Chapitre 1 : Début de l'histoire
D’un teint café raccommodé à une petite cicatrice penchée sur la joue droite qui donnait une lumineuse clarté à son joli visage, Florencia était une jeune femme âgée de vingt-trois ans. C’est une jeune femme issue d’une famille autrefois riche. Il y a quelques années, Florencia et sa famille vivaient heureuses. Le père était fonctionnaire et la mère, une grande commerçante. Florencia n’était pas enfant unique à ses parents. Elle est bien sûr d’une fratrie de cinq enfants. Certes, elle est l’aînée et respecte beaucoup son père et sa mère. C’était une jeune fille très battante. Après sa naissance, sa mère avait donné naissance à deux jumelles, Fidélia et Fidéliana. À la succession de celles-ci, deux garçons après. Les deux garçons n’étaient pas venus au monde dans la même période ; ce qui veut dire que Syrus et Joslius n’étaient pas des jumeaux. Syrus était le benjamin de la famille Titi.
En effet, la famille Titi vivait heureuse jusqu’au jour où un grand malheur frappa à leur porte. Le vieux Titi qui était autrefois un grand fonctionnaire et alimentait bien sa famille de tous désirs, avait fini par garder le lit pendant plusieurs années à défaut de sa santé. Il y avait dépensé toutes ses fortunes. Et, ne recouvrant toujours pas la santé, son épouse dépensa elle aussi, toutes ses économies pour sa vie sauve. Pendant cette époque-là, Florencia était dans une classe d’examen et, n’ayant pas ses dossiers à jour avant l’arrivée du malheur, avait de difficulté à pouvoir remplir les conditions requises d’une candidate à l’examen qui lui était en cours.
Désolée, elle avait fini par abandonner les bancs à défaut des moyens financiers. Elle abandonna les classes pour se lancer dans un petit commerce depuis ses vingt ans. Florencia était une très belle femme. Elle était du genre de femme qui donne l’envie du mariage aux prêtres et évêques.
Après ses mille et une réflexions, elle avait opté l’idée de la vente de la canne à sucre. Et pour arriver à ses buts, elle quittait son petit village, un village très loin de la ville de Porto-Novo, pour se rendre dans un village voisin pour s’approvisionner de ces plantes de canne à sucre. Elle abandonnait ses parents très tôt le matin pour se rendre dans ledit petit village.
Dans ce petit village, pendant la saison pluvieuse, les cannes à sucre étaient moins coûteuses. À base de ce commerce, Florencia réussissait à nourrir sa mère et son père et sans exception, ses deux frères et deux sœurs. Et puisque la galère n’avait pas arrêté de battre son plein sous le toit de la famille, Joslius et Syrus, les deux garçons de la famille avaient décidé un jour d’aller vivre auprès de leur oncle Randolph, à Cotonou, peut-être la vie serait moins chère là-bas.
Il était dix-huit heures ce soir-là et le crépuscule avait couvert le paysage depuis quelques minutes. Le soleil, dans le ciel, avait disparu. En haut, toujours dans le ciel, se promenaient des chauves-souris et quelques tourterelles. Les peuls, revenant des pâturages avec leurs bœufs, avaient sur leurs épaules, des bois qui leur servaient de guide d’orientation pour leurs bêtes.
Revenant de son commerce de canne à sucre ce soir-là avec les quelques-uns qui lui restaient, Florencia a été surprise par la voix alléchante d’un homme qui allait en voiture et qui s’était arrêté à cause d’elle. La jeune vendeuse, dans son intention, se fit l’idée que l’homme voulait acheter sûrement quelques bois de ses cannes à sucre qui étaient alignées dans sa bassine en acier. Elle se dirigea vers le client sans façon mais avec beaucoup de respect. Révérencieusement comme d’habitude, elle salua poliment ce dernier et lui offrit ses dents ornées de belles gencives.
– Bonsoir tonton, comment vous portez-vous ? Désirez-vous acheter de mes cannes ? Elles sont bien sucrées et bien douces !
L’homme, émettant un petit sourire silencieux, lui répondit :
– Bonsoir mademoiselle ; considérant votre beau visage et votre beau sourire, on ne douterait pas de la douceur de vos fruits !
– Merci monsieur, merci ! répondit-elle, tout sourire.
– Oh je vous en prie ! C’est plutôt un mérite ! Dites-moi, belle créature, vous ont-ils une fois dit que vous êtes agréablement belle !
Les expressions de l’homme en voiture faisaient tellement rire Florencia au point où elle n’arrêtait guère d’en rire.
– Merci, monsieur ! Maman me l’a toujours dit ; elle m’a toujours dit que je suis une belle femme mais je ne l’ai jamais crue ; enfin, vous me l’avez confirmé !
– Wouah ! Donc à part maman, personne d’autre ne vous l’ait dit ?
– Oh oui, j’oubliais ! Il y a papa qui me le dit aussi !
– Super ! Euh…permettez-moi de vous tutoyer s’il vous plaît ! Alors, où habites-tu ?
– En réalité, je rentrais à la maison quand vous m’avez appelée. Sinon, je suis déjà à quelques pas de la maison.
– Ah d’accord, je vois. Donc tu habites dans les parages !
– Absolument oui !
