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-J'en suis incapable Ethan...
Seulement quelques minutes plus tard, mes rêves m'emportent mais Ethan reste présent partout avec moi. Au moment où mon réveil sonne, je grogne. J'étais si bien cette nuit dans les bras de mon...
-Ethan ?
Mon lit est vide. Vide. Je me relève brusquement et mes yeux se posent immédiatement sur le petit meuble à droite de ma fenêtre, là où sa valise était posée depuis dimanche. Mais ce matin, mon meuble est vide lui aussi. Telle une furie, je sors de mon lit et passe en revue toutes les pièces de mon appartement. Arrivée dans le salon, je remarque que le dossier de la chaise où Ethan avait posé son manteau est lui aussi vide. Je m'affale sur mon canapé, trop déçue et angoissée par l'idée qu'il ait pu s'enfuir au petit matin sans même me donner une explication. Mon estomac pèse si lourd que je suis à deux doigts de courir aux toilettes pour me faire vomir. Mais je suis vide moi aussi. Comme mon appartement. Comme ma vie.
Après la nuit que nous avons passée, la désillusion est si cruelle ! Mais l'angoisse et la déception ne sont pas venues seules ce matin, elles ont apporté leur amie la colère dans leurs bagages et une rage sourde commence à monter en moi. Je refuse de croire qu'Ethan a fait semblant. C'est impossible. Je me rappellerai toujours de son regard intense et pénétrant lorsqu'il était en moi. Le tsunami qui a ravagé mon cœur ne l'a pas épargné, j'en suis certaine. Alors pourquoi partir sans me laisser une explication ?
Je me lève brusquement, bien décidée à lui faire payer son attitude intolérable. Je file me préparer avec une idée bien précise en tête. Ce matin, je passe plus de temps qu'à l'accoutumée dans ma salle de bain et je déniche dans ma garde-robe une tenue qui fera son petit effet à coup sûr. Je cherche partout mon bracelet en or que ma tante Olivia m'a offert pour mes vingt-cinq ans sans parvenir à mettre la main dessus. Je grommelle de longues minutes mais je suis forcée d'en choisir un autre, ne parvenant décidemment pas à le retrouver. Je me note mentalement de le chercher plus tard car ce bijou représente beaucoup à mes yeux. Je me regarde une dernière fois dans le miroir de plein pied situé à côté de mon lit et le résultat me ferait presque rougir. Prépare-toi à t'en mordre les doigts Ethan !
Je bois rapidement mon thé et je me force à avaler une petite madeleine. Je passe environ cinq minutes à la mâchouiller avant d'en venir à bout, non sans mal. Un écoeurant goût sucré tapisse mon palais et j'ai la désagréable sensation d'avoir avalé un parpaing tant le poids sur mon estomac ne me quitte pas. J'arrête le massacre et j'enfile mon manteau.
Quand j'arrive au bureau avec cinq minutes d'avance, presque tous mes collègues ont déjà pris possession des lieux. Je me dirige directement vers le bureau de Mme Saint-Martin pour lui faire savoir que je suis prête à reprendre le travail et elle me gratifie de gentilles paroles. J'ai toujours apprécié cette femme, elle se montre constamment compréhensive et avenante. Je salue ensuite l'équipe commerciale et nous discutons quelques instants avant de rejoindre nos postes de travail. Je m'apprête à entrer dans mon bureau quand j'entends une voix posée à l'accent chantant m'interpeler.
-Candice ? Je suis content de te voir, l'ambiance n'est pas la même lorsque tu n'es pas là... Et je... Wahou ! Tu es magnifique ce matin !
Alessandro s'approche de moi en arborant un immense sourire. Un de ces sourires légèrement affamés mais surtout envieux. Ayant déjà eu affaire à son côté séducteur, je me contente de lui en offrir un plus réservé en échange. Mais ce dernier ne semble pas s'en formaliser puisqu'il continue.
-Je dois dire que je suis subjugué Candice, tu es toujours très belle mais... cette robe... enfin... je veux dire, tu es carrément canon ! Je n'arrive pas à détacher mon regard de toi, me susurre-t-il tout en posant sa main sur mon avant-bras.
