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CHAPITRE .07

Je profite de ma première journée de vacances pour faire la grasse matinée. Quand je me lève aux alentours de midi, Lola dort toujours. Je sors de la chambre sur la pointe des pieds pour ne pas la réveiller et rejoins mes parents dans la cuisine. Comme d'habitude, ils se sont réveillés extrêmement tôt et ont même eu le temps d'aller courir. Ils préparent actuellement le déjeuner, à mon plus grand bonheur.

Cet après-midi le groupe se réunit pour parler de Laura et Louis, la principale question étant : pourquoi n'ont-ils pas de pouvoirs ?

En réalité, le raisonnement le plus logique serait de se demander pourquoi nous, les autres, avons des pouvoirs. Cependant, cette situation étant parfaitement illogique, j'ai décrété que le raisonnement devait l'être aussi.

Alors que je me sers une tasse de thé pour bien me réveiller, Lola sort de la chambre en traînant des pieds.

-Bien dormi ? Je lance.

-Super ! T'as vu ce temps pourri ?

Effectivement, il pleut à torrent. Nous avons rendez-vous au parc cette après-midi, c'est un peu plus loin que l'école et nous avions malheureusement prévu d'y aller à pied.

-D'ailleurs, reprend Lola, je vais chez le coiffeur avant d'aller au parc donc il faudra que tu te débrouilles pour rejoindre les autres seule, désolée !

Je n'ai pas le temps de répondre, mes parents appellent à table. Un soupir de contentement m'échappe en remarquant le plat de lasagnes maisons posé sur la table.

Le déjeuner se passe sans encombre mais je dois me rendre à l'évidence : je n'ose plus toucher mes parents ou mon frère depuis l'incident d'hier. Quand mon père me demande de lui passer le sel, je fais bien attention à ne pas frôler sa main. Ce n'est pas une vie d'être toujours sur ses gardes, c'est un travail de tous les instants.

Après le repas, Julien emmène Lola en voiture chez le coiffeur et part chez un ami tandis que mes parents vont au cinéma. Cela fait une éternité que je n'ai pas eu la maison pour moi toute seule. J'en profite pour mettre de la musique et je n'hésite pas à chanter tout en me préparant.

-If you wanna be my loveeeeeeer, you gotta get with my friiiends

Le temps d'un instant je retrouve mon insouciance perdue. Emportée par les Spice Girls, je ne pense même pas à prendre un pull avant de claquer la porte et m'élancer dans la rue, en jean et t-shirt blanc.

Erreur de débutante. Cinq minutes plus tard je comprends ma bêtise lorsque mon t-shirt blanc devient transparent, laissant peu de place à l'imagination concernant mes sous-vêtements.

Lorsque l'averse se transforme en tempête je me réfugie sous un auvent. Tant pis pour la ponctualité ! Je cherche mes clés avec l'idée de faire demi-tour pour attraper un pull chez moi. Evidemment, j'ai également oublié mes clés. Maintenant que la porte a simplement besoin d'être claquée pour fermer, j'oublie toujours qu'elle ne s'ouvrira pas toute seule.

Décidée à retrouver mes amis le plus vite possible pour leur voler un pull, je repars et marche d'un rythme rapide.

-Montez !

Une voiture noire roule à faible allure à côté de moi, je ne l'avais même pas remarquée sous cette pluie battante. Je fronce les sourcils, je n'arrive pas à voir qui est le conducteur.

« Ne monte jamais dans la voiture d'un inconnu », je me souviens avoir dit maintes et maintes fois à ma petite sœur. Troublée je me rapproche quand même un peu, au cas où cette personne soit une connaissance.

-Mademoiselle Lemans, montez ! Vous êtes folle de rester sous cette pluie !

Je manque de m'étouffer en reconnaissant la voix de M. Lems, mon professeur d'anglais. La situation est digne d'un mauvais scénario et pendant cinq bonnes secondes je me demande quoi faire. J'ai froid et je risque certainement de tomber malade si je reste dehors. Mais monter dans cet état dans la voiture de mon professeur ne me semble pas être la meilleure des idées.

Tant pis, je rentre dans la voiture. Alors même que je claque la portière, je regrette mon choix. Le fait qu'il soit mon professeur ne garantit en rien de bonnes intentions. Je me force à respirer calmement ce qui, de toute évidence, n'échappe pas à la personne à côté de moi :

-Tout va bien ?

-Oui oui, je marmonne en évitant son regard.

M. Lems n'a pas l'air d'être un psychopathe et je ne risque peut être pas ma vie. Cette inquiétude étant calmée, je prends pleinement conscience du fait que je sois dans la voiture de mon professeur, avec un t-shirt devenu transparent. Tout à coup, je me sens extrêmement gênée.

-Je peux vous déposer quelque part ?

-Euh... au p-parc... Je balbutie en tremblant à cause du froid.

Je me maudis mentalement ; il doit me prendre pour une gamine malpolie.

-Très bien, prenez ca, ajoute-t-il en me tendant une couverture d'un air assuré.

Pourquoi a-t-il une couverture dans sa voiture ? En fin de compte ça m'est égal, peu importe, je prends la couverture et la mets sur mes épaules. Quelques minutes plus tard, je ne grelotte plus.

Un silence pesant s'installe, durant lequel mon embarras augmente encore. Je me souviens alors avoir croisé M. Lems le soir où j'ai essayé de fuir la soirée de Thomas. Décidément, il est toujours là au bon moment, je pense ironiquement.

J'essaie de rattraper mon impolitesse :

-Je suis désolée, j'aurais pu continuer à pied..., je dis sans grande conviction.

Honnêtement, c'est un échec total : il est évident que je n'en crois pas un mot.

-C'est sur mon chemin ne vous en faites pas.

Étonnamment je ne donne à M. Lems que quelques années de plus que moi, l'entendre me vouvoyer est donc extrêmement perturbant. Pendant un instant, je m'imagine lui proposer de me tutoyer. Fort heureusement ma conscience me rappelle juste à temps que M. Lems est mon professeur.

Quand je suis certaine qu'il est bien concentré sur la route, je lui jette un regard. Il a l'air serein et beaucoup moins gêné que moi. Ses yeux verts fixent la route avec attention et tout à coup, je me sens très en sécurité dans la voiture, comme si rien ne pouvait m'arriver.

Alors que mes pensées étaient en train de dériver, mon téléphone sonne.

-Excusez moi, c'est ma mère, je peux répondre ? Je demande.

-Evidemment ! Et arrête de t'excuser tout le temps !

Serait-ce la fin du vouvoiement ? Je fronce les sourcils tout en décrochant, il a lu dans mes pensées ou quoi ?

-Allô ma chérie ? Crie ma mère dans le téléphone.

-Oui ?

-On rentrera tard ce soir, Julien aussi, tu pourras te débrouiller seule avec Lola pour dîner ?

-Oui maman, je réponds simplement.

-Parfait ma puce, bisous !

Et elle raccroche. Je rougis en remarquant mon professeur qui sourit, amusé