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Jusqu'à ce que tu me voies

Manchester, Angleterre

Léna Land

Une fois de plus, je ne comprends pas la réaction de Liam. Il est parti du bureau ce matin tout joyeux. Pourtant il est revenu ici cet après-midi tellement énervé. J'avais l'impression qu'il allait tout rabrouer sur son passage tellement il était furieux. A se demander ce qui a bien pu lui arriver entre temps.

Le son retentissant que fit sa porte lorsqu'elle a claqué me fit sursauter. Peu confiante, je me rapproche tout de même et je vais toquer à sa porte afin de savoir de quoi il en retourne.

- Qui que vous soyez, je ne suis disponible pour personne. Alors déblayez.

- Li c'est moi. Ouvre s'il te plaît, dis-je hésitante. Tu m'inquiète. J'ai besoin de savoir ce que tu as.

- Quelle partie dans je ne veux voir personne n'as-tu pas compris ? Tu te crois être qui ? Crois-tu que tu mériterais un traitement spécial de ma part ? Tu n'es pas ma copine que je sache.

- Euh... je...

- Je répète. Je ne veux voir personne. Peu importe si c'est toi ou le pape en personne. Je ne me répéterai pas.

Derrière la porte, j'entends du bruit. J'imagine qu'il est en train de tout caser à l'intérieur. Rien de ce que je pourrais dire où faire ne lui fera changer d'avis. Des épisodes où il a été autant remonté, j'en ai l'habitude. Je me pose les fesses par terre derrière sa porte. Poussée par je ne sais qu'elle force, je me remets à taper encore à la porte.

- Je ne bouge pas tant que tu ne m'auras ouvert la porte, affirmé-je décidée. Quelque chose ne va pas de ton côté. Je le sais. Je veux que tu saches que tu n'as pas à vivre tout ça seul dans ton coin. Je suis là pour toi. Parle-moi.

Il ne me considère même pas et reste enfermé. De mon côté, je ne perds pas espoir. James et Maxime se moquent de moi. Tous leur commentaire me glisse sur le corps. Celui qui m'inquiète c'est Liam. En dehors des sentiments que je ressens pour lui, je sais que c'est un bon type. Le genre sur qui on peut compter dans la galère. Il a certes un mauvais caractère. Mais il a toujours été là pour moi quand j'en avais besoin. Rien que pour ça, même si je le voulais, je ne pourrais pas le lâcher.

Je ne frappe plus à la porte, je reste juste assise à la même place en priant que le chef ne vient pas à cette heure. Dans ce contexte, je ne pourrais pas protéger ses arrières. Il m'a fallu attendre plus d'une heure avant de ressentir du mouvement derrière la porte. Comme ce dernier s'ouvre en dedans, je n'ai pas à craindre de recevoir la porte en plein visage.

- Viens avec moi. Je ne tiens pas à rester là.

Ce sont là les seules paroles prononcées par Liam depuis le moment où il a ouvert la porte, en passant par le parking prendre sa voiture et s'en allant jusque chez lui. Et moi de mon côté, je n'ai fait que le suivre. S'il décide de s'ouvrir et me raconter je serai prête. Ce sera sans lui mettre la pression.

Voyez-vous, certains hommes arrivent dans votre vie et vous accompagnent avec un enthousiasme qui vous rend si heureuse que vous avez l'impression de toucher les étoiles avec vos doigts. Alors que d'autres vous auraient blessée voir anéantie, vous découvrez un homme sans mauvaises intentions, un homme qui vous fait comprendre combien vous êtes belle et désirable, qui fait honneur à votre intelligence si typiquement féminine et vous embarque dans ses folies en toute sérénité. Pour moi, Liam est ce genre-là. Il faut juste qu'il en prenne conscience. Pour l'heure, il est juste resté bloquer sur son ancienne relation avec son ex décédée. Quand il aura réussi à surpasser cela, tout sera plus facile.

Je serai patiente et je veux qu'il sache que je n'irai nulle part. Mon homme c'est lui. Je n'ai pas l'intention d'aller chercher mon bonheur ailleurs. Pour le moment j'accepte bien ce qu'il se sent prêt à m'offrir. Mais, j'aimerais vraiment qu'il se lâche avec moi. Qu'il me montre ses blessures les plus profondes, ses souvenirs enfouis, les secrets dont il a honte de partager avec d'autres. J'aimerais que si cela devrait se présenter qu'il ne craindra pas de pleurer en ma présence. Pour lui, je veux être tout.

Cette histoire l'a bien brisé par le passé. Je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe pour l'heure. Mais je pourrais parier que ce qui le tracasse pour le moment à quelque chose à y voir. Qu'il m'en parle pour se soulager. Je pourrais l'entendre me parler de tout et de n'importe quoi si ça pouvait l'aider. Tout ce qui compte pour moi c'est lui.

Je pourrais surement paraître opportuniste vu qu'il est au plus bas. En vrai c'est maintenant ou jamais. Moi-même je sais que je ne vais pas profiter de lui. Si je peux profiter de ce moment pour mettre les bases.

