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-Et quand tu te mutiles sous ta douche parce que ton père t'a traitée comme une merde, tu ne te fais pas du mal ? Non mais ouvre les yeux Candice, tu fais n'importe quoi en ce moment et je ne suis pas d'accord !
Je me fige, profondément blessée qu'il me reproche la réaction que j'ai eue au moment où j'étais le plus mal.
-De quel droit tu te permets de juger ce que je décide pour mon propre corps ? Tu me dis constamment d'arrêter de me laisser dicter ma vie par les autres mais c'est exactement ce que tu fais. Tu joues au sauveur mais en réalité tu veux seulement me contrôler pour que je t'obéisse et que je ne t'échappe pas. Mais je t'arrête tout de suite, je ne te laisserai pas faire. Le temps où la gentille Candice obéissait à tout le monde est révolu !
Alors que je lui hurle littéralement au visage, Ethan reste totalement stoïque face à moi. Le choc se lit dans ses grands yeux écarquillés. Pour la première fois depuis que nous sommes ensemble, il n'essaie de me ramener à lui, au contraire. Il recule d'un pas avant de passer sa main sur son visage, comme s'il espérait effacer tous mes mots avec ce geste ridicule. Après un long silence lourd de sens, il finit par souffler et raccrocher son regard au mien.
-T'as pas le droit de dire ça Candice, moi je m'inquiète réellement pour toi.
-Je n'ai pas besoin que tu t'inquiètes pour moi. Maintenant, je sais me débrouiller seule, pas besoin de me surveiller.
-Mais t'as rien compris ! Je ne te surveille pas, je pense à ta santé là ! Tu peux me claquer entre les mains à tout moment et tu ne t'en rends même pas compte. Tu... tu as besoin de voir un médecin... un spécialiste qui pourra t'aider à comprendre pourquoi tu fais ça et comment t'en sortir.
Etrangement, sa voix tremblote comme s'il avait peur de ma réaction face à sa proposition. Et il a raison d'avoir peur, j'ai profondément envie de l'étriper à mains nues quand je l'entends me dire à demi-mot que j'ai un problème !
-Je n'ai pas besoin qu'un inconnu se permettre de juger ma vie. Tu veux que je te dise ce qui pourrait m'aider ? Que mon mec assume enfin notre relation et qu'il arrête de me cacher par exemple. Ca, ça pourrait m'aider.
Je prononce chaque mot, chaque syllabe froidement. Je suis complètement hors de moi parce que j'en ai plus que marre qu'il se permette de critiquer mes choix quand il n'est même pas capable d'être transparent.
-C'est dégueulasse de me dire ça. Tu... tu sais très bien que c'est compliqué, me répond-t-il d'une petite voix blessée.
-C'est compliqué uniquement parce tu as envie que ça le soit. Si tu le voulais vraiment, tu pourrais choisir de quitter ta femme et d'assumer notre relation. Mais la vérité, c'est que tu préfères être lâche et continuer comme ça. Alors s'il te plait, ne me dis pas comment prendre soin de moi quand tu en es toi-même incapable.
Je ne vois ni la douleur dans son regard ni la violence de mes mots dans son cœur. Je ne sais pas comment j'y parviens mais je me détache totalement d'Ethan et je ne vois plus que la distance entre nous. Je lui en veux de me traiter comme une malade, je lui en veux de vouloir me reprendre le contrôle que j'ai sur mon corps et je lui en veux de ne pas se battre pour nous. Il ne bouge toujours pas, je crois que chacun de mes mots le percute continuellement depuis que je les ai prononcés. Ses épaules affaissées ainsi que ses suppliques silencieuses sont les seuls appels à l'aide qu'il m'envoie mais je les balaie du revers de la main. J'en ai marre d'être la gentille fille naïve qui accepte tout.
-P... pourquoi tu fais ça Candice ?
-Parce que j'en ai marre.
Un éclair d'espoir passe dans les yeux résignés d'Ethan avant qu'il ne se rapproche de moi.
-Tu es... juste fatiguée. Ecoute-moi, tu vas te reposer et quand je rentrerai de mon déplacement je t'emmènerai voir un médecin.
-C'est tout ce que tu as à dire ? Si tu préfères m'emmener voir un médecin plutôt que de quitter ta femme alors je préfère que tu partes d'ici.
