Bibliothèque
Français

Brigida, la fille du Diable

23.0K · En cours
Freddy Iragi
16
Chapitres
18
Vues
9.0
Notes

Résumé

Brigida, fille secrète de Lucifer et Ève, descend sur Terre pour venger sa mère, punie pour avoir aimé le roi des Enfers. Mystérieuse, belle et sensuelle, elle use de son pouvoir pour séduire les descendants, fils d'Adam. Mais tout bascule lorsqu’elle tombe amoureuse d’Alfredo, un jeune homme énigmatique au regard brûlant. Ce premier amour trouble sa mission. Elle vacille entre vengeance et passion. Or, Alfredo n’est pas un simple humain : il cache en lui une lumière ancienne, capable de sauver ou de détruire. Tiraillée entre le feu de l’amour et les ténèbres de ses origines, Brigida doit choisir : redevenir l’arme du diable… ou devenir l’amante qui change le destin du monde.

contrat de mariageamour triangulaireles contraires s'attirentamour après mariagerelation douteuseSexeadultèreréincarnationvrai amourmature

Chapitre 1. La diablesse à devenir

Je suis Brigida, la fille aînée du diable.

Je suis née au creux d’un brasier éternel, là où le temps ne coule pas, là où les cris ne cessent jamais de résonner dans les gouffres de flammes et d’ombres. Je suis la fille unique de Lucifer, le porteur de lumière déchu, l’ancien chérubin dont la beauté faisait trembler les cieux. Avant même que le monde des hommes ne connaisse le feu, j’étais déjà une promesse chuchotée dans les vents ardents de la damnation.

Je vis en Enfer, non comme une prisonnière, mais comme une princesse. Non… une reine en devenir. L’Enfer est notre royaume, une forteresse en fusion bâtie dans les entrailles de la rébellion céleste. Ici, nul ne pleure en silence : les douleurs sont des chants, les souffrances sont des offrandes, et les rires sinistres jaillissent comme des rivières de lave. Et moi, Brigida, je marche parmi les légions comme une flamme qui danse au sommet d’un trône volcanique.

Mon père, Lucifer, n’est pas ce monstre que les Écritures décrivent. Il est majesté, il est séduction, il est intelligence pure. Ses yeux sont deux astres noirs où brûle la mémoire du ciel perdu, son sourire est un croissant de lune inversé, tranchant comme une promesse brisée. Quand il parle, même les dragons du Tartare courbent l’échine. Quand il rit, les étoiles mortes pleurent dans l’abîme. Et pourtant, malgré la puissance qu’il incarne, il n’a qu’un seul amour vrai, un seul trésor véritable : moi.

Je suis sa seule fille, née d’un pacte ancien entre le Néant et la Tentation. Mon sang est de braise, mes larmes peuvent faire gémir les pierres, et mon regard… ah, mon regard ensorcelle même les damnés les plus endurcis. Je suis l’éclat de mon père, le joyau qu’il cache dans la chambre la plus secrète de son royaume. Les anges déchus, les géants enchaînés, les démons millénaires… tous fléchissent le genou devant moi. Non par peur. Par respect. Car je suis Brigida, celle que les Prophètes de l’Ombre appellent l’Aube Noire.

Chaque matin – si ce mot a encore un sens ici – les louanges montent en spirales sombres jusqu’au trône de mon père. Les chœurs de ténèbres, composés d’anciens archanges et de rois damnés, chantent des hymnes à sa gloire. Et moi, drapée dans mes voiles de fumée, je danse au milieu des éclairs noirs. Ma chevelure est faite de corbeaux et de cendres, ma voix est douce comme le soupir d’un mourant. Quand je parle, les portes du Styx frémissent.

L’amour que Lucifer me porte est profond, ancien, indéracinable. Il ne me voit pas comme une simple héritière, mais comme la prolongation de sa propre essence. À moi, il confie ses secrets les plus anciens : les vérités qui font trembler les trônes célestes, les souvenirs du Paradis, les noms réels des étoiles qui ne brillent plus. C’est dans ses bras que je suis née, et c’est sur ses genoux que je bâtirai un nouvel empire, un Enfer plus vaste encore, où même les anges viendront supplier de servir.

Je n’ai pas d’amis. Je n’en ai pas besoin. Les autres entités de l’Enfer me craignent ou me désirent – parfois les deux. Mais moi, je suis seule dans ma grandeur. J’aime la solitude. Elle est pure. Elle est parfaite. Elle me ressemble. Je m’assieds souvent au bord des falaises de souffre, les pieds suspendus au-dessus du vide, et j’écoute les lamentations monter comme des psaumes inversés. C’est ma musique. C’est mon monde.