– Super ! Pourrais-tu m’accorder quelques minutes de ton temps s’il te plaît vu que tu n’es pas loin de la maison ?
À cette phrase, la jeune femme, ne sachant que répondre, commença par regarder en l’air. Dans ses manières de faire, on pouvait clairement lire combien la demande de son interlocuteur ne lui était pas la bienvenue.
– S’il te plaît, ne rejette pas ma doléance je t’en prie, disait le monsieur en coupant le moteur de son véhicule.
Elle voulut s’en aller mais à quoi bon ? Elle avait envie de dire quelque chose, mais que dire ? Elle était entre une exaspération et une énigme. Aussitôt, elle commença par entendre au fond d’elle, la voix de sa mère qui lui disait : « Ma fille, partout où tu passeras, n’ose jamais manqué du respect à n’importe quel homme car, tu es belle et étant belle, les hommes ont le droit de te vouloir ; et te vouloir, c’est de demander ta main auprès de nous et te prendre en mariage. Alors, ne crois pas qu’ils ont perdu la vue en t’abordant ou qu’ils ont fait une quelconque erreur. Ce serait plutôt à toi de savoir qui choisir parmi ces milliers d’hommes qui se présenteront à toi. Et surtout, sois prudente car, tous les hommes qui viendront te faire la cour ne désireront pas à t’épouser. Parmi eux, il y aura ceux qui vont juste vouloir te niquer et te laisser tomber comme la peau d’une banane. Par contre, il y aura quelques-uns qui voudront faire de toi leur vraie femme ; leur femme légitime. Mais fais beaucoup attention. Ma fille, je te le répète, fais beaucoup attention. Fais le choix que t’impose ton cœur. Il ne faudrait pas que ce soit une de tes amies qui fait le choix à ta place ; au lieu d’une amie, que ce soit ton cœur, car, lorsque tu tomberas sur le mauvais homme, ce ne sera jamais cette amie qui viendra vivre le pire à ta place, jamais. Je sais bien de quoi je te parle, ma petite chérie. Tu devras suivre la voix de ton intuition et savoir quoi faire et comment le faire pour être heureuse…».
Soudain, la rêveuse fut sursautée de sa rêverie par une phrase qui lui fut adressée par son interlocuteur qui, après avoir confortablement garé sa caisse, en descendit et vint se mettre debout tout proche d’elle.
– S’il te plaît jeune femme, je n’ai pas l’intention de te faire du mal ; compte sur ma bonne volonté. Je voudrais que tu me dises avec sincérité, comment on t’appelle.
D’un regard enfoui dans celui de son interlocuteur, la jeune commerçante répondit :
– Florencia…Florencia on m’appelle.
– Quel joli prénom ! Ton joli prénom me donne l’envie d’aller faire la connaissance de tes parents ! Si tu pouvais m’accorder cette précieuse occasion, je bénirai les anges de Dieu qui ont croisé nos chemins en ce jour précieux. Et de grâce, tu ne seras jamais déçue d’avoir fait ma connaissance, crois-moi.
À ces paroles, la jeune fille marqua son étonnement à travers un petit regard saccadé mêlé d’un grand silence.
– Quoi ? s’écria-t-elle, faire en même temps la connaissance de mes parents juste à cause de mon prénom que vous trouvez magnifique ? Et de pire, je ne vous connais ni d’Adam ni d’Ève ? Sincèrement, je suis désolée, monsieur !
– Ne sois pas désolée, s’il te plaît. Mademoiselle Florencia, je ne suis pas ici présent pour te dire de n’importe quoi et tu peux me croire sur parole !
– Je le sais et je n’ai pas aussi dit que vous voulez me dire de n’importe quoi ! Vous savez, je ne suis pas encore assez grande pour présenter un prétendant à mes parents. Je suis encore très petite et très jeune pour leur présenter…
– Ça va ! Tu sais, tu me plais beaucoup. L’envie d’humer ton odeur tout le reste de ma vie est la seule chose qui pourrait me rendre actuellement heureux. J’aimerais que tu sois ma moitié et en même temps, la mère de mes futurs enfants. Crois-moi, tu ne te décevras pas de m’avoir accepté dans ta vie.
– Monsieur, je suis farouchement désolée, croyez-moi ! Vous serez d’accord avec moi que ce n’est que notre toute première rencontre. Mais quand même ! Vous ne pouvez pas tomber amoureux d’une femme que vous avez rencontrée pour la première fois. Vous ne savez ni de quoi je suis capable et tout de suite, vous me chantez déjà les mélodies d’amour ? Je suis désolée pour vous ! Monsieur, je ne veux pas que l’obscurité me surprenne hors de la maison de mes parents. Permettez que je rentre, je vous en prie, au revoir.
À cet égard, Florencia prit une direction et commença par détaler les pas sans plus prêter attention à son interlocuteur qui la regardait avec un regard rempli de tristesse.
L’homme inconnu, les bras croisés et bouche béante, resta debout à regarder la jeune fille déhancher dans sa robe qui lui était venue jusqu’aux pieds et commença par secouer incessamment la tête en signe de désolation.
– Mon Dieu, que faire pour être maître de l’amour de cette belle créature que tu as créée sans aucune tache ? se demanda-t-il, confus.
