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-Tu n'imagines pas à quel point j'ai hâte de déguster chaque parcelle de ton corps... Crois-moi, je vais te faire payer chaque minute où tu me tiens éloigné de toi.

Je suis à deux doigts de jouir rien qu'en l'entendant me parler de la sorte. 

-Fais-moi confiance Ethan, je compte bien te mettre dans tous tes états à mon tour. 

Un sourire de prédateur se dessine sur ses belles lèvres et je n'ai plus qu'une envie : qu'il mette ses promesses à exécution. Après ce petit moment d'égarement, Ethan s'apprête à se lever quand j'ose lui poser la question qui me brûle les lèvres.

-Tu comptes faire quoi aujourd'hui ? 

-Rentrer au plus vite. Je vais finir de rassembler toutes les affaires et je demanderai à une association de venir vider la maison. Je ne veux rien avoir à faire avec tous ces souvenirs. 

Sa réponse froide me fait mal mais je le comprends au fond de moi. Son histoire avec son père a toujours été compliquée et il cherche à s'en éloigner pour mieux se relever. Qui pourrait le blâmer ?

Nous passons la matinée à entasser de vieux objets dans de vieux cartons et au moment où je pense avoir terminé, je pars à la recherche d'Ethan. Je le retrouve dans la chambre de son père, debout près d'une commode en bois dont le premier tiroir est ouvert. Dans ses mains, il tient une petite photo jaunie sur laquelle j'aperçois un jeune homme accroupi au bord d'un lac, tenant dans ses bras un petit garçon aux jambes potelées simplement vêtu d'une barboteuse bleu layette. Le petit garçon tient à peine sur ses jambes et contemple amoureusement celui qui le tient fermement. Le sourire étincelant du jeune homme contraste dramatiquement avec la mine sombre qu'arbore Ethan en cet instant. Quand il sent ma présence dans son dos, il se reprend et laisse tomber le cliché contre le vieux meuble.

-Viens, on s'en va, me dit-il en se retournant. 

Il agrippe fermement ma main et nous conduit au rez-de-chaussée. Les affaires d'Ethan sont déjà prêtes et son regard est voilé. Quand il s'apprête à fermer définitivement le verrou de cette triste maison, je prétexte avoir oublié quelque chose pour me précipiter à l'étage, récupérer le seul souvenir heureux qu'il lui reste. Je glisse la photo dans la poche arrière de mon jean's et le rejoins. Au moment où je passe devant lui, j'attrape ses clés de voiture et lui annonce vouloir conduire. Il paraît surpris mais me laisse faire. Je m'installe au volant avec une boule au ventre, je n'ai jamais conduit à gauche et j'ai tout à coup peur. Ethan se penche doucement et dépose un tendre baiser sur ma tempe. Il n'en faut pas plus pour que mon corps se remplisse de courage. 

Je suis l'itinéraire que j'ai préparé tôt ce matin et mon homme ne me pose aucune question. Cependant, lorsque je me gare devant l'entrée du cimetière, Ethan se raidit. Je coupe le moteur et me tourne doucement vers lui. 

-Ethan, avant de partir j'aimerais que tu dises un dernier au-revoir à ton père. Malgré tout ce que tu peux penser, tu as besoin de lui dire ces derniers mots. Aujourd'hui, il n'y a personne pour te juger. Je peux rester dans la voiture et t'attendre si tu souhaites être seul avec lui. Mais s'il te plait, fais-le. Pour toi et pour lui.

Mon cœur arrête de battre l'espace de quelques secondes. Ethan se prend la tête entre les mains et souffle longuement. Je suis nerveuse et je retiens ma respiration. Puis, viens la délivrance. 

-Je ne pourrai pas le faire sans toi, murmure-t-il doucement.

-Alors je viens, je lui réponds sur un ton décidé. 

Nous sortons tous les deux de la voiture et nous dirigeons fébrilement vers la tombe de son défunt père. Je sens toute l'appréhension qui habite Ethan et mon estomac vide depuis plusieurs jours se contracte douloureusement. Quand nous atteignons notre destination, je ressens un pincement un cœur en voyant le peu de marques d'affection qui ont été déposées. A peine quelques bouquets et une plaque. Rien de plus. 

