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La descente aux enfers

Manchester, Angleterre

Aleksandar Vuk Ivan Petrović

- Tu es sûre de ce que t'avances ? ai-je demandé, la voix rauque, à moitié étranglée par une inquiétude que je refusais d'admettre.

Je fixais le bout de ma cigarette, le souffle court, les nerfs en vrac. Mon poing tapait nerveusement contre la table en acajou de mon bureau.

- Oui. Je viens d'avoir Inaya au téléphone. Elle pleurait car il avait rompu avec son mec car elle a croisé Lindsay là-bas.

- Comment ça ? Et ils sont...

- Non. Qu'est-ce que tu vas t'imaginer ? Inaya à tendance à tout exagérer. Je pense qu'elle est juste allée là-bas solliciter son aide.

Belgique ? J'aurais pensé qu'elle irait à Londres retrouver sa famille. Mais non, elle a préféré retrouver son ex. Je passai la main sur mon visage fatigué, râpeux de barbe. Il se passe quoi entre ces deux-là ? Voulait-elle... Non, non. C'est peut-être la situation qui a occasionné tout ça comme le dit Kyra. Il n'y a rien entre ma femme et ce type. Je refuse de croire qu'il y ait pu y avoir quelques choses entre eux.

La nuit a été longue, tellement je m'impatientais de ramener ma femme. Dès le lendemain matin, je me suis envolé pour la Belgique à sa recherche.

Bruxelles, Belgique

La pluie fine s'écrasait contre le pare-brise du SUV noir que j'avais loué à l'aéroport. Je roulais lentement, les yeux rivés sur les numéros des maisons. Kyra m'a envoyé l'adresse qu'elle avait obtenue d'Inaya. Un quartier calme, presque trop paisible. Rien à voir avec Manchester. Ici, tout semblait vouloir me dire : elle a voulu la paix, loin de toi, Aleksandar. Malheureusement, je l'ai raté de peu. Elle avait déjà quitté la ville quand je suis allé la chercher chez ce type.

- Putain ! C'est pas vrai, je grogne de frustration. Qu'est-ce qu'elle fout, Lindsay ? Pourquoi s'en est-elle allée ?

- Si tu étais moins con, si tu savais prendre soins d'elle, tu ne serais pas là entrain de la chercher comme un fou dans ma maison.

Je me retournai, les mâchoires crispées.

- Ton problème c'est quoi dans tout ça ? C'est MA femme ? En quoi cela te regarde ?

- Ça me regarde parce que j'la connais. Parce que j'vois ce que toi, t'es incapable de voir. Elle avait besoin de fuir. Et si jamais il lui arrive quelque chose, ce sera entièrement de ta faute. Elle voulait juste respirer, Aleksandar. Mais t'es trop aveuglé pour comprendre ça. Tu l'étouffes. Tu l'écrases. T'es un putain de sauvage.

Il s'approcha, le regard chargé de rancœur.

- Je suis celui qui l'a connue avant toi. Celui qui l'a aimée sans l'abîmer. Je me demande comment Lindsay a pu quitter un homme comme moi pour une fripouille de ton genre.

- Ça y est ? Tu as fini ? Et toi ? Dis-moi. Tu attends quoi ? Qu'elle te retombe dans les bras peut être ? Détrompe-toi mon cher. Cela n'arrivera jamais pauvre fou, ajoutais-je énervé. Si elle a rompu avec toi pour se mettre avec moi, c'est parce qu'elle s'est bien rendue compte que tu ne valais rien.

Je n'avais pas dormi depuis deux jours. Mon regard était celui d'un homme traqué... ou prêt à tout ravager. Il me regardait avec ce petit sourire amer au coin des lèvres, comme s'il se croyait encore au-dessus, comme s'il voulait me provoquer. Je crois que c'est à ce moment-là que j'ai senti mon cœur cogner différemment. Je fis un pas vers lui. Lentement. Mon regard planté dans le sien. Un silence écrasant tomba entre nous, comme si le monde retenait son souffle.

- Tu sais quoi ? dis-je. Allons-y. Ça fait tellement longtemps que j'ai envie de t'éclater la gueule.

Son sourire se fana d'un coup. Il leva le menton, provocateur.

- Tu veux qu'on règle ça comme des animaux ? Vraiment ? C'est ton niveau, Petrović ? T'es pathétique.

- Non, moi j'suis juste sincère. T'es qu'un rat nostalgique. Un putain chien qui joue les fans. Elle t'a quitté, tu l'as jamais digéré. Et maintenant tu la caches ? Tu joues les sauveurs ? Pauvre con...

Il me bouscula de l'épaule. Erreur. J'ai attrapé son col, le plaquant contre le mur du couloir, violemment. La commode a tremblé dans notre dos.

- Tu ne sais même pas ce que tu fais. T'as aucune idée de ce qu'elle traverse ! cria-t-il.

- C'est MA femme ! hurlais-je en levant le poing. Et tu vas me dire où elle est, ou j'te démonte ici-même !

