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Chapitre 4. Le frisson d'un appel inconnu

Ma journée avait été longue et éprouvante. Au bureau, j’avais été submergée par des dossiers à finaliser, des calculs à vérifier et des réunions interminables. Mais malgré cette charge de travail, une seule pensée ne cessait de me hanter : René.

Pourquoi cet homme, rencontré à peine hier, occupait-il autant mon esprit ? Était-ce à cause de la manière dont il m’avait abordée, avec ce mélange d’assurance et de respect ? Ou bien était-ce simplement parce que, depuis trois mois, je n’avais plus laissé personne frôler mon cœur ? Je n’avais pas de réponse, mais je sentais au fond de moi que quelque chose avait changé.

En arrivant enfin chez moi, je poussai un long soupir de soulagement. L’air du soir était plus frais, apaisant après la chaleur accablante de la journée. J’ouvris la porte et déposai mon sac sur la table du salon avant de me diriger directement vers ma chambre.

Je me laissai tomber sur le lit, le corps épuisé, mais l’esprit toujours en alerte. Les mots de René tournaient en boucle dans ma tête. Je n’avais pas eu ce genre de trouble depuis longtemps. D’ordinaire, après une rencontre, je parvenais à garder une certaine distance émotionnelle. Mais là, c’était différent.

À peine avais-je fermé les yeux qu’une voix douce mais espiègle retentit depuis le couloir.

— Grande sœur, tu es rentrée ?

C’était Blandine, ma nièce, qui vivait avec moi depuis bientôt un an.

— Oui, Blandine, répondis-je d’une voix fatiguée.

Elle entra dans ma chambre sans frapper, comme à son habitude. Son sourire malicieux illuminait son visage juvénile. Blandine avait quinze ans, une énergie débordante et une curiosité sans limites. Elle était venue de la province du Nord-Kivu pour poursuivre ses études en ville, et depuis, nous vivions ensemble comme deux sœurs.

— Tu es fatiguée ? demanda-t-elle en s’asseyant sur le bord de mon lit.

— Exténuée, soupirai-je en fermant les yeux.

— Tu veux que je te prépare un thé ?

J’ouvris un œil et lui souris.

— Ça ne serait pas de refus.

Elle se leva d’un bond.

— Je vais te faire le meilleur thé du monde !

Je la regardai sortir de la chambre, son enthousiasme me faisant sourire malgré moi. Elle avait cette capacité à alléger n’importe quelle ambiance, à injecter une dose de fraîcheur même dans mes journées les plus lourdes.

Je me redressai un peu, repoussant les pensées troublantes qui m’assaillaient. Blandine revint quelques minutes plus tard avec une tasse fumante entre les mains.

— Tiens, grande sœur.

Je pris la tasse et soufflai doucement dessus avant d’en boire une gorgée.

— Parfait, dis-je en hochant la tête.

Elle s’installa en tailleur sur le lit, me regardant avec insistance.

— Tu as quelque chose qui te tracasse, je le vois bien.

Je levai un sourcil.

— Depuis quand es-tu devenue psychologue ?

— Depuis toujours ! lança-t-elle en riant. Allez, dis-moi, qu’est-ce qui te rend songeuse ?

Je soupirai.

— Ce n’est rien, Blandine. Juste une rencontre imprévue.

Ses yeux pétillèrent d’intérêt.

— Une rencontre ? Avec qui ?

Je pris une autre gorgée de thé avant de répondre lentement :

— Un homme.

— Oh là là ! s’exclama-t-elle en se redressant d’un coup. Raconte-moi tout !

Je souris devant son enthousiasme.

— Ce n’est pas grand-chose. Il s’appelle René. Il m’a abordée dans la rue hier soir, et on a discuté quelques minutes.

— Et tu penses encore à lui aujourd’hui ?

— C’est ce qui m’inquiète, murmurai-je.

Blandine me fixa avec sérieux, ce qui contrastait avec son attitude enjouée habituelle.