Mes paroles froides le foudroient instantanément sur place. Dans son regard, je peux aisément lire la peur et la peine qui s'emmêlent l'une à l'autre. Je crois que mon cœur se brise en un millier de morceaux mais je l'ignore. Ma rage me transcende, je ne me reconnais plus.
-Tu peux pas me dire ça Candice... Merde, je... je fais tout ce que je peux pour toi, j'essaie de ne pas jouer au con, de ne pas te faire de mal alors s'il te plait arrête de dire des conneries et laisse-moi t'aider !
-Je te le répète une dernière fois, je n'ai pas besoin d'aide mais que tous ces secrets explosent enfin. Alors si tu n'as rien d'autre à me dire, pars.
D'un pas décidé, je le dépasse et rejoins l'entrée de mon appartement pour ouvrir ma porte. Je refuse de le regarder, je me réfugie donc dans ma cuisine pour me faire un thé. J'entends les pas lourds d'Ethan se rapprocher de moi et je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qu'il se tient debout derrière moi. Son incompréhension, sa peur et ses reproches ricochent dans mon dos mais je fais semblant de ne pas être à terre. Feignant de ne rien regretter, je porte la tasse à ma bouche et ferme les yeux. Quand je les rouvre, j'entends ma porte claquer et un silence terrorisant m'envelopper.
Il doit se passer d'interminables minutes avant que je ne réalise réellement ce que je viens de faire. L'adrénaline me broie les entrailles quand je me retourne tout doucement pour vérifier que ce cauchemar est bel et bien réel. Je suis seule. Mais je n'ai plus peur, au contraire. Je me sens presque invincible. J'en veux tellement à Ethan que s'il se trouvait encore chez moi, mes mots auraient été encore plus violents. Je ne comprends pas comment il a pu se permettre de me faire de tels reproches alors que j'ai seulement besoin qu'il soit là pour moi. Mais même ça, c'est infaisable pour lui. Il faut toujours qu'il cherche à me contrôler, à me façonner et bon sang, j'en ai plus que marre !
Quand j'arrive au bureau, je ne m'attarde pas dans les couloirs et file m'enfermer dans ma petite pièce. Je suis bouillonnante de colère et j'ai beaucoup de mal à me calmer. Connaissant Ethan, il doit certainement être en train de tout envoyer valser dans son bureau ou de passer ridiculement ses nerfs sur un pauvre innocent mais je ne compte pas aller m'excuser. C'est à lui de prendre conscience de ses erreurs et de faire le premier pas.
L'équipe commerciale arrive tranquillement mais la matinée se déroule bizarrement. Mes collègues ne sont pas très assidus à leur poste de travail et une joyeuse ambiance, plus détendue que d'habitude, se diffuse dans les couloirs. En fin de matinée, je me décide enfin à sortir de mon antre pour les saluer. Je grommelle tout un tas de « bonjour » sans parvenir à mettre la main sur Marina. Je finis par la trouver dans la salle de pause, accoudée au petit comptoir en train de siroter son café.
-Mais que se passe-t-il aujourd'hui ? je lui demande en bougonnant.
-Oula ! J'en connais une qui s'est engueulée avec son mec !
Je lève les yeux au ciel, agacée d'être si transparente. Comme je n'ai aucune envie de m'étaler et de raviver ma colère, je change rapidement de sujet.
-Pourquoi personne n'est à son poste ce matin ?
-Mr Archer et Mme Saint-Martin sont partis ce matin en déplacement. On est tranquille pour une semaine !
Je ressens un violent coup à l'estomac quand elle mentionne le nom de l'homme qui me met dans tous mes états mais j'essaie du mieux que je le peux de faire bonne figure. Sa phrase tourne continuellement dans ma tête, je n'en reviens pas qu'il soit parti sans être venu me voir !
-Quand le chat n'est pas là, les souris dansent ! fanfaronne-t-elle.
Je passe ensuite ma journée à essayer de me concentrer sur mes dossiers mais je peine à ignorer l'écran vide de mon téléphone. Je suis profondément énervée qu'Ethan ne prenne même pas la peine de m'envoyer un message d'excuse mais sa réaction est en train de me prouver que ce dont j'avais le plus peur est réel : je ne suis qu'une distraction pour lui. Au lieu de me mettre à terre, cette constatation ravive étrangement le feu colérique qui me consume.
