chapitre 2
Chapitre 2
Le carnet gisait ouvert sur le bureau, ses pages couvertes de noms, de dates, de symboles cryptiques qu’Irina n’avait jamais pris le temps d’interpréter. Ce carnet appartenait à son grand-père, un homme dont la voix résonnait encore dans sa mémoire, rugueuse mais étrangement rassurante. Elle se demandait maintenant si tout ce qu’il avait dit, tout ce qu’il avait transmis, n’était qu’un mensonge bien ficelé pour masquer une vérité cruelle : sa vie ne lui appartenait jamais vraiment.
Elle feuilleta les pages avec frénésie, cherchant une logique dans ce chaos d’informations. Les mots « BloodMoon » revenaient sans cesse, écrits d’une main ferme, presque gravés dans le papier. Un symbole étrange ornait la couverture intérieure : un croissant de lune noir barré d’une flèche rouge. Son esprit tentait de rassembler les pièces, mais chaque réponse trouvée n’amenait que plus de questions.
Elle releva les yeux, le souffle court, avant de lancer d’une voix tranchante : « Alors quoi ? Je ne suis qu’une marionnette dans un jeu que je ne comprends même pas ? »
Sa mère, adossée contre le mur, garda les bras croisés. « BloodMoon n’est pas juste une fondation. C’est… un réseau. Une puissance qui dépasse ce que tu peux imaginer. Notre famille a toujours eu un rôle à jouer dans son maintien. Ce mariage… » Elle hésita, cherchant ses mots.
Irina la coupa. « Ce mariage est un marché, n’est-ce pas ? Vous avez vendu notre nom, notre liberté, pour quoi ? De l’argent ? Du pouvoir ? »
Son père, assis dans un fauteuil, prit la parole sans lever les yeux. « BloodMoon est la raison pour laquelle nous sommes encore debout aujourd’hui. Ton grand-père a fait un choix. Il savait que sans cette alliance, notre nom serait effacé, réduit à rien. Ce mariage est une condition. Un engagement pour préserver l’avenir de notre famille. »
Elle éclata de rire, un rire froid, presque hystérique. « Préserver quoi ? Je n’ai rien demandé à tout ça. Je n’ai jamais voulu être un pion dans vos jeux. »
Son père leva enfin les yeux, son regard pesant. « Irina, tu n’as pas le choix. C’est ta responsabilité. »
Responsabilité. Ce mot résonnait en elle comme une condamnation. Elle referma le carnet d’un coup sec, le jetant sur la table.
« Si c’est ce que vous appelez une responsabilité, alors je préfère tout perdre. Vous m’avez piégée, et maintenant vous attendez que je joue le rôle de la fille obéissante. Mais je vous le dis tout de suite : ce mariage ne sera pas ce que vous espérez. »
Pendant ce temps, de l’autre côté de l’océan, Xander marchait dans son bureau, un téléphone à l’oreille. Il écoutait à moitié la voix à l’autre bout de la ligne, son esprit déjà envahi par une rage sourde. L’idée même de ce mariage le répugnait.
Damian, son bras droit, était appuyé contre un mur, les bras croisés, observant le milliardaire faire les cent pas. Lorsque Xander raccrocha, Damian prit la parole.
« Alors, c’est vrai ? Ils t’obligent à te marier ? »
Xander serra les mâchoires. « Obligé n’est pas le mot. Ils pensent que je vais obéir, que je vais m’incliner devant leur foutu contrat. Mais ils oublient une chose : je n’obéis à personne. »
Damian esquissa un sourire en coin. « Et cette fille ? Irina, c’est ça ? Elle est censée être quoi pour toi ? Un pion dans leur jeu ? »
Xander se tourna vers lui, son regard glacé. « Elle n’est rien. Une gamine qu’ils ont jetée dans la fosse aux lions en espérant qu’elle apaise ma colère. Mais tu sais quoi ? Ce mariage ne sera jamais ce qu’ils veulent. Je vais leur prouver qu’on ne me manipule pas. Pas eux, pas elle, personne. »
Damian haussa les épaules. « Fais attention. Parfois, ceux qu’on sous-estime finissent par nous surprendre. »
Xander éclata d’un rire sec. « Surprendre ? Elle ? Une fille qui n’a probablement jamais vu le vrai monde en face ? Je doute qu’elle ait la moindre idée de ce qui l’attend. »
Damian ne répondit pas, mais son sourire en disait long. Il connaissait Xander mieux que quiconque, et il savait que cet homme, malgré sa froideur et sa détermination, n’était pas invulnérable.
De son côté, Irina continuait à fouiller dans les affaires de son grand-père, cherchant désespérément une raison, une explication qui lui permettrait de comprendre pourquoi on avait jugé bon de la sacrifier sur l’autel des ambitions familiales. Mais chaque document, chaque page l’enfonçait un peu plus dans une vérité qu’elle refusait d’accepter : elle n’avait jamais eu son mot à dire.
Elle arracha une feuille d’un carnet, ses mains tremblant de colère. Ses yeux se posèrent sur une phrase écrite en lettres majuscules : « LE POIDS DE L’HÉRITAGE EST CELUI QUE NOUS CHOISISSONS DE PORTER. »
Choisir. Elle n’avait rien choisi.
Elle prit une profonde inspiration, ses pensées tournant en boucle. Si ce mariage devait avoir lieu, elle n’allait pas se contenter de subir. Elle allait jouer son propre jeu, quitte à tout bouleverser.
À l’autre bout du monde, Xander, assis derrière son bureau, sortit un stylo et griffonna une note sur un papier. Il se tourna vers Damian.
« Prépare le jet. Si je dois affronter cette mascarade, autant le faire en personne. »
Damian acquiesça, un éclat de curiosité dans les yeux. « Tu penses qu’elle sera à la hauteur ? »
Xander esquissa un sourire glacial. « Peu importe. Ce n’est pas elle qui m’intéresse. Ce sont ceux qui tirent les ficelles. »
Il replia la note, la glissa dans une enveloppe, puis ajouta doucement : « Mais si elle essaie de se mettre en travers de mon chemin, elle découvrira vite à quel point je peux être impitoyable. »