— Il t’a plu, alors.

Je secouai la tête.

— Je ne sais pas. C’est juste que… il m’a intriguée. Il ne m’a pas abordée comme les autres.

— Il t’a respectée ?

— Oui. Il n’a pas été insistant, il a juste… été sincère.

Blandine hocha la tête, réfléchissant.

— Peut-être qu’il mérite une chance.

Je souris, amusée par sa maturité soudaine.

— Tu es bien jeune pour me donner des conseils en amour.

Elle haussa les épaules.

— Je lis beaucoup de romans.

Nous éclatâmes de rire.

— On verra bien, dis-je en posant la tasse sur ma table de chevet.

Mais même après cette discussion, même après avoir essayé de chasser René de mes pensées, son image restait ancrée en moi.

Et ce soir-là, en éteignant la lumière pour m’endormir, une question me hantait encore : et si Blandine avait raison ? Et si, cette fois, il fallait que je laisse une chance ?

Pendant que le sommeil m’envahissait petit à petit, mon téléphone vibra sur ma table de chevet. L’écran s’illumina, projetant une faible lueur dans l’obscurité de ma chambre. Je fronçai les sourcils en voyant un numéro inconnu s’afficher.

D’ordinaire, je n’aimais pas répondre aux appels inconnus, surtout à une heure aussi tardive. Mais, sans trop réfléchir, je décrochai.

— Allô ?

Une voix grave et posée me répondit immédiatement :

— Bonsoir, Clémentine.

Je sentis un léger frisson parcourir mon dos. Je reconnaissais cette voix. Sérieuse, respectueuse, teintée d’une certaine assurance.

— René… ?

— Oui. J’espère ne pas vous déranger.

Je me redressai légèrement dans mon lit, surprise mais pas agacée.

— Non, pas du tout.

Un silence s’installa, juste assez long pour créer une tension subtile.

— J’ai hésité à vous appeler, avoua-t-il.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne voulais pas donner l’impression de brusquer les choses. Mais en même temps, je ne voulais pas laisser passer trop de temps.

Il parlait avec une sincérité déconcertante, comme s’il pesait chaque mot pour qu’il soit à la fois juste et vrai.

— Comment avez-vous eu mon numéro ?

— Un ami commun, répondit-il sans détour.

Je ne cherchai pas à insister. Ce genre de questions appartenait aux jeunes filles qui voulaient jouer aux mystérieuses. J’étais bien au-delà de cela.

— Et pourquoi m’appeler si tard ?

— Parce que je pensais à vous.

Mon cœur fit un léger bond dans ma poitrine. Il ne cherchait pas à tourner autour du pot.

— Et que voulez-vous ? murmurai-je, intriguée.

— Un rendez-vous. Ce week-end.

Je mordillai ma lèvre, hésitante. Une part de moi savait que si j’acceptais, je ferais un pas vers quelque chose d’inconnu. Peut-être vers une déception de plus. Mais une autre part, plus téméraire, me soufflait que je ne perdais rien à voir où cela pouvait mener.

— Où et à quelle heure ? finis-je par demander.

Je l’entendis sourire de l’autre côté du fil.

— Samedi après-midi. Un café tranquille, où nous pourrons parler sans être dérangés.

— D’accord, dis-je après une seconde d’hésitation.

— Merci, Clémentine. J’ai hâte d’y être.

Il raccrocha après un simple « bonne nuit ». Je restai un instant, le téléphone toujours dans la main, le regard perdu dans l’obscurité de ma chambre.

Tout de lui m’était revenu en tête. Son regard intense, sa manière de parler, l’étrange impression qu’il savait déjà quelque chose que j’ignorais moi-même.

Je me rallongeai lentement, mais cette fois, le sommeil ne vint pas aussitôt. René venait d’entrer dans ma vie. Et je pressentais déjà que rien ne serait plus comme avant.

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