-On sort boire un verre ? me demande Marina en passant sa tête dans l'embrasure de ma porte. Ah mince, j'oubliais que tu as ton cours de danse ce soir.
-Oublie la danse, un verre me fera le plus grand bien !
Je lui ai répondu si rapidement qu'elle en est surprise. Mais l'idée de me retrouver en tête à tête avec mon ancienne meilleure amie m'est insupportable aujourd'hui.
-Tu es sûre que tu vas bien Candice ? Tu as été hyper nerveuse toute la journée.
-Oui, tout va bien. J'ai juste besoin de me détendre un peu.
Ma collègue me toise encore un moment avant de capituler. Quand nous quittons notre poste, nous nous dirigeons vers le bar où nous avons pris nos habitudes et je laisse rapidement la musique et les verres m'apporter un semblant de sérénité. Marina prétend ne pas remarquer ma nervosité et elle se charge de faire la conversation et de détendre l'atmosphère. Après une petite heure, je me sens déjà mieux. L'alcool m'enivre et me fait oublier mes soucis. Je me sens légère, presque détachée de ma vie. Je ne ressens ni le poids qui comprime violemment ma poitrine ni mon corps qui me demande de ralentir la cadence.
Le lendemain matin, la migraine qui tabasse ma tête me ferait presque regretter mes excès si je n'avais pas réussi à oublier l'impasse dans laquelle mon cœur se trouve grâce à l'alcool. Dès que je me perds à repenser aux mots d'Ethan et à sa fuite, je dois me retenir pour ne pas assourdir mes pensées tumultueuses en me retournant contre mon corps. Mon cerveau embrumé se réveille tout doucement et il ne me reste plus qu'une vertigineuse sensation de vide qui se diffuse sournoisement dans mes veines. Mon grand lit me paraît froid et hostile mais je refuse de me laisser consumer par ma morosité. Quand j'arrive au bureau, je m'autorise à consulter mon téléphone pour la trente-quatrième fois depuis ce matin mais le constat est toujours le même : silence radio.
Heureusement pour moi, je passe la journée à travailler en binôme avec Marina sur un dossier que nous a confié ma responsable. Grâce à ma collègue, je réussis à faire abstraction de mes soucis personnels et à me plonger à corps perdu dans le travail. A plusieurs reprises, elle essaie de savoir ce qui me tracasse mais je ne m'épanche pas sur le sujet. Sans doute remarque-t-elle facilement mon mal-être puisqu'au moment où je rassemble mes affaires dans mon bureau pour rentrer chez moi, elle me fait barrage et me force à la suivre. Je n'ai aucune envie de me forcer à sortir ce soir mais ma collègue semble en avoir décidé autrement. Ayant sans doute décelé que j'allais me montrer coriace, elle ne s'est pas gênée pour appeler Sandra en renfort et je me retrouve rapidement obligée d'accepter leur proposition.
Quelques heures plus tard, je les remercie silencieusement de m'avoir forcé la main car je suis sûre que j'aurais passé ma soirée à me morfondre dans mon canapé. Au lieu de ça, je suis en train de me tordre de rire face aux pitreries de mes deux copines qui ont bien compris que j'avais besoin de me changer les idées. Quand nous sommes arrivées au restaurant, elles m'ont longuement questionnée sur la raison de mon moral en berne et j'ai fini par admettre à demi-mots que je m'étais disputée avec mon petit-ami. Rien que de prononcer cette phrase m'a donné envie de vomir. Elles n'ont pas insisté et un verre en entrainant un autre, nous nous sommes rapidement perdues dans une multitude de fou-rires. J'ai cependant été obligée d'engloutir quelques parts de pizza devant leurs regards désapprobateurs quand j'ai tenté de dire que je n'avais pas faim.
Au moment où je regagne mon appartement en titubant, le poids qui comprime ma poitrine refait instantanément surface. Je crois que le fait que nous ayons passé tous nos moments heureux entre mes quatre murs rend ma solitude d'autant plus difficile à supporter. D'habitude, mon estomac vide et léger comme une plume me permet de m'oublier mais ce soir, j'ai juste l'impression que mon corps est lesté d'un poids insupportable. Il me rappelle ma dispute avec Ethan, ses mots blessants et tout à coup, je ne veux plus rien ressentir de semblable. Je cours jusqu'aux toilettes déverser l'intégralité de son contenu et je me couche rapidement en essayant d'oublier ce que je viens de faire. Je ne veux pas y penser, je veux seulement apprécier cette sensation de vide qui m'habite. Je ne ressens rien et c'est très bien comme ça.
