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CHAPITRE 5: GEORGE ET DAVID

David rangeait les bancs après la prière du soir. La salle était vide, comme souvent ces derniers temps. Il avait remarqué que certains fidèles se tournaient vers d'autres assemblées, plus spectaculaires, plus bruyantes, plus "bénies", disaient-ils.

Mais il restait calme.

Il avait appris que la vérité ne se mesure pas au nombre de sièges remplis.

George n’était pas venu ce soir. Il avait prétexté une visite à un "frère malade", sans plus de détails. David n’avait pas insisté, mais au fond de lui, il savait. Quelque chose clochait. L’absence devenait une habitude. Les silences, une langue.

Il s’apprêtait à éteindre la lumière quand il remarqua, posé près de la chaire, un petit carnet noir que George utilisait souvent. Rien d’inhabituel… sauf qu’il ne laissait jamais ses affaires traîner ici.

Par réflexe, David le prit.

Il hésita longuement.

Puis il l’ouvrit.

La première page était remplie de versets. Puis des notes de sermons. Rien d’étrange. Mais entre deux pages, une feuille pliée, glissée sans soin, attira son attention.

Il la déplia.

C’était un simple papier, griffonné à la main. Une écriture fine, nette, qui n’était pas celle de George.

> "La prochaine rencontre aura lieu ce vendredi à minuit. Le prix ne sera demandé qu’une fois l’engagement prononcé. L'accès se fait par la porte arrière. Tu as vu. Tu as entendu. Le choix t'appartient."

Aucune signature.

Mais David sentit une gifle invisible. Son souffle se coupa.

Il s'assit sur le bord du pupitre, le papier dans la main, les yeux fixés dans le vide.

Son frère.

Son jumeau.

Il ne voulait pas y croire… mais ce n’était plus un soupçon. C’était un fait.

Il relut la phrase : "Le prix ne sera demandé qu’une fois l’engagement prononcé."

David sentit sa gorge se nouer. Il se leva, prit sa Bible, et pria.

Longuement.

— Seigneur… donne-moi la force de l’aimer même quand il choisit l’ombre. Et prépare-moi… à lui résister s’il persiste.

Il rangea soigneusement le carnet, remit le papier à sa place, et referma doucement.

Il n’était pas encore temps de parler.

Mais le combat, lui… venait de changer de visage.

Les jours suivants, David observa sans bruit. Il ne dit rien à George. Pas un mot. Pas un regard accusateur. Il priait davantage. Écoutait plus. Il voulait comprendre jusqu'où son frère était allé. Et surtout, s'il pouvait encore revenir.

George, lui, semblait différent. Ses sermons étaient plus enflammés, plus captivants… mais vides d’onction. Il criait plus fort, gesticulait davantage, et parlait de prospérité comme d’un dieu oublié. Les fidèles, eux, affluaient. Comme attirés par une force invisible.

Un dimanche, après le culte, David prit sur lui.

— Tu as changé, George, dit-il calmement.

George se raidit.

— En bien, j’espère.

— Ce n’est pas à moi de juger. Mais je te regarde… et je ne te reconnais plus vraiment.

George détourna le regard. Un instant, ses yeux tremblèrent. Puis il força un sourire.

— Tu t’inquiètes trop, mon frère. Tout va bien. Dieu agit puissamment.

David hocha la tête. Mais son silence disait tout le contraire.

Ce soir-là, il retourna dans l’église de son frère. Attendant dans l’ombre. Il voulait savoir. Il voulait voir.

Minuit approchait.

Et alors que l’obscurité avalait les dernières lueurs de la ville, une voiture s’arrêta derrière le bâtiment. Trois hommes en sortirent, encapuchonnés. George descendit à son tour. Il portait un manteau noir qu’il n’avait jamais mis auparavant.

Ils entrèrent par la porte arrière.

David les suivit discrètement jusqu'à une pièce scellée, au sous-sol, à côté de la salle de baptême désaffectée. Il ne pouvait pas entendre clairement, mais il vit.

Des symboles. Des cierges noirs. Un cercle. Un homme agenouillé.

Et George, les mains levées.

Quelque chose se scella en David ce soir-là. Ce n’était plus du doute. C’était une certitude.

George avait franchi une ligne.

Il ne restait qu’une question : jusqu’où irait-il ?

David n’avait pas bougé.

Son corps était resté figé dans l’ombre de la porte, mais son âme, elle, criait. Il reconnaissait à peine ce qu’il voyait. George n’était pas simplement présent à cette scène… il y participait. Son regard était sombre. Concentré. Froid.

Il ne priait pas. Il récitait.

Et chaque mot qu’il prononçait semblait aspirer la lumière autour de lui.

Un des hommes encapuchonnés apporta une cage. À l’intérieur, un coq noir, les yeux étrangement rouges, battait des ailes. David sentit son cœur s’arrêter. Il savait ce que cela voulait dire. Ce qu’allait suivre. Ce n’était plus des rumeurs. Ce n’était plus un doute.

George s’approcha.

Il sortit le couteau cérémonial, lentement. Tremblant, mais déterminé.

David détourna les yeux une seconde.

Quand il les rouvrit… le silence avait remplacé le cri de l’animal.

Le sang coulait.

Et George… pleurait.

Pas bruyamment. Pas en gémissant. Juste deux larmes. Froides. Lentes. Comme si une partie de lui venait de mourir.

David recula, le souffle coupé, les poings serrés.

Il retourna dans la nuit sans se faire voir.

Ce qu’il venait de voir ne pouvait être effacé.

Mais il n’était pas encore prêt à l’affronter.

Pas sans prière.

Pas sans force.

Pas sans Dieu.

A suivre...

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