A peine qu'on est rentré chez lui qu'il saisit mes lèvres dans une danse endiablée. On se tripotait tout en se frayant un chemin vers sa chambre. La douceur avec laquelle sa main me caressait partout le corps, m'a fait perdre la tête en moins de deux. Entre deux gémissements, des ribambelles de mots prononcés sans prêter attention au fait que cela ait du sens, j'ai vécu ce moment à fond.

- J'adore. C'est trop bon, je gémis.

Portant une main à mon cou, il me fait tourner brusquement. Je me retrouve dos à lui. Liam était en train de changer la cadence.

- Ne dis rien.

Il bouge en moi.

- Je ne veux entendre le moindre bruit autre que tes gémissements.

Je me lâche et gémit.

- Je veux te voir jouir. Jouis pour moi Léna.

Sa voix grave sonnait comme s'il me donnait un ordre. Les minutes qui ont suivies, c'est ensemble que l'on a atteint le sommet lui et moi. Quinze minutes plus tard la machine était en marche. On enchaînait les rounds dans un silence suprême. Il n'y avait que le grincement des pieds du lit contre le sol dans la pièce. Quand après un énième round on s'écroule d'épuisement sur le lit, je tirais le drap pour me couvrir de la hanche jusqu'aux pieds ou inversement... qu'importe.

Il quitte le lit sous mes yeux déçus pour aller sous la douche. J'espérais au moins qu'il m'embrasse avant de penser à se nettoyer. Mais là, il me donne l'impression que je suis puant comme de la merde. Tout ça se passe sans que je ne dise rien. Même si en mon for intérieur je suis tiraillée entre la rage et la déception.

J'attends qu'il termine avant de le remplacer sous la douche. Des vingtaines de de minutes que j'ai passé à l'intérieur, le duel dans ma tête était de taille. Malgré tout, à force de marchandage j'ai trouvé une entente. Liam est très maladroit. Mais ce n'est pas le moment. Alors, je reviens le trouver.

- Tu m'expliques ce qui s'est passé au cours de la matinée qui te dérange autant ?

- Je viens d'apprendre des choses sur Maria qui me laissent sans voix.

- Des choses ! Mais quelles choses pour te mettre dans cet état après tout ce temps ?

- Sur sa mort. Sur la possibilité qu'elle m'ait pris pour un con.

- O-kay ! fis-je pendue à ses lèvres.

Il me livre un bref résumé de la situation. Je ne suis pas étonnée pour autant. Il n'y a que Liam qui fermait les yeux sur les déboires de la demoiselle. A chaque fois que je partageais mes doutes avec lui, il m'a toujours vu comme une rageuse.

- Eh bien ! Franchement, je ne m'attendais pas à de telles révélations.

Je prétends être choquée.

- Es-tu sûr qu'il n'a pas inventé tout ça ? Rien ne dit qu'il ne cherchait pas à te faire enrager. Si tel a été son but, on peut dire qu'il a réussi.

- Je ne crois pas, non. Aleksandar ne s'abaissera pas à un tel jeu. Au final, j'ai donc compris que ma fiancée, celle que j'adulais, était une vraie pétasse qui ne respectait pas tout l'amour et le respect que je pouvais lui offrir. Et si elle est morte c'est parce qu'elle était au mauvais endroit, au mauvais moment. Mais aussi pour avoir fréquenté les mauvaises personnes.

- Mouais... Mais toi avances. Tout ceci devrait être pour toi un moteur. Tourne la page Li. Toi-même tu as compris qu'elle ne te méritait pas.

- Hmmmmmm !

Son regard, fixe, semblait perdu quelque part entre les plis du drap. Je le regardais, assise en tailleur au bord du lit, mes bras entourant mes jambes.

- Tu sais... on croit souvent qu'en aimant quelqu'un très fort, ça suffira à l'empêcher de partir, ou de faire des conneries. Mais l'amour, ça n'empêche pas les gens d'avoir des failles. Ça les rend juste plus humains... et plus douloureux à perdre.

Il tourna lentement la tête vers moi. C'était la première fois de la soirée qu'il me regardait vraiment. Comme si, enfin, il me voyait.

- Tu ne mérites pas d'être un refuge pour mes tempêtes, murmura-t-il.

- Peut-être. Mais j'ai toujours préféré être une ancre dans l'œil d'un cyclone qu'une fleur oubliée sur une étagère. Si je suis ici, Liam, ce n'est pas par pitié. C'est parce que j'en ai envie. Parce que c'est toi. Parce que j'y crois, même quand toi tu n'y crois plus.

Il se leva, lentement, puis revint s'asseoir à côté de moi. Son torse nu effleurait mon épaule, et son souffle, encore légèrement hâché, s'accordait au mien dans une étrange mélodie silencieuse.

- Maria n'aurait jamais attendu que je parle. Elle aurait juste claqué la porte. Toi, tu es restée. Même quand je t'ai parlé comme un connard.

Je haussai les épaules, l'air de rien, mais mon cœur battait trop fort.

- J'ai appris à faire la différence entre un homme qui me rejette... et un homme qui souffre.

Il prit ma main.

- Tu crois qu'un jour... j'arriverai à t'aimer comme tu le mérites ? demanda-t-il, presque honteux.

