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Chapitre 7

Chapitre 7 : Vérités entre hommes

Point de vue de Maxence

Le silence était lourd dans le salon. La nuit tombait doucement derrière les grandes baies vitrées du palais, teintant les murs de reflets ambrés. Le corps avait été nettoyé, les traces effacées, comme si rien ne s’était passé. Mais le sang, lui, restait présent dans l’air. Froid. Discret. Persistant.

Alejandro était adossé au dossier du canapé en cuir noir, une cigarette non allumée entre les doigts, le regard fixé sur un point invisible au sol. Moi, je tournais un verre de whisky dans ma main, debout face à lui. Ce fils-là, c’était le plus imprévisible. Le plus dangereux. Et celui en qui j’avais le plus confiance.

Je brisai le silence d’un ton calme :

— Et ta mère ? Elle va bien dans son nouveau mariage ?

Il releva les yeux vers moi. Un rictus étira légèrement ses lèvres.

— Elle vit sa belle vie. Profite à fond. Champagne, bijoux, villas… Elle s’en fout de tout.

Je haussai les épaules.

— Tant mieux. Elle m’a jamais manqué. Elle est partie comme une voleuse, tu te souviens ? Du jour au lendemain. Un type plus riche. Plus docile. Mais j’étais pas amoureux, donc… ça m’a rien fait.

Alejandro alluma sa cigarette, aspira longuement.

— J’ai toujours trouvé ça fou… Vous étiez mariés, elle t’a planté comme une merde. Et toi, tu restes impassible.

— L’amour, c’est pas pour nous, fiston, dis-je en buvant une gorgée. Du moins, c’est ce que je croyais…

Il me lança un regard perçant.

— C’est justement pour ça que je pige pas. Pourquoi tu t’es marié ? Et avec une fille qui a quasiment mon âge ? Je t’ai toujours connu allergique aux chaînes.

Je posai lentement mon verre sur la table basse. Je croisai les bras, appuyé contre le mur.

— C’était pas vraiment un choix. C’était un contrat. Sa mère est venue me supplier. Elle allait tout perdre. Elle m’a offert sa fille pour sauver son patrimoine.

Le silence tomba. Même la cigarette d’Alejandro sembla cesser de crépiter.

Il serra la mâchoire.

— Mierda. Merde… Tu peux pas faire ça. C’est pas toi, ça.

Je soufflai doucement, la tête basse.

— Je sais. Je suis pas fier de ce que j’ai fait. Mais j’avais besoin… d’une présence. D’une femme. Pas pour l’aimer. Juste pour combler un vide. Je pensais que ce serait simple.

— Et Aurélia ? Elle dit quoi dans tout ça ? demanda-t-il, sa voix plus rauque.

Je me redressai, mon regard plongé dans le sien.

— Elle est là contre son gré. Elle ne m’aime pas. Elle ne m’apprécie même pas. Et je peux pas lui en vouloir. Mais je te jure… je la force à rien. Je la respecte. Je la touche pas.

Alejandro tira sur sa cigarette et relâcha la fumée lentement, le visage fermé.

— C’est dur à entendre, tu sais. Voir mon père épouser une fille qui pourrait être ma copine… ça me fout un truc bizarre au fond.

Je hochai lentement la tête.

— Je comprends. Mais je peux pas revenir en arrière. Je peux pas la laisser maintenant. Elle est à moi, Alejandro. Pas comme une propriété… mais comme une responsabilité. Et je veux… prendre soin d’elle, d’une manière ou d’une autre.

Il se leva, contourna le canapé, puis se posta à quelques pas de moi.

— Si un jour tu lui fais du mal… je te jure, père ou pas, je te le ferai payer.

Je soutins son regard, un sourire triste au coin des lèvres.

— Je n’en attendais pas moins de toi.

Point de vue d’Aurélia

La maison — non, le palais — était silencieux ce matin-là. Trop silencieux. Même les murs semblaient retenir leur souffle. Je n’avais pas dormi. Comment le pourrais-je ? Je m’étais réveillée plusieurs fois avec l’image du cadavre, allongé dans l’herbe, le sang s’étalant comme une mer autour de lui. Et ce garçon… non, cet homme. Le fils de Maxence. Alejandro.

J’avais erré dans les couloirs, pieds nus, en robe de chambre blanche. J’avais besoin d’air, de lumière. De quelque chose de vivant. J’ai fini par descendre, guidée par l’odeur du café. La cuisine était immense, vide. Alors je suis allée vers la bibliothèque — un endroit calme, dont les grandes fenêtres donnaient sur le jardin. Le parquet grinçait sous mes pas.

Et puis je l’ai vu.

Alejandro.

Il était là, adossé au rebord de la fenêtre, une tasse de café à la main. Sa silhouette était droite, détendue, presque insolente. Il ne m’avait pas vue. Ou peut-être que si. Son regard sombre s’est posé sur moi au moment où j’ai hésité à faire demi-tour.

— Bonjour, señora, dit-il doucement, avec cet accent hispanique qui rendait ses mots plus doux qu’ils ne le devraient.

Je me figeai. Mon cœur battait un peu trop vite.

— Bonjour…

Je n’arrivais pas à le regarder trop longtemps. Il dégageait quelque chose d’étrange. Un mélange de danger, d’élégance, et… d’interdit.

Il m’observa, de haut en bas, sans aucune gêne. Je sentis mes joues chauffer malgré moi.

— Vous êtes toujours aussi… pâle ? demanda-t-il, le ton neutre.

Je pris une inspiration.

— Je crois que je ne suis pas encore habituée à… tout ça. À ce genre de scène.

Il sourit sans joie.

— Mon père ne vous a pas prévenue ? Ce genre de choses, ici, c’est presque banal.

Il but une gorgée, les yeux toujours posés sur moi. Je me sentais comme une souris devant un chat. Mais un chat… séduisant. Troublant. Dangereux.

— Vous avez l’air jeune, dit-il en haussant un sourcil. Plus jeune que moi, même. C’est étrange… de vous appeler “belle-mère”.

Je déglutis.

— Vous n’êtes pas obligé de m’appeler comme ça. Aurélia suffit.

Il s’approcha, lentement. Pas de manière menaçante, mais… calculée. Il se tenait désormais à un mètre de moi. Je pouvais sentir son parfum. Quelque chose d’épicé, de profond.

— Vous savez que ce mariage est absurde, n’est-ce pas ? demanda-t-il à voix basse.

Je le fixai, droite, digne malgré ma peur.

— Je n’ai pas choisi.

Il acquiesça. Son regard s’adoucit une seconde.

— Je le sais. Ça se voit dans vos yeux. Vous êtes prisonnière ici.

Ma gorge se serra. Il avait vu à travers moi.

— Et vous ? dis-je sans réfléchir. Vous aussi, vous êtes prisonnier ?

Il rit doucement. Un rire bref, amer.

— Non. Moi, je suis le prédateur. Je choisis mes chaînes.

Un silence lourd suivit. Il me regardait toujours. Et je ne savais plus si j’avais envie de fuir… ou de rester là encore un peu.

Il fit un pas en arrière.

— Faites attention à vous, Aurélia. Mon père n’est pas le seul danger ici.

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