Il se dégagea d'un coup sec et m'envoya un crochet du gauche. Ma mâchoire craqua légèrement sous le choc, mais j'ai encaissé. Puis, j'ai explosé. Mon poing est parti, net, sec, dans son arcade. Il tituba, heurta une table. Un cadre est tombé au sol. Un vase se brisa. Une chaise vola.

Il se releva, se jeta sur moi en grognant, mais je l'avais déjà anticipé. Comme une vague, je l'ai repoussé d'un coup de pied brutal dans son abdomen. Il se plia sous la force du choc, mais n'eut pas le temps de réagir. Je me jetai sur lui, l'attrapant par le col de sa chemise et le soulevant du sol.

Il tenta de m'asséner un coup de poing à la mâchoire, mais je l'évitai d'un mouvement fluide. En un instant, je l'avais immobilisé, mes bras verrouillant ses poignets dans un étau de fer. Son souffle devint erratique, paniqué. Je l'écrasais contre le mur, sa tête heurtant violemment la surface.

- T'as aucune idée de pourquoi elle est partie, dit-il entre deux halètements.

- Alors explique-moi, fils de pute.

- Parce qu'elle avait peur de toi ! Parce que tu n'as jamais su la voir comme une femme à aimer, sinon un bien à collecter, un territoire à gagner.

Je me figeai. Un centième de seconde. Juste assez pour qu'il m'envoie un genou dans les côtes. J'ai reculé. Juste un peu. Essoufflé. Le souffle brûlant, le regard noir. Le goût du sang dans la bouche.

- Tu mens...

Il essuya le sang qui coulait de son arcade, puis planta ses yeux dans les miens, lents.

- Non, Alex. Tu refuses juste de voir.

Je sortis de cette baraque en claquant la porte. J'ouvris la portière du SUV d'un geste sec, m'installai derrière le volant, et fermai les yeux quelques secondes. Juste quelques secondes. Elle n'était plus là. Elle avait fui. Et moi ? J'avais encore une putain de longueur de retard. Je tapai violemment contre le volant. Une fois. Deux fois.

Aéroport ? Arrêt de bus ? Aucune trace de ma femme. Elle avait mis les voiles. J'ai beau faire comme si le discours de Yoan ne m'avait pas atteint. La vérité est que je commençais à culpabiliser. La panique n'était pas bien loin en m'imaginant les menaces pesant sur elle par ma faute. Si je n'arrive pas à la retrouver, j'ai peur que quand la nouvelle, à savoir la fugue de ma femme va se rependre, que mes ennemis accourent pour lui faire du mal.

J'ai passé une semaine en plein en Belgique afin de poursuivre les démarches. Mais cela n'a rien donné. C'était comme chercher une aiguille dans une boîte de foin.

Au retour vers Manchester, j'ai contacté ma sœur, voir si elle avait des nouvelles. Rien. Elle ne l'a pas contacté. Elle s'imagine bien que Kyra m'aurait mis au courant de ses déplacements si elle le lui rapportait où elle allait à chaque fois.

Manchester, Angleterre

Plus les jours passaient, plus je perdais espoir qu'elle revienne. Plus je craignais qu'il lui arrive quelque chose. J'ai même appelé son frère pour savoir si elle était rentrée chez elle. Je me souviens de ce soir-là comme si c'était hier. J'étais si dépassé que j'aurais pu faire n'importe quoi. Pourvu que cela puisse me rassurer de la sécurité de ma femme.

***Flashback***

- Que se passe-t-il Aleksandar ? Je vois que tu es tellement à ton aise maintenant que tu te permets de m'appeler à pas d'heures.

- Bonsoir Curtis ! Lindsay est avec toi ?

- Avec moi ? Comment ça ? Je ne suis pas à Manchester.

- Je sais. Je demandais juste si elle était avec toi à Londres. Ou peut-être avec Victoria. Elle ne t'a pas appelé ?

- Pourquoi serait-elle avec nous à Londres ? Elle t'aurait mis au courant si elle devait quitter la ville. Elle est sous ta responsabilité à Manchester Ghost. On s'est entendu sur ça, je crois. Qu'est-ce que tu me chantes maintenant ?

- Oui. Mais...

- Mais quoi ? Qu'est-il arrivé à ma sœur Ghost ? Pourquoi serait-elle partie de chez toi sans te dire où elle allait ?

- Bien. Il ne lui est rien arrivé. J'ai juste cru qu'elle était avec toi.

- Si tu crois qu'elle est avec moi, cela prouve que tu n'as aucune idée d'où elle peut se trouver à l'heure-là.

- ...

- Ma sœur est-elle en danger ?

- ...

- T'es-tu rendu compte de l'heure ? Il est 23 heures Aleksandar. Où est passé ma sœur Dieu du ciel ?

- Je te rappelle.

Je me rappelle que ce jour-là, après avoir raccroché, j'avais saccagé le bureau tant j'étais fou de rage. J'avais fini par m'endormir par terre comme un sdf. Ce fut là le début d'une longue série cauchemardesque. Tout s'empirait. Mais en vrai, la descente aux enfers a commencé quand, des jours plus tard, Curtis m'appelle pour me proposer son aide pour chercher Lindsay.