Je me raidis instantanément, gênée par la proximité qu'il m'impose. Alessandro est un grand séducteur mais également un grand gentil. Je sais pertinemment qu'il ne me veut aucun mal, bien au contraire, il m'a plus d'une fois fait comprendre qu'il ne serait pas contre un petit moment de plaisir avec moi. Je lui ai toujours répondu en plaisantant que je n'étais pas intéressée mais ce matin, son regard plus félin me met mal à l'aise.
-Arrête tes bêtises et laisse moi passer s'il te plait.
Sans que je ne m'en aperçoive, il m'a barricadée entre son corps et le mur du couloir. Ses yeux ne se promènent plus sur mon visage, ils descendent rapidement le long de mon cou pour trouver ma poitrine mise en valeur par mon décolleté gourmand. Ses iris voraces me font immédiatement regretter le choix de ma tenue. Je pose ma main sur son bras pour le faire reculer mais Alessandro intercepte mon geste et entrelace ses doigts aux miens. Je me dégage immédiatement de sa prise quand je vois un petit sourire en coin se former sur son visage.
-Viens boire un verre avec moi. Ce soir. J'en meurs d'envie depuis trop longtemps.
Mon cœur bat la chamade et je ne respire plus vraiment. Même si son approche est simplement lourde, je me sens presque... menacée. Il a envahit mon espace vital, il touche mon corps sans ma permission et se permet des gestes totalement déplacés. Alors que je m'apprête à le repousser une nouvelle fois, une voix rauque et cassante claque dans l'air. Mon corps s'électrise instantanément.
-Aucun geste inconvenant n'est autorisé dans mes locaux. Alessandro, rejoignez votre bureau ! Et vous mademoiselle Dumin, dans mon bureau. Immédiatement !
La tornade brune qui a ravagé mon corps et mon cœur passe devant nous sans nous accorder un regard supplémentaire. Ses grandes jambes le mènent au bout du couloir en quelques secondes à peine et je peux aisément deviner à son air courroucé qu'il n'a pas apprécié la scène qu'il vient d'interrompre. Mon collègue m'offre un petit clin d'œil avant de disparaître sans demander son reste et moi, je reste figée.
Je reprends difficilement mes esprits et le cœur battant frénétiquement, je marche dans les pas d'Ethan. Au moment où j'atteins la porte de son bureau, l'anxiété et la peur que j'ai ressenties près d'Alessandro me donnent la nausée. Je remarque que je tremble comme une feuille et le visage dégoûtant de perversité de Mr Jameson se dessine devant moi. Même si j'ai plutôt bien réussi à me remettre de mon agression grâce à Ethan, je ne réalise qu'aujourd'hui qu'elle m'a laissé des marques indélébiles.
L'esprit chamboulé et le corps prêt à se désintégrer, je toque doucement contre la porte avant de l'ouvrir. Ethan se tient debout, à faire les cents pas devant son bureau et ses mains se perdent nerveusement dans ses cheveux sombres. Ses yeux me lancent des éclairs quand ils se posent sur moi et il se stoppe. Sa carrure exceptionnelle m'impressionne plus que jamais, il paraît si charismatique et puissant dans son costume d'homme d'affaire. Son visage déformé par la colère ne fait que renforcer son aura hypnotisante. Je tente de m'accrocher à son regard pour ne pas flancher mais je m'effondre contre un véritable mur de glace.
La déception de ce matin associée à l'approche angoissante d'Alessandro et à la colère sourde d'Ethan vident mon corps de toute son énergie. Je m'adosse au mur à côté de la porte et je le laisse décider de ce qu'il voudra faire de moi. Je suis épuisée et j'ai juste besoin de l'homme qui m'a enlacée fermement toute la nuit.
Le regard d'Ethan est partout sur moi. Il passe frénétiquement de mon visage abattu à mes jambes dévoilées par ma petite robe noire. Ses iris noirs de rage lèchent ma poitrine généreuse délicieusement mise en valeur par le joli décolleté de ma robe puis ils se perdent sur ma taille marquée. Ils effleurent ma peau de leur feu incandescent et s'écarquillent de désir quand ils fixent mes escarpins rouges vertigineux. Si je fermais les yeux, je suis persuadée que je pourrais presque sentir ses doigts sur ma peau, comme ils m'ont cajolée cette nuit. Mais la réalité est bien plus amère. Ethan se tient à une telle distance de moi qu'un gouffre s'est creusé entre nous en l'espace de quelques secondes. Quand ses yeux retrouvent les miens, je prends conscience que mon homme me manque.
