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Mon travail à la soierie me satisfait et le fait d'avoir réussi le projet Royal Beauty a renforcé la confiance que je porte envers mes compétences professionnelles. Le seul point problématique sur mon lieu de travail reste... Ethan et notre relation très particulière que nous avons tissée au fil des semaines. Malgré toute l'attirance et l'attention que je lui porte, je sais que je dois absolument m'éloigner de lui au plus vite. Il n'a pas de place pour moi dans sa vie et il n'a pas hésité à me mentir pour me faire croire le contraire. Les derniers évènements qui ont ponctué ma vie m'ont fait prendre conscience d'une chose importante : je dois arrêter de me sacrifier pour faire le bonheur des autres. Ethan ne peut pas m'apporter un quelconque bonheur et je refuse de le laisser me briser le cœur.
Chaque soir, je dine avec Gabriel au coin du feu après avoir cuisiné pour nous deux. J'ai toujours aimé concocter de bons petits plats et renouer avec ce plaisir simple m'aide à retrouver la quiétude qui m'a tristement quittée. Pendant le repas, j'écoute Gabriel s'ouvrir et me faire une place dans sa vie tout en me demandant si je la mérite réellement et si je serais un jour capable de lui donner tout l'amour qu'il devrait recevoir.
Jeudi soir, nous passons notre dernière soirée en tête à tête. J'ai passé toute la semaine à m'oxygéner dans la nature et à me recentrer sur mes envies les plus profondes. J'ai réalisé que la présence de Gabriel et ses attentions me permettent de reprendre confiance en moi et de me sentir valorisée. Il pose toujours sur moi un regard rempli d'affection et de tendresse qui me réchauffe le cœur. Il a su me laisser l'espace dont j'avais besoin cette semaine tout en gardant un œil protecteur sur moi et j'ai réussi à digérer l'attitude dévastatrice de mes parents. Je ne ferais jamais leur fierté, j'en suis tout à fait consciente, mais je commence également à intégrer le fait que je ne dois pas construire ma vie pour eux.
Alors que je suis en train de sortir le gratin du four, Gabriel sort chercher quelques buches pour raviver le feu. J'entends alors un cri sourd et je me précipite dehors pour le trouver étalé dans la neige. Il commence à rire tout en se relevant et en m'expliquant qu'il s'est emmêlé les pieds dans ses lacets défaits quand tout à coup, il tombe à nouveau la tête la première dans la neige. Je ne peux alors plus réprimer un sincère et profond rire qui me traverse de la tête aux pieds. Je ris à gorge déployée, je ris de tout mon être et je dois même me tenir le ventre tellement je ne peux plus m'arrêter. Gabriel se relève et me pousse à l'intérieur du chalet tandis que je ris toujours aux éclats et nous mettons un moment à nous remettre de cette crise de fou rire. Mon dieu, que cela est agréable de rire le cœur léger !
-Arrête de te moquer de moi et passe à table, me lance Gabriel avec un clin d'œil.
Il nous sert deux verres de vin et nous trinquons.
-C'est notre dernière soirée rien que tous les deux... je lui murmure sur un ton nostalgique.
-Si je te manque trop les prochains soirs, tu pourras toujours t'incruster dans ma chambre, me répond-t-il sur un ton grivois.
Je rougis instantanément, plus gênée que jamais mais Gabriel n'en a pas fini avec moi.
-J'adorerais découvrir ton beau visage au réveil, enroulé dans mes draps ou dans mes bras, comme tu préfères...
Il me regarde intensément et je devine aisément qu'il ne joue plus. Il ne m'a jamais caché ses intentions envers moi et notre proximité s'est accentuée cette semaine. Cependant, je n'ai pas encore oublié Ethan et je ne suis pas prête à tourner la page et à m'engager auprès d'un autre homme.
-Pour l'instant, à part nos moments de complicité actuels, je ne suis pas sûre d'être capable de t'offrir plus. Tu m'as récupérée alors que j'étais au plus mal et je dois prendre soin de moi.
-Je t'ai toujours dit que je te laisserai tout le temps qu'il te faudra, ma jolie Candice. Et crois-moi, je serai là pour toi, comme je l'ai été dimanche soir.
Je relève la tête et lorsque mes yeux plongent dans les siens, je comprends qu'il est temps pour moi de lui ouvrir mon cœur. Il le mérite. Alors je ferme brièvement les yeux, j'inspire profondément et je me lance.