En voyant son appel, j'ai d'abord pensé que ma femme avait été trouvée refuge dans sa famille. Ce qui m'avait ramené le sourire. Car, une guerre avec Curtis était de loin le pire scénario à mon avis. Le pire serait de me réveiller un beau jour et recevoir ma femme, mais en morceau. Alors, oui, j'étais heureux. Ce qui n'a pas duré car, le temps que je pose la question, il m'avait déjà exposé les raisons de son appel.

Dans l'après-midi, il avait effectué le déplacement avec quelques-uns de ses hommes pour continuer les recherches. Cela n'avait rien donné. Il a donc commencé à me questionner sur les circonstances de départ de ma femme de la maison.

- Que s'est-il passé ? Kimie n'est pas du genre à faire des caprices. Vous vous êtes disputés ? Vous avez des soucis ? C'est encore dû aux mêmes problèmes que je connais ?

- Bien sûr qu'on a nos problèmes. Comme c'est le cas de plein de couple Curtis. On n'est pas bien différent d'eux.

- Est ce que tu trompes ma sœur Ghost ?

- J'aime Lindsay. Et ceci, en dépit du fait que ce soit ta sœur, Curtis. Je peux au moins te le dire que jamais, au grand jamais je n'aurais échangé ma femme pour quelqu'un d'autre. Je ne vois pas une autre femme.

- Tu lui as levé la main dessus ?

Silence. Un blanc trop long.

- Non, repondis-je

- C'est bizarre. Et si quelqu'un lui avait dit des choses ? Elle a tout de même emmené le bébé avec elle, hein. Ce n'est pas anodin.

- Je ne sais pas.

Je ferme machinalement les yeux.

- Je n'en sais rien. Elle est partie avec mon bébé. Et je ne sais plus où chercher.

- Non, mais c'est incompréhensible. Tu veux dire que même avec Isidora il n'y a rien ?

- Isidora ne m'intéresse pas.

On a passé le temps à la chercher partout, appeler quelques-uns de ses connaissances qui auraient pu lui donner refuge. Tout s'est soldé par un échec. Malheureusement, il fallait que Curtis aille s'occuper de ses affaires à Londres. On a donc conclu que l'on allait continuer chacun de son côté.

Un mois plus tard

- J'ai du nouveau boss. Je suis à la maison sous peu.

Tous les jours se ressemblent depuis le départ de ma femme. J'avais missionné Zayn exclusivement pour chercher des informations la concernant. Un mois de plus venait de s'ajouter à sa disparition de la maison. A chaque jour qui passe, je me disais que peut être elle allait revenir d'elle même quand elle aura réfléchi. Malheureusement, cela n'a jamais été le cas. Alors, quand Zayn a annoncé avoir des nouvelles d'elle, j'ai reçu cela comme une libération quoique je savais que ce n'était pas tout le cas. J'ai cru revivre.

- Tu es où ? dis-je impatient.

- Au club.

- D'accord. Dépêche-toi.

Moins d'une demi-heure s'est écoulée et Zayn était déjà à mon bureau.

- Dis-moi ce que tu as trouvé sur elle.

- Ce n'est pas grand-chose. Mais cela pourrait aider. Et de ce que j'ai eu comme information, personne n'a tenté de l'agresser... jusqu'à date.

- C'est quand même une bonne nouvelle. Et après, tu sais où elle est en ce moment ?

- Pas vraiment. Juste que j'ai appris que madame continue à gérer les affaires urgentes de l'agence à distance. J'ai pu avoir son nouveau numéro. Je suppose vu l'area code qu'elle se trouve à Paris. Même si... je ne sais pas...

- Vas y donne, je m'empresse de lui ordonner. Je vais appeler directement. Et on sera fixé.

Zayn me tend une feuille où est écrit le numéro de téléphone.

- Je disais tout à l'heure que je n'ai pas encore réussi à la localiser.

- Ce n'est pas grave. On a au moins quelque chose. On va donc l'utiliser.

La manière dont j'étais euphorique a dû sûrement interpeller Zayn. Mais moi je n'en avais rien à foutre qu'il remarque ma vulnérabilité. Que tout le monde dise que ma femme c'est mon talon d'Achille ne me dérangeait en rien si seulement elle revenait. J'aime ma femme. Et alors ? Cela ne m'empêche en rien dans mes prises de décisions. J'ai déconné et je le sais. Je suis prêt à faire n'importe quoi pour me faire pardonner. La famille c'est tout ce qui compte.

J'appréhendais sa réaction, mais je ne m'attendais du tout pas à ce qui allait suivre. Elle avait à peine capté ma voix qu'elle avait déjà raccroché le téléphone. J'ai dû l'effrayer peut-être. Cela me déchire le cœur d'autant plus que je sais que tout ceci est ma faute. J'ai tout envoyé valser de ce qui était sur mon bureau avec rage. Zayn me regardait faire sans prononcer le moindre mot. C'est encore à recommencer. J'en suis sûr. C'est ce qu'elle fait d'ailleurs à chaque fois que je réussis à la localiser. Pourquoi serait ce différent cette fois ci ? Elle partira encore.

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