Les jours suivants passent et se ressemblent étrangement. Je sors – tantôt avec mes deux acolytes, tantôt avec mes copines de fac – je bois un peu plus que d'habitude, je ravale continuellement ma colère ainsi que mes regrets et j'essaie d'oublier Ethan. En vain bien sûr. Notre dispute me revient continuellement en mémoire alors qu'un mélange de rage et de rancœur tournoie vicieusement autour de moi. Il n'avait pas le droit de se retourner contre moi. Il n'avait pas le droit de me lâcher au moment où je commençais tout juste à reprendre pieds. Il n'avait pas le droit d'essayer de me reprendre la seule chose que je peux contrôler dans ma vie. Je lui en veux encore tellement que je ne suis pas capable de décrocher mon téléphone pour que nous ayons une explication alors que je n'ai jamais été rancunière. Mais aujourd'hui, je n'ai pas envie de prétendre ne pas avoir été profondément touchée.
Petit à petit une constatation germe dans mon esprit torturé et c'est ainsi qu'une profonde angoisse s'ancre en moi. J'ai horriblement peur qu'Ethan ne cherche pas à me contacter parce qu'il a tout simplement fait une croix sur moi. Peut-être qu'il n'a pas envie de se battre pour nous et qu'il préfère tout arrêter parce que je suis devenue trop insistante ? Cette idée me révolte autant qu'elle me rend malade. Qu'adviendra-t-il de moi le jour où l'homme dont je suis tombée violemment amoureuse décidera de tourner la page ?
Je secoue la tête pour ne pas y penser et décide de m'accorder une petite pause. Nous sommes en milieu d'après-midi et je n'ai pas levé la tête de mes dossiers de toute la journée. En ce moment, je m'oublie totalement et cela me va très bien. Quand je rejoins le couloir, je distingue rapidement mes collègues rassemblés autour de la machine à café. Je m'approche d'eux et Alessandro ne perd pas une seconde avant de m'interpeller :
-Aaah, voilà Candice ! Tiens, tu n'as pas l'air aussi en forme qu'hier soir ?
Je souris timidement, gênée d'attirer toute l'attention sur moi.
-Bonjour Alessandro.
-Prête à remettre ça ce soir ?
Je déglutis en repensant à ma soirée de la veille. Tous mes collègues avaient décidé de sortir boire un verre pour fêter l'anniversaire de Thibaud, le comptable et Marina m'a trainée là-bas. Mon amie m'a tellement aidée à me détendre que je me suis retrouvée à chanter à tue-tête et à raconter tout un tas d'anecdotes plus ridicules les unes que les autres. Mais aujourd'hui, je ne me sens pas très à l'aise de m'être dévoilée de la sorte auprès de mes collègues de travail.
-Non, ce soir je reste sagement chez moi.
-C'est dommage Candice, cette petite soirée improvisée était vraiment sympa. C'était tellement drôle de te voir te lâcher et chanter dans tous les sens. Je suis sûr qu'avec un ou deux verres en plus, j'aurais réussi à te faire danser, me taquine-t-il avec un clin d'œil appuyé.
Je n'ai pas le temps de répondre qu'un bruit sourd derrière moi nous fait tous taire. Je vois tous mes collègues se figer et perdre leur frivolité. L'ambiance se fait tout à coup lourde, comme si la légèreté qui habitait l'équipe commerciale depuis que nos responsables sont partis s'était évaporée en un claquement de doigt. Au moment où je me retourne pour découvrir ce qui se trame dans mon dos, je sens tout mon corps se réveiller. Mon sang file à toute allure dans mes veines, mes poumons retrouvent enfin tout l'oxygène qui leur manquait depuis plusieurs jours et surtout, mon cœur bat à nouveau réellement. Chacun de ses battements percute ma cage thoracique sans aucune pitié, comme s'il voulait me montrer ce que vivre signifie vraiment.
