Chapitre 2
**Chapitre 2**
Un filet d’eau glacée dégoulinait le long de sa nuque tandis qu’Arya se rinçait rapidement, espérant chasser les relents de vin qui lui embrumaient encore l’esprit. La soirée avait été trop arrosée, elle le savait. Mais ce n’était rien comparé au tumulte intérieur qui grondait en elle.
Elle avait encore du mal à accepter ce que Rita attendait d’elle. Pourtant, cette dernière n’avait pas tardé à agir, comme pour signifier que l’affaire était déjà scellée. Une aide précieuse, sans nul doute, mais chargée d’un prix lourd, inavouable.
Arya soupira longuement, le souffle empli d’un mélange d’angoisse et de résignation. Elle aurait pu mettre des années à se frayer un chemin par elle-même, et encore, sans aucune garantie. Débuter sans contact ni soutien dans le monde féroce de l’art et du divertissement tenait de l’utopie. Ce que Rita proposait, en revanche, ouvrait grand les portes — pour peu qu’elle ose les franchir.
Elle avait bien tenté d’obtenir un prêt, mais les banques ne prêtaient qu’aux gens en place. Elle, elle n’avait que ses espoirs pour tout bagage. Un usurier avait bien voulu l’écouter, mais son regard avait glissé sur elle avec une convoitise écoeurante, laissant entendre que l’argent se paierait autrement. Elle avait fui.
En frottant ses dents avec vigueur, Arya croisa son reflet dans la glace. Une jeune femme issue d’un bon milieu, douée, belle, sensée. Elle avait un visage que l’on remarque, une silhouette qui attirait les regards. Mais aujourd’hui, des jeunes femmes comme elle, il y en avait des milliers. Que valait-elle vraiment ? Suffisamment pour séduire un homme comme Ryu Ken ?
Kay, lui, en était convaincu. Elle, elle doutait encore.
Ils se connaissaient depuis presque un an. Une figure incontournable du showbiz, Kay n’avait jamais caché ses préférences pour les hommes, mais il adorait repérer les perles rares. Ils s’étaient rencontrés lors d’un concours de beauté à l’université, où Arya représentait son département. Kay était dans le jury, et dès le premier regard, il avait vu en elle une étoile.
Il n’avait cessé, depuis, de la pousser à entrer dans l’univers du spectacle sous sa houlette. Mais Arya avait refusé, préférant terminer ses études. Leur amitié était née là, au croisement de l’admiration et de la franchise. Kay la trouvait rafraîchissante, sans filtre. Elle, elle se demandait parfois si elle n’avait pas été trop naïve.
Et maintenant, voilà qu’elle devait attirer Ryu Ken. L’homme n’était pas seulement une figure du monde des affaires, il était une légende — glaciale, redoutée, presque mythique.
Arya l’avait vu dans des interviews, et ce qu’elle y avait perçu l’intimidait : une intelligence acérée, un regard implacable, et une cruauté polie qui savait réduire en poussière la réputation de n’importe qui.
Une actrice célèbre en avait fait les frais, ridiculisée publiquement après une question indiscrète d’un journaliste sur leurs fiançailles supposées. La réponse de Ryu, brève et cinglante, avait suffi à ruiner la carrière de la malheureuse. Son mépris avait traversé les écrans.
Comment Arya pourrait-elle approcher un tel homme sans se brûler ?
Alors qu’elle allait se coucher, Kay l’appela pour l’avertir que Ryu se trouvait dans le bar de l’hôtel. En moins de dix minutes, Arya était prête.
Elle n’avait pas pris la peine de s’attarder devant le miroir. Elle enfila une robe chic, sobre et suggestive à la fois, qui mettait en valeur ses courbes et dévoilait juste ce qu’il fallait. Ses jambes nues et fines prenaient appui sur des talons discrets. Une élégance étudiée, calculée.
En arrivant au bar, elle ne s’attarda pas sur les clients. Elle s’approcha du comptoir et commanda un cocktail. Juste de quoi calmer les battements frénétiques de son cœur.
Kay lui avait donné pour seule consigne de rester dans le champ de vision de Ryu. Le reste suivrait. Facile à dire.
Alors qu’elle tournait son verre entre ses doigts, un homme d’âge mûr s’approcha, le pas mal assuré. Il bredouillait quelque chose en japonais. Arya répondit en anglais, poliment d’abord, puis plus sèchement en le voyant insister.
Il s’approcha encore, tenta de lui attraper le bras.
« Hé ! Tu me touches encore une fois et je crie ! » lança-t-elle avec fermeté. Puis, s’adressant au barman : « Pouvez-vous appeler quelqu’un ? Ce type est insistant ! »
L’homme, visiblement ivre, marmonnait toujours dans sa langue, les yeux injectés de sang. Il leva la main.
Mais le coup ne l’atteignit jamais.
Un corps mince et droit s’interposa entre Arya et l’agresseur. Le bras du client s’écrasa contre le dos du nouvel arrivant, qui ne broncha pas. Arya leva les yeux, stupéfaite. Ryu.
Il lui lança un regard chargé d’un mépris glacé.
« Tu attends toujours qu’on vienne te secourir ? Tu ne sais pas esquiver ? » murmura-t-il, l’ironie acérée.
Arya, saisie, ne trouva rien d’autre à dire que : « Merci. »
Déjà, les agents de sécurité entraient dans la pièce. Ryu discutait brièvement avec eux. Elle le regardait, encore sous le choc. L’odeur subtile de son parfum flottait dans l’air. Elle secoua la tête, agacée par sa propre pensée.
*Il était à plusieurs mètres, bon sang ! Tu t’inventes des sensations, Arya !*
Soudain, elle sentit un poids léger sur ses épaules nues.
« Ils ont besoin de ta version des faits », dit-il, en la recouvrant de sa veste.
Elle acquiesça sans un mot. La veste sentait bon. Le tissu, chaud contre sa peau fraîche.
Il la guida vers les agents, la main posée délicatement sur son épaule.
Et dans ce bref contact, Arya se surprit à penser qu’il n’était peut-être pas aussi effrayant qu’on le disait.