-Depuis que je suis toute petite, mes relations avec mes parents ont toujours été... compliquées. Ils en attendaient énormément de moi, ils avaient des ambitions gigantesques pour moi et je n'ai pas réussi à les satisfaire. Plus les années passaient, plus ils se montraient autoritaires et exigeants. Je mettais un point d'honneur à être la meilleure dans tout ce que j'entreprenais et j'y parvenais, la plupart du temps. Mais ils avaient toujours des reproches à me faire. Quoiqu'il arrive, je n'étais jamais assez bien pour eux. Alors je me suis construite en suivant leur dictat et en calquant leurs envies sur les miennes. Puis les années ont passé et j'ai pris mon indépendance. J'ai découvert alors ce qu'est de vivre paisiblement mais ce répit n'a été que de courte durée. Ils sont régulièrement revenus à la charge, me rappelant que je les décevais constamment. J'ai toujours réussi à garder la face même si au fond de moi, leur mépris me détruisait petit à petit. Mais dimanche...
Ma gorge se noue tandis que Gabriel attrape ma main et la serre fort pour me donner du courage.
-Dimanche, ils se sont montrés plus exécrables que jamais. Je n'ai rien fait pour mériter leur méchanceté et je crois que je ne comprendrais jamais leur attitude envers moi. J'ai essayé de me montrer forte mais leurs attaques étaient d'une telle violence que j'ai échoué. Je me suis écroulée et je me suis enfuie.... Il faut que tu comprennes que... j'ai toujours agi pour eux, comme eux le souhaitaient et au final, je ne sais plus vraiment qui je suis. Pour la première fois de ma vie, je dois vivre pour moi-même et je suis perdue. Je suis en train de me découvrir et cet endroit où tu m'as emmenée...
Je lève les yeux et contemple ce petit chalet chaleureux qui m'a accueillie alors que j'étais au plus mal.
-Ce petit coin de paradis que tu m'as offert ainsi que ta gentillesse et ta tendresse m'ont permis de réaliser que la vie est faite de plaisirs simples qui créent à eux seul une bulle de bonheur. Et je veux construire ma propre bulle de bonheur. Je le veux vraiment... et je ne pourrais jamais assez te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi ces derniers jours... je ne sais pas si tu t'en rends compte mais... tu m'as sauvée... tu m'as sauvée du froid, de la solitude et de moi-même.
Pour la première fois depuis douze jours, je ne verse pas de larme. Je me sens tout à coup beaucoup plus légère et mes lèvres s'étirent pour offrir à Gabriel un sourire éclatant. Il tient toujours ma main fermement dans la sienne et ses yeux sont brillants. Nous sommes tous les deux émus mais pas pour les mêmes raisons. Gabriel esquisse un geste pour que je me lève et je m'exécute. Il me fait assoir sur ses genoux puis sa main quitte la mienne pour venir se poser sur ma joue. Rapidement, ses deux paumes encerclent mon visage alors que mon rythme cardiaque s'accélère. Pas d'excitation mais simplement parce que je ne suis pas prête et que j'ai profondément peur que la magie de cette soirée ne s'envole à tout jamais.
Délicatement, Gabriel pose ses lèvres sur mon front puis dépose un tendre baiser appuyé. Mon cœur peut se calmer, une fois de plus cet homme si avenant a su agir en parfait gentleman. Sa bouche toujours collée à mon front, il susurre :
-Merci de me faire à ce point confiance Candice.
Nous restons ainsi silencieux un moment, seulement bercés par le crépitement du feu dans la cheminée. Je réalise alors que demain, ses cousins envahiront notre quiétude et je ressens un léger pincement au cœur lorsque je comprends que cette parenthèse s'achève bientôt. Dans quelques heures, je serai entourée de personnes joyeuses venues faire la fête et je me promets de faire tout mon possible pour ne pas plomber l'ambiance. Je vais essayer de m'amuser, vraiment m'amuser. Je penche alors la tête pour lui chuchoter à l'oreille :
-Je crois que je suis prête à faire la fête avec vous demain...
Instantanément, Gabriel me sert plus fort contre lui et je vois ses lèvres s'étirer en un beau sourire. Il colle alors à son tour ses lèvres à mon oreille pour me glisser ces mots :
-Par contre ma jolie Candice, il faut que tu arrêtes de coller ta sublime poitrine contre moi parce que je ne sais pas si je vais réussir à terminer sagement la semaine !
Je me redresse immédiatement et quitte ses genoux dans la seconde. Gabriel quant à lui m'offre un petit sourire en coin qui n'a rien de sage tout me demandant « Bah quoi ?! ».
Je retrouve le Gabriel dragueur de nos débuts et je ne sais absolument pas comment je vais parvenir à le tenir à distance jusqu'à la fin de la semaine.
