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21

              

                    

Son baiser est soudain, légèrement brusque et plus appuyé qu'à l'accoutumée. Ses lèvres se montrent sous un nouveau jour, plus voraces et affamées. Pour la première fois depuis que nous nous fréquentons, sa langue s'infiltre dans ma bouche pour venir s'enrouler maladroitement à la mienne. 

-A l'avenir, veuillez éviter ce genre de démonstration sur votre lieu de travail mademoiselle Dumin.  

Immédiatement, je pose mes deux mains sur les bras de Gabriel pour le repousser et je décale ma tête. Une désagréable sensation s'est infiltrée dans mes veines, le regard accusateur d'Ethan s'est gravé dans ma chair alors que le désir que je lis dans celui de Gabriel me tord le ventre. Mes collègues continuent d'affluer à nos côtés pour reprendre le travail et je n'ai pas le temps de tergiverser trop longtemps à propos de ce qui vient juste de se passer. Gabriel se penche pour me déposer un nouveau baiser sur les lèvres mais je me raidis et recule pour l'éviter. Immédiatement, Gabriel fronce les sourcils et m'interroge du regard. 

-Excuse-moi mais... ça me gêne de me donner en spectacle devant mes collègues. Je n'ai pas l'habitude, je suis plutôt réservée tu sais. 

J'essaie de l'amadouer afin de ne pas le brusquer et même s'il acquiesce en souriant, je sens bien que ma réaction l'a quelque peu renfrogné. Mais je suis bien obligée d'avouer que la simple idée d'avoir accepté un baiser de Gabriel sous les yeux d'Ethan me vrille les entrailles. Même si mon attitude est complètement injustifiée, je ne peux pas m'empêcher d'avoir le sentiment d'avoir trahi Ethan. Ma pauvre Candice, c'est lui qui te ment et te manipule en te cachant l'existence de sa femme et toi tu culpabilises pour un pauvre baiser avec ton... « petit-ami » ? Tu ne lui dois absolument rien !  

Je rejoins mon bureau alors que la voix de ma raison tente toujours de faire taire ma culpabilité mal placée. Quand j'arrive au second étage, je vois Ethan faire les cent pas devant l'entrée de mon bureau. Son visage est sombre, ses poings blanchis et son corps tout entier est tendu. Lorsqu'il entend que je m'approche de lui, il pivote brusquement et ses iris noirs de colère me lancent des éclairs. Il ne perd alors pas une seconde pour réduire la distance nous séparant et se plante devant moi, me surplombant de toute sa magnificence. Un mélange détonant de désir et de gêne s'empare de moi et je redoute alors le moindre mot qui va passer la barrière de ses lèvres délicieuses. Mon cœur bat la chamade, je n'ose pas respirer tant j'appréhende les secondes qui virevoltent autour de nous et je me mets à triturer nerveusement mes doigts sans m'en rendre compte. 

La voix rauque si électrisante de mon patron claque dans l'air et je me liquéfie sur place quand son ton froid et cassant s'abat sur moi. 

-Prenez vos affaires et rejoignez-moi en bas dans cinq minutes. Nous partons dans les locaux de Dior. 

Il tourne les talons et disparaît dans l'ascenseur. Je sors de ma transe et me dépêche de rassembler mes affaires et mon dossier avant de regagner le rez-de-chaussée. Mon ventre est si noué et mes jambes tremblent si fort que je peine à avancer correctement. Je repère la voiture d'Ethan garée devant la porte d'entrée et je me hâte de m'engouffrer dans le véhicule. Le silence nous entourant pendant tout le trajet est pesant et angoissant. A plusieurs reprises, je prends mon courage à deux mains et pose mon regard sur le visage soucieux et torturé d'Ethan. La fatigue déforme toujours ses traits mais ce qui me frappe instantanément, c'est la colère qui a pris possession de tout son être. Son corps tout entier est raide, comme s'il se préparait à attaquer ou qu'il cherchait par tous les moyens à se maitriser pour ne pas exploser.

J'ai le droit de fréquenter qui je veux. Alors pourquoi est-ce que je me sens si mal ? 

Notre rendez-vous se passe très bien, comme à son habitude Ethan joue au patron parfait et aucun de nos collaborateurs ne peut s'imaginer une seule seconde que nous nous tenons tous deux dangereusement au bord d'un précipice destructeur. En revanche, une fois que nous reprenons la route pour rentrer, l'atmosphère se charge à nouveau d'électricité. Ethan garde les yeux rivés sur la route et ses iris noirs ne daignent même pas me porter la moindre attention. Il roule vite mais sa mâchoire contractée à l'extrême ne me pousse pas à briser la glace. Une colossale boule d'angoisse s'est logée au plus profond de mon estomac et je tente de toutes mes forces de paraitre indifférente à ce gouffre effrayant qui nous sépare constamment. 

