, étaient acérés comme une lame :
— Votre père m’a épousée parce qu’il m’aimait, monsieur Andrew. Pas parce qu’il était manipulé, comme vous aimez à le croire. Peut-être devriez-vous grandir et accepter que le monde ne tourne pas autour de vous.
Andrew l’avait foudroyée du regard.
— Vous ne me donnerez jamais d’ordres, Rachelle. Je vous laisse votre part uniquement parce que c’est ce qu’il voulait. Mais n’espérez aucune coopération de ma part.
Depuis ce jour, Levis Global était devenu un champ de bataille. Les décisions importantes étaient constamment source de conflit. Andrew refusait systématiquement toute proposition émanant de Rachelle, tandis qu’elle s’assurait de contourner ses blocages par des stratégies subtiles.
Dans l’entreprise, les employés savaient qu’il valait mieux éviter de se retrouver entre les deux dirigeants. Ils sentaient que chaque mot, chaque geste pouvait être interprété comme un choix de camp, et cela pouvait coûter cher.
Ce matin-là, Rachelle examinait les dossiers des candidats qui avaient passé les entretiens. Elle s’attardait sur celui d’Alicia. La jeune femme avait quelque chose qui l’intriguait. Une sincérité dans son regard, une détermination qu’elle ne s’expliquait pas, mais qui la mettait mal à l’aise. Et une chose qui l’intriguait «Pourquoi n'avait-elle pas de nom de famille ?»
La porte de son bureau s’ouvrit brusquement, laissant apparaître Andrew.
— Alors, qu’as-tu décidé ? Tu vas encore rejeter toutes les idées simplement parce qu’elles ne viennent pas de toi ?" lança-t-il, la voix empreinte d’ironie.
Rachelle releva lentement les yeux de son écran, sa patience déjà mise à rude épreuve.
— Andrew, si tu pouvais apprendre à frapper avant d’entrer, nous pourrions éviter ces conversations inutiles.
Il avança vers elle, ses mains dans les poches, une lueur de défi dans les yeux.
— Qu’as-tu contre Alicia ? Pourquoi tu refuses qu’elle intègre l’équipe ?
Rachelle posa son stylo, croisant les bras.
— Je n’ai rien contre elle personnellement, mais elle n’a pas les compétences nécessaires pour ce poste. Nous avons besoin de quelqu’un d’expérimenté, capable de gérer la pression, et elle n’est pas cette personne.
Andrew se pencha légèrement, sa voix se durcissant.
— Tu veux dire qu’elle n’est pas quelqu’un que tu peux manipuler à ta guise, c’est ça ?
Rachelle éclata d’un rire froid.
— Manipuler ? Si quelqu’un joue à ce jeu ici, c’est bien toi, Andrew. Tu veux l’embaucher parce qu’elle te rappelle quelqu’un, pas parce qu’elle est qualifiée.
Le visage d’Andrew se ferma.
— Ça n'a rien à y voir. C'est totalement différent.
Un silence tendu s’installa entre eux. Rachelle finit par soupirer, secouant la tête.
— Un jour, Andrew, tu comprendras que cette guerre que tu mènes est vaine. Mais en attendant, continue donc à te battre contre des fantômes."
Elle reprit son travail, ignorant ostensiblement la présence d’Andrew, qui sortit en claquant la porte.
Dans son bureau, Andrew s’effondra sur sa chaise. Son esprit était envahi par des souvenirs qu’il avait toujours essayé de refouler.
Il se revoyait, adolescent, aux côtés de son père. Frédéric lui parlait souvent de force et de loyauté, lui inculquant l’idée que la famille était tout ce qui comptait.
— Andrew, nous sommes des Levis. Nous devons être unis et solides. Personne ne doit pouvoir nous diviser.
Mais cette vision avait éclaté le jour où son père avait présenté Rachelle comme sa nouvelle épouse. Andrew n’avait jamais accepté cette union. Pour lui, cela représentait une trahison des principes que son père lui avait enseignés.
De son côté, Rachelle se tenait devant la grande baie vitrée de son bureau, son regard perdu dans la vue sur la ville. Elle pensait à Frédéric, à sa douceur et à sa confiance inébranlable en elle.
— Pourquoi as-tu fait cela, Frédéric ? Tu savais que ton fils me haïrait. Tu savais qu’il ne m’accepterait jamais. murmura-t-elle.
Rachelle n’était pas insensible. Sous son apparence froide se cachait une femme profondément blessée par le rejet constant d’Andrew. Mais elle savait que montrer cette vulnérabilité serait une erreur.
Dans les couloirs de l’entreprise, Alicia marchait d’un pas hésitant, cherchant son bureau. Elle croisa des regards curieux, certains bienveillants, d’autres méfiants.
Elle s’arrêta près du bureau de Rachelle en entendant des éclats de voix.
— Je te préviens, Andrew, tes caprices ne dureront pas éternellement. Cette entreprise ne survivra pas si tu continues à agir comme un enfant !"
— Et toi, Rachelle, combien de temps encore comptes-tu jouer à la veuve éplorée pour garder ta place ? Mon père t’a peut-être crue, mais je vois clair dans ton jeu.
Alicia se figea. Elle ne comprenait pas tout, mais la tension entre les deux dirigeants était palpable.
Elle reprit son chemin, le cœur battant. Elle réalisait que cet emploi n’allait pas être de tout repos.
Le soir venu, Andrew contemplait un ancien portrait de son père, accroché dans son bureau.
— Pourquoi, père ? Pourquoi m’as-tu imposé cette femme ? Nous étions bien, toi et moi. Pourquoi compliquer les choses ?"
Il ferma les yeux, se laissant submerger par un mélange de colère et de tristesse.
De son côté, Rachelle termina sa journée en observant les étoiles depuis son balcon. Elle savait qu’Andrew était un homme blessé, mais elle se demandait s’il serait un jour capable de surmonter sa haine pour elle.
Leurs destins étaient liés, qu’ils le veuillent ou non.