Chapitre 7 : L'Éveil du Cœur

Lyana

Le vent soufflait fort dans la clairière, enroulant les feuilles mortes dans des spirales tourbillonnantes. Je me tenais au centre du cercle d’arbres anciens, la tête levée, écoutant la voix de la forêt résonner dans mon esprit. Je n’avais plus de doute, plus de crainte : j’étais en elle, et j'étais la forêt. Chaque pulsation de la terre, chaque souffle du vent, chaque chant des oiseaux qui s’élevaient dans les cieux, tout cela faisait partie de moi. Pourtant, malgré cette connexion profonde, quelque chose me perturbait. Je sentais une pression dans ma poitrine, une sensation étrange et oppressante, comme si la forêt ne se contentait pas de m’accepter, mais m’étouffait lentement.

"Je suis la forêt. Et toi, tu es mienne." La voix était douce, presque tendre, mais il y avait une menace insidieuse dans chaque mot.

Je fermai les yeux, cherchant à comprendre. La magie qui m’avait envahie depuis que j’avais accepté le pouvoir se manifestait par une chaleur étrange qui parcourait mon corps, comme un liquide brûlant se répandant dans mes veines. Mais avec cette chaleur venait une lourdeur, une sensation de perte de contrôle. Je ne me sentais plus vraiment humaine. J’étais devenue une entité à part entière, un mélange d’âme et de nature, un être entre deux mondes.

Je pris une grande inspiration, mon esprit s’efforçant de trouver un équilibre. La forêt semblait m’attirer plus profondément, me capturer dans son étreinte invisible. Mais je résistai. Non. Je ne pouvais pas me laisser engloutir, je devais comprendre ce qu’il se passait, comprendre les véritables intentions de ce pouvoir que j’avais accepté.

"Je ne suis pas juste un instrument de la forêt," murmurai-je à moi-même, mes doigts serrant les racines du sol sous mes pieds. "Je suis encore moi. Je dois rester moi."

Un frisson parcourut mon corps alors que la voix dans mon esprit se fit plus insistante, plus pressante. "Tu l’es, Lyana. Mais ne le perds pas de vue : ce que tu as accepté n’est pas un cadeau. C’est un lien éternel. Un sacrifice."

La forêt semblait m'absorber à chaque instant. Les racines, invisibles à l’œil nu, s'enroulaient autour de mes pieds, se faufilant dans ma peau, comme des fils invisibles qui me reliaient à ce monde primitif. C'était comme si les arbres, les plantes, la terre elle-même étaient vivants, et que tout cela m’entourait, m’observait, m’attendait.

À cet instant, je sentis une présence à mes côtés. Alden. Il était là, mais je ne l’avais pas entendu arriver. Il était en silence, une aura de tension émanant de lui. Il me regardait, inquiet, mais aussi étrangement fasciné.

"Lyana, que fais-tu ici ?" Sa voix était grave, pleine de préoccupations. Il savait que je m’étais éloignée de la cabane, mais il n’avait pas anticipé que je m’aventurerais aussi loin dans le cœur de la forêt.

Je me tournai lentement vers lui, mes yeux brillants d’une lueur nouvelle, comme une flamme douce mais inextinguible. "Je comprends maintenant, Alden. Je comprends ce que la forêt veut de moi." Je marquai une pause, mon regard se perdant dans les profondeurs de la nuit. "Elle veut plus que ma protection. Elle veut mon âme."

Alden s’avança d’un pas, son regard s’assombrissant. "Tu veux dire que ce n’est pas un pouvoir… c’est un emprisonnement ?"

Je baissai les yeux, mais mes mains, couvertes de sève et de terre, s’étaient changées en quelque chose de presque surnaturel. Les racines, comme des extensions de mes propres mains, s’enroulaient autour de mes bras, se tordant avec une force étrange, mais je n’y prêtais plus attention. Ce lien, cette magie, faisait maintenant partie de moi.

"Ce pouvoir ne m’a pas seulement donnée à la forêt, Alden. Il a pris une partie de moi. Une partie que je ne pourrai jamais récupérer." Je levai les yeux vers lui, une tristesse infinie dans le regard. "Je suis liée à elle pour l’éternité. Et plus je chercherai à m’en détacher, plus je m’enfoncerai dans son ombre."

Alden s’approcha de moi, son visage marqué par la peur et l’incompréhension. "Mais tu peux encore nous sauver, Lyana. Nous pouvons encore fuir. Ce n’est pas trop tard. Ce pouvoir, ce n’est pas toi. Ce n’est pas ce que tu veux."

Je secouai la tête, luttant pour retenir les larmes qui menaçaient de couler. "Non, Alden. Ce n’est pas aussi simple. Je… je suis cette forêt maintenant. Elle est moi. Mais je dois savoir, comprendre… pourquoi elle a besoin de tout cela."

Soudain, la terre sous nous trembla légèrement. Un rugissement, un son sourd et profond, émana du sol, comme si un être ancien, endormi depuis des siècles, venait d'émerger. La forêt semblait se réveiller, ses racines et ses branches se tordant dans un enchevêtrement de vie et de mort. Je sentis la chaleur du pouvoir monter en moi, prête à me submerger.

"Lyana !" appela Alden, sa voix pleine de terreur. "Que se passe-t-il ?!"

Mes yeux brillèrent d’une lumière étrange alors que je levais les mains devant moi. La forêt était vivante, respirant avec moi, en moi. Je pouvais sentir le flux de la magie, ce pouvoir ancien, battre comme un cœur battant à l'unisson avec le mien. Je compris alors. Ce n’était pas juste un lien. C’était une entité qui vivait en moi. Et il était trop tard pour revenir en arrière.

"Je dois aller au centre de la forêt", dis-je, ma voix calme, mais teintée d’une autorité nouvelle, une autorité que la forêt m’avait donnée. "Il est temps de découvrir ce que ce pouvoir réclame de moi."

Alden s’élança vers moi, me saisissant par les bras, ses yeux suppliants. "Non, Lyana, ne fais pas ça. Ce n’est pas ce que tu veux !"

Mais je, les yeux pleins de détermination, le repoussai doucement. "Je n’ai plus le choix. Je vais au cœur de la forêt. C’est là que tout a commencé. Là où la véritable magie réside."

Et avant qu’Alden n’ait le temps de me retenir, je m’élançai dans les ténèbres de la forêt, mes pas légers comme des ombres, mais mon cœur battant avec une force dévorante. La forêt me guidait. Et j’allais découvrir, au prix de ma liberté, quel terrible secret se cachait dans les entrailles de cet endroit ancien et puissant.

La voix de la forêt, maintenant plus claire et plus insistante, se fit entendre dans mon esprit. "Va, Lyana. Va et découvre. Mais souviens-toi, tout pouvoir a un prix."