Ethan reste silencieux un long moment mais il ne lâche pas ma main, au contraire, il la serre si fort que le sang ne circule plus dans mes veines. Mais qu'importe, si ce geste peut l'aider, alors je ne l'en empêcherai jamais. 

-Papa... c'est, c'est moi. Tu dois surement te demander ce que je fous là... ouais, je comprends, moi aussi je ne sais pas trop en réalité. J'ai passé ma vie à t'éviter et maintenant que t'es parti, t'es partout. J'ai... putain, t'es à la fois si près et si loin de moi, ça me rend fou ! J'ai peut-être 33 ans, je suis toujours ce petit garçon qui n'attend qu'une chose, que son père le regarde enfin. Et je déteste ça. Je déteste me sentir faible face à toi. Tu as gâché ma vie et t'es parti sans qu'on puisse... je sais pas, peut-être qu'on aurait pu se parler. Rien qu'une fois. Mais c'est trop tard maintenant.

Ma gorge se noue et des larmes perlent au coin de mes yeux. 

-On n'ira jamais voir la mer ensemble, papa. On ne jouera plus au foot ensemble comme quand j'étais petit. Et la taverne de Murphy sera toujours un peu vide sans toi. Parce que j'ai beau t'en vouloir de toutes mes forces, putain, qu'est-ce que tu me manques ! 

Sa voix se brise et Ethan essuie rageusement quelques larmes du revers de sa main. 

-Je voudrais m'excuser pour les derniers mots que je t'ai dits. J'aimerais te dire que je ne les pensais pas mais... la vérité c'est que je ne sais pas. J'aimerais ne pas les penser et je fais tout mon possible pour les regretter Papa, je te le promets. Et si je suis assez fort, peut-être qu'un jour je reviendrai ici pour te demander pardon. Je... je vais essayer de ne retenir que les beaux souvenirs. Nos fous rires quand tu laissais cramer des plats dégueulasses, les sprints qu'on devait faire quand on allait piquer des légumes dans le jardin de Mme Maligary et qu'elle nous pourchassait, toutes les soirées que j'ai passées à t'observer danser entre les tables chez Murphy et toutes les nuits où je me réveillais en hurlant parce que j'avais encore fait ce même cauchemar. Je me souviens encore du goût du lait et du miel que tu me préparais pour me consoler.

Ethan s'accroupit devant la tombe de son père tout en tenant toujours ma main dans la sienne. 

-Je te promets d'essayer d'oublier nos heures sombres et nos rancoeurs. Putain, je ne sais pas du tout comment faire mais je vais essayer. Je n'ai surement pas été le fils que tu aurais aimé avoir, tu as fait un tas d'erreurs en tant que père mais la vie nous a choisis pour être liés à tout jamais. Je ne veux plus lutter contre toi, je n'en ai plus la force. Et puis, ce serait lâche de se battre contre quelqu'un qui ne peut plus se défendre. Alors pour la première fois de ma vie, je te promets d'essayer de nous pardonner. Laisse-moi juste un peu de temps. Et j'espère... j'espère vraiment que je pourrais revenir ici te parler le cœur léger... Au revoir, Papa. 

Dans un silence pesant, Ethan se relève, plante ses yeux dans les miens et m'offre un faible sourire. Je me précipite dans ses bras et il me serre fort contre lui. 

-Allez viens, on rentre, me murmure-t-il à l'oreille. 

Nous quittons le cimetière et Ethan nous conduit jusqu'à l'aéroport pour sauter dans le prochain vol à destination de Paris. Malgré ses tourments, je remarque immédiatement que son corps est légèrement moins crispé. Il a réussi à ouvrir son cœur et à parler une dernière fois à son père. Je ne pourrais pas être plus fière de lui en cet instant. 

Quand il gare la voiture sur le parking de l'aéroport, Ethan se tourne vers moi et prend mon visage en coupe. 

-On reste ensemble maintenant. Quoiqu'il arrive c'est toi et moi.

Ses mots sincères effleurent délicatement mes lèvres et je comprends que mon cœur lui appartient définitivement. Peu importe ce qu'il restera de nous au bout du chemin, je serai toujours un peu à lui. Et je n'ai plus peur.

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