Les secondes passent comme des heures et le silence qui nous oppresse commence à me rendre folle. J'ai envie de secouer Ethan et de lui demander pourquoi il se comporte ainsi avec moi, soufflant le chaud et le froid suivant ses envies. J'aimerais savoir pourquoi il me jette sa froideur au visage depuis qu'il a vu Gabriel m'embrasser alors que je n'ai aucune leçon à recevoir de lui. Je voudrais crier, hurler même et l'enlacer si fort que sa colère disparaitra à tout jamais. Mais je ne fais rien parce qu'au-delà de la confrontation, je redoute surtout ses réponses. Je reste donc immobile, recroquevillée sur mon siège, le cœur au bord au bord des lèvres et le corps si tendu que j'ai mal dans chaque parcelle de ma peau. 

Quand nous arrivons sur le parking de la soierie, je remarque qu'Ethan se gare tout au fond du parking, sur le côté du bâtiment. Il éteint le moteur de son véhicule et garde les yeux rivés droits devant lui, perdus au fin fond de pensées torturées. Immédiatement, je pose ma main sur la poignée afin de m'extraire au plus vite de cet enfer mais Ethan verrouille avec précipitation les portières, anéantissant ainsi instantanément mon mince espoir d'éviter une confrontation. Essayant maladroitement de maitriser l'exaspération qui se fraye un chemin dans mes veines, je me tourne vers Ethan et lui demande, la mâchoire serrée :       

-Ouvre-moi. 

Quand mes paroles l'atteignent, il pivote brusquement la tête pour enfoncer ses pupilles assassines dans les miennes. J'ai l'impression qu'il attendait que je prenne la parole pour lancer les hostilités. Et nous y voilà. 

-Tu t'es bien foutu de ma gueule, hein ? me lance-t-il dans un rire cynique et vide. 

Je sais exactement à quoi il fait allusion et ma colère commence à prendre possession de moi. Sans plus réfléchir, je défais ma ceinture et approche inconsciemment mon corps du sien tout en agitant convulsivement mon doigt sous son nez. 

-Alors là, Ethan, un conseil : ne t'engage pas sur ce terrain miné. Je n'ai aucun compte à te rendre et tu n'as absolument pas le droit de me faire le moindre reproche. Maintenant, ouvre cette portière ! 

Je fais de mon mieux pour ne pas m'emporter mais je sais pertinemment que je ne pourrai pas me maitriser très longtemps. Je vois la respiration d'Ethan s'accélérer et son regard noir et plein de reproches transperce mon âme. Son visage fermé s'approche encore un petit plus près du mien. 

-Et dire que pendant tout ce temps, je me prenais la tête pour rien ! Tu n'as pas perdu de temps pour passer à autre chose apparemment. Il laisse planer un lourd silence quelques secondes puis reprend. Quand je pense à tes belles leçons de moral... Tu me fais bien rire ! 

-De nous deux, Ethan, ce n'est pas moi qui ai tout gâché. Ce n'est pas moi qui suis mariée et ce n'est pas moi qui rejoignais quelqu'un d'autre le soir quand on se fréquentait. A l'époque, j'étais entièrement libre et prête à me consacrer à toi d'une manière ou d'une autre, mais ce temps est révolu. Tu as tout détruit et j'essaie juste de me relever comme je peux. 

Je scrute frénétiquement le tableau de bord à la recherche d'une issue de secours tout en retenant les quelques larmes qui tentent de perler au coin de mes yeux. Le visage d'Ethan se tient dangereusement près du mien et je peux maintenant distinguer une lueur poignante de culpabilité traverser ses beaux iris. Au moment où j'appuie avec soulagement sur le bouton pour déverrouiller les portes, j'ignore avec douleur tout ce que ses reproches provoquent en moi. Le cœur martelant ma poitrine, je quitte le regard dévastateur d'Ethan et ouvre ma portière mais Ethan agrippe instinctivement mon bras gauche et me tire jusqu'à lui. 

Mon cœur se décroche immédiatement de ma poitrine et se met à flotter fébrilement autour de nous. Il ne tient qu'à Ethan de l'exploser violemment au sol ou de le capturer délicatement pour le garder précieusement tout contre lui. Suspendue à ses lèvres, je retiens ma respiration. Sa main gauche se pose alors avec la plus grande délicatesse sur ma joue et son pouce se met à effleurer lentement ma pommette. Sa douceur me désarme immédiatement et mon corps s'affaisse légèrement, l'autorisant ainsi à m'approcher plus que de raison. Je ne peux m'empêcher de fixer avidement ses belles lèvres charnues lorsqu'elles s'entrouvrent pour m'asséner le coup de grâce. 

-Je ne veux plus jamais revoir ça. Plus jamais, tu m'entends ? murmure-t-il les yeux fermés.

            

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