Je n'ai pas besoin de le voir pour savoir qu'Ethan est rentré plus tôt. Il se tient à l'autre bout du couloir, son corps parfaitement moulé dans son costume d'homme d'affaire qui semble avoir été taillé pour lui. Son visage fermé et totalement illisible m'hypnotise instantanément et je ne vois plus que lui. Le silence qui m'entoure bourdonne dans mes oreilles quand mes yeux commencent à se nourrir du seul homme que je n'ai jamais réellement aimé de toute mon âme. Il me semble si froid et distant que j'en frissonne. Ses traits n'ont jamais été aussi tirés, ses cernes sont gris et tellement marqués qu'on pourrait croire qu'il n'a pas fermé les yeux depuis une éternité mais ce qui me choque le plus, c'est son regard. Ses beaux yeux d'habitude si brûlants me lancent des poignards si tranchants que j'en oublie presque de respirer. Le mélange de colère et de rancœur que je lis annihile toutes mes pensées et en cet instant, j'ai tout bonnement la sensation que nous ne sortirons jamais de cette impasse.
Notre échange de regard n'a dû durer qu'une demi-seconde mais il m'a déjà chamboulée. Tout ce que je reproche à Ethan remonte comme un tsunami prêt à tout dévaster sur son passage. Il n'est certainement pas enclin à me présenter ses excuses mais il faut qu'il sache que moi non plus. Je ne compte pas m'écraser devant lui maintenant qu'il est revenu. Alors qu'il m'ignore maintenant royalement, Ethan engloutit de ses grandes jambes la distance qui le sépare de son bureau. Dans son dos, je remarque que Mme Saint-Martin vient elle aussi de regagner le second étage et l'image qu'elle nous offre me choque profondément. Elle qui est d'habitude si agréable et chic arbore aujourd'hui un visage fermé et résigné. Elle ne nous salue pas comme elle a l'habitude de le faire mais elle se contente de nous adresser un sourire crispé. A en juger par son attitude anormale, il ne fait aucun doute que leur déplacement n'a pas dû être une partie de plaisir.
Ethan s'arrête à notre hauteur avant que sa voix grave et autoritaire ne claque dans l'air.
-Tous à vos postes ! Je ne vous paie pas à jacasser.
Entendre ce son si brut qui vibre dans mes oreilles me donne envie de me jeter dans ses bras mais je me déteste instantanément. Je hais mon corps de lui appartenir de la sorte. Sans m'accorder le moindre regard, Ethan pénètre dans son bureau avant de claquer violemment la porte derrière lui. Je reste totalement stoïque après cette tornade qui vient de gronder pendant que tous mes collègues regagnent rapidement leurs bureaux sans dire un mot. Mon regard reste fixé sur la porte close qui me nargue et ma colère sourde se réveille. Comment peut-il se comporter de la sorte alors qu'il est totalement en tort ? Je n'ai jamais connu quelqu'un de si culotté mais s'il croit que je vais m'abaisser à faire le premier pas, il rêve !
Je me sers un verre d'eau avant de retourner à mon poste. Mon corps n'est plus que rage, fébrilité et exaspération. Je tape frénétiquement sur les touches de mon ordinateur et je scrute nerveusement la grande horloge, attendant impatiemment qu'elle sonne l'heure de ma libération. Je suis en train de finaliser un dossier quand je réalise qu'il faut que j'aille récupérer la maquette du projet auprès des équipes créa. Je pénètre dans l'ascenseur et me tourne pour appuyer sur le bouton correspondant à ma destination. Au moment où l'appareil est prêt à se refermer, j'entends que quelqu'un se glisse entre les portes et je ne peux m'empêcher de fermer les yeux quand ce parfum que j'aime tant taquine mes narines. J'ai envie de me gifler !
Je me retourne pour l'affronter et découvre son visage soucieux qui me scrute intensément. Aucune parcelle de mon corps n'est épargnée par son inspection, je remarque même ses sourcils qui se froncent progressivement. Quand ses yeux rejoignent les miens, nos regards de marbre se défient. Je lui montre toute la détermination et la rancœur qui m'habite. Il me répond avec sa fureur et son amertume. Lorsque nous atteignons l'étage supérieur, je le contourne pour sortir de la cabine mais il m'en empêche en empoignant brusquement mon bras.