Mon homme, ce n'est cet Ethan. Mon homme à moi est tendre et dominateur à la fois. Il n'est pas froid et accusateur. Notre bulle a explosé au moment où il a décidé de quitter mes bras au petit matin et je péris intérieurement depuis. Quand il est près de moi, je parviens plutôt bien à gérer mes doutes et mon manque de confiance. En revanche, quand il me traite comme une étrangère face aux autres, c'est une toute autre histoire. La toute petite madeleine que j'ai mangée ce matin menace de m'imposer un sprint aux toilettes et je fais mon possible pour ne pas montrer à Ethan à quel point son attitude m'affecte.
Je tente coûte que coûte de me raccrocher aux iris d'habitude si brûlants d'Ethan mais l'homme qui se tient en face de moi a enfilé une armure en fer forgée qui m'empêche toute introspection. Son regard est froid et neutre. Mon ventre se serre douloureusement. Ethan continue de détailler rageusement mon corps et la tension qui s'est installée entre nous me fait perdre tout espoir.
-C'était quoi cette merde que j'ai interrompue ? me demande-t-il froidement.
J'ai envie de lui répondre, de lui expliquer, de tout lui dire. Je veux qu'il sache que depuis ce matin, je vais de déception en déception. Mais son attitude cassante me fait peur. J'ai peur qu'il me rejette à nouveau et je dois avouer que je ne le supporterai pas. Pas après la nuit que nous avons passée ensemble.
-Putain Candice, tu jouais à quoi avec Alessandro ? Et c'est quoi cette tenue, bordel ? Tu veux chauffer tous les mecs au bureau ? Ca ne te suffit pas de te taper le boss ?
Ses mots me fusillent lentement mais violemment. Ils m'atteignent un à un en plein cœur.
-T'as raison Ethan, il me les faut tous. Au final, on dirait que tu me connais vraiment bien.
Je tourne les talons et abaisse la poignée de son bureau. Brusquement, Ethan engloutit la distance nous séparant et plaque ses poings contre sa porte, la refermant ainsi brutalement. Son corps est plaqué contre mon dos et même si ses mains ne me touchent pas, ses bras m'encerclent. Je suis à nouveau sa captive, mais aujourd'hui je n'ai plus envie de jouer à ce jeu.
-Laisse-moi tranquille Ethan.
-Putain mais non ! Tu ne pars pas comme ça ! Je te trouve en train de draguer un connard, qu'est-ce que tu voudrais que je te dise ?
Je me retourne vivement, la colère ayant remplacé l'amertume qui me consumait.
-Mais je ne drague personne ! J'étais justement en train d'essayer de repousser gentiment Alessandro sans me laisser envahir par mes souvenirs de Londres mais toi, tu ne cherches même pas à savoir ce qu'il s'est passé ! Tu te contentes de disparaître comme un lâche au petit matin et de te pointer en jouant à l'homme de Cro-Magnon... Arrête ça tout de suite !
Je vois le visage d'Ethan se détendre radicalement et son regard jusque là froid et colérique se pare d'une nuance d'inquiétude.
-Qu... qu'est-ce qu'il t'a fait ? Il t'a touchée ? Il t'a...
-Il a juste été maladroit et j'étais en train de le lui faire remarquer quand tu es arrivé.
Ses mains autrefois plaquées contre le bois de sa porte descendent sur mes épaules et entament de lentes caresses sur mes bras. Quand sa peau retrouve enfin la mienne, mon épiderme pétille et tout mon être frissonne. Je suis un toxico en manque à qui on donne enfin sa dose. Et je déteste cela. Je déteste ne pas être capable de lui tourner le dos pour lui montrer à quel point il m'a blessée ce matin. Encore une fois.
-Je ne veux pas qu'un autre mec te touche. Je ne veux même pas que quelqu'un te regarde. Tu es à moi Candice, c'est compris ? Tu n'as pas le droit de m'échapper.