Je posai ma tête contre son épaule.

- Je ne te demande pas de m'aimer comme dans un conte de fées, Liam. Juste d'essayer. Chaque jour. Même un peu. Le reste, je le prendrai comme un miracle.

Un silence plus doux s'installa, tendre, fragile, suspendu comme un souffle dans une cathédrale. Puis, dans un élan inattendu, il se leva, alla jusqu'à sa platine vinyle posée sur une vieille étagère en bois brut, choisit un disque. Quelques secondes plus tard, une vieille chanson aux accents de jazz et de pluie se mit à tourner. Il revint vers moi, tendit la main.

- Danse avec moi.

Je ris doucement, surprise.

- Mais, tu es nu.

Il sourit.

- Je suis né nu, ça ne m'a pas empêché de vivre.

J'attrapai sa main, et dans ce salon un peu sombre, au milieu des souvenirs brisés et des draps encore chauds, on a dansé. Peaux contre peaux, cœurs en cavale, âmes abîmées qui cherchaient un peu de lumière. On ne parlait plus. On respirait. Ensemble. Et dans cette danse lente, bancale et sincère, j'ai compris quelque chose de profond : parfois, il ne faut pas attendre que l'autre soit prêt. Il faut juste être là, quand il s'effondre. Lui apprendre qu'il peut tomber sans être seul.

La nuit se passe dans cette même ambiance. Et lorsque mes paupières se soulevèrent, le jour avait déjà repris sa place. La lumière s'infiltrait à travers les rideaux entrouverts, caressant la peau de Liam encore endormi à mes côtés. Il avait le visage détendu, enfin. Comme si, pendant quelques heures, le monde avait cessé de le tourmenter. Sa main reposait contre mon ventre, son souffle chaud effleurait la courbe de mon cou. Ce contact simple, presque enfantin, me serra le cœur. Je ne voulais pas bouger. Pas gâcher ça. Ce moment suspendu, fragile, où il était à moi sans résistance.

Mais il ouvrit les yeux. Lentement. Il sembla d'abord perdu, puis son regard se posa sur moi. Et il ne détourna pas les yeux.

- Tu n'as pas trop dormi, murmura-t-il, la voix encore rugueuse.

- Si, un peu. Mais, j'ai surtout regardé ton visage. Je voulais l'imprimer quelque part en moi, pendant qu'il était en paix.

Il esquissa un sourire, tendre.

- Tu parles comme si tu allais partir.

Je secouai la tête, puis caressai du bout des doigts la cicatrice à peine visible près de sa clavicule. Une trace de son passé. Il n'en avait jamais parlé.

- Je suis là. Mais je ne veux pas juste être une escale. Si je reste, c'est pour construire quelque chose. Même sur des ruines.

Il se redressa un peu, s'adossant à la tête de lit. Son regard s'était assombri à nouveau, mais pas par colère. Plutôt une peur confuse, presque enfantine.

- Je n'ai pas appris à aimer... sans m'accrocher à la peur que tout s'écroule.

Je me redressai à mon tour. Et cette fois, c'est moi qui pris sa main.

- Alors apprends. Avec moi. A ton rythme. Mais n'essaie pas de me repousser avant même d'avoir essayé. Ne détruis pas ce qu'on n'a pas encore vécu.

Ses yeux cherchaient les miens, à la fois perdus et emplis d'une douleur qu'il n'arrivait pas à formuler. Pourtant, je savais que c'était là, enfoui sous cette carapace de silence qu'il s'était forgée pour se protéger.

- Je suis fatigué, Lena. Fatigué de lutter contre moi-même. Contre ce que je ressens. Mais parfois, c'est plus facile de fuir que d'affronter tout ça.

Je serrai sa main un peu plus fort, cherchant à lui transmettre ma certitude, ma présence, quelque chose qui puisse briser ce coute qui le consume.

- Tu n'as pas à tout affronter tout seul. Pas si tu choisis de me laisser entrer. Parce que si tu me laisses, Liam, je serai là. Même quand tu crois que tu vas te noyer.

Il ferma les yeux, une fraction de seconde, comme s'il absorbait mes paroles, puis les rouvrit lentement. Il sembla hésiter encore, cherchant quelque chose dans mon regard.

- Et si tout ça ne me suffisait pas ? Si je ne pouvais pas te donner ce que tu attends de moi ?

Je m'approchai un peu plus, jusqu'à ce que mon front frôle le sien.

- Alors tu m'apprendras à comprendre pourquoi. Mais, Liam, ne laisse pas la peur décider de ce qu'on peut avoir.

- Tu as une façon de voir les choses qui... me perturbe. Mais peut-être que j'ai besoin de ça. Peut-être que j'ai besoin de toi. De ce que tu es. Tu ne sais même pas encore jusqu'où ça peut nous emmener. Mais tu veux bien essayer.

Il m'attira contre lui, ses bras se refermant autour de moi dans un geste protecteur, comme s'il voulait me garder à ses côtés. Et, pour une fois, j'osai croire que peut-être, juste peut-être, il n'allait pas fuir. Pas cette fois.

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