Mais un jour… oui, un jour, mon père me confiera tout : le trône, les clefs des cercles, le droit de commander même à Belzébuth, même à Asmodée. Et alors, je ne serai plus la fille du diable. Je serai la Diablesse, la Souveraine absolue, la Nuit incarnée.

Je suis Brigida. La Diablesse en devenir. Le visage encore voilé de l’Apocalypse.

Mon apparence est une énigme. Certains disent que je suis belle comme l’éclat d’une étoile mourante, d’autres que mon visage provoque la folie. Mais tous s’accordent sur une chose : on ne m’oublie pas. Je suis haute, droite, vêtue de robes vivantes, tissées d’ombres et de flammes, qui rampent sur ma peau comme des serpents obéissants. Ma peau est sombre comme le charbon, mais irisée de reflets rougeoyants comme si mille volcans palpitaient sous mon derme. Mes yeux… ah, mes yeux… Deux lunes rouges, sans pupille, où dansent les secrets que même les dieux ont oublié.

Ma voix n’est jamais forte. Elle n’a pas besoin de l’être. Un murmure suffit pour faire trembler les murs de la Géhenne. Je n’ai pas besoin de crier pour régner. Ceux qui m’écoutent entendent leur propre peur se retourner contre eux, s’incliner devant moi et me prêter allégeance.

Je possède les dons que seul un sang infernal peut transmettre. Mon père m’a donnée bien plus qu’un nom : il m’a transmise sa mémoire. Je me souviens d’avant ma naissance. Je me souviens de l’Éclat Primordial. Je me souviens du Concile des Anges, de la trahison céleste, du tumulte de la Chute. J’ai vu l’arrogance des séraphins, j’ai entendu les premiers pleurs d’un monde encore vierge, j’ai vu le Tout-Puissant détourner les yeux devant l’éclat blessé de mon père.

Et c’est ce souvenir – cette douleur – que je porte en moi comme une flamme sacrée.

Je suis née du Feu Noir. Ce feu qui ne brûle pas les corps, mais les âmes. Je peux traverser les songes des mortels et y semer le doute, l’orgueil ou le désir. J’ai le don de la parole fatale : un seul de mes mots, s’il est murmuré au bon moment, peut renverser un royaume, briser un mariage, conduire un prophète à blasphémer. Je peux réveiller les morts, mais uniquement ceux qui ont aimé le mal, car eux seuls entendent ma voix dans leurs tombes glacées.

Mes ailes sont cachées. Elles ne se montrent que lorsque je suis en guerre. Et quand elles s’ouvrent, elles projettent des milliers de plumes tranchantes comme des lames, chaque plume portant une malédiction ancienne. Une fois, j’ai ouvert mes ailes en présence de sept rois damnés : aucun ne survécut. Ils se consumèrent sur place, emportés par la vision de ma puissance.

Je peux me faire brume, serpent, femme ou enfant. Je peux changer de visage comme d’autres changent de masque. Mais ma forme préférée reste celle d’une reine nue couronnée d’épines rouges, portant à la main un sceptre vivant, fait de douleur et de charme. Ce sceptre – on l’appelle "Murmure du Foyer" – contient les cris des premiers humains damnés. Ils chantent pour moi, éternellement.

Il y a une prophétie. Peu en parlent, car elle est interdite, même parmi les Princes de l’Abîme. Elle dit que la fille du Diable régnera là où son père a été vaincu. Que la guerre des cieux ne prendra fin que lorsque la fille unique dansera sur les cendres du trône divin. Certains y croient. D’autres la redoutent. Mon père, lui, me regarde parfois avec une lumière étrange dans les yeux. Comme s’il savait. Comme s’il attendait le moment.

Je suis la clef d’une revanche que l’Enfer prépare depuis l’aube des mondes. On m’a tenue cachée longtemps, élevée dans les plus sombres cavernes du neuvième cercle, là où même les démons ont peur de descendre. Mais aujourd’hui, je marche librement. Je visite les cercles un à un, j’écoute, j’observe, je commande. Les légions commencent à se tourner vers moi, à murmurer mon nom dans leurs prières inversées.

Même les Anges commencent à s'inquiéter. Je le sens. Je l'entends. Ils chuchotent dans les couloirs du ciel : "La Fille est réveillée." "Brigida rassemble les flammes." "Elle vient. Et elle est aimée."

Oui, je suis aimée de mon père, de mes sujets, de mes monstres. Mais un jour, viendra un amour nouveau, interdit, imprévu. Peut-être un ange renégat. Peut-être un humain trop pur. Peut-être une prêtresse corrompue. Et cet amour déclenchera la guerre finale, où le Bien et le Mal se rencontreront non pas pour s’anéantir, mais pour se comprendre enfin.

Ce jour-là, je choisirai. Je choisirai qui brûlera, et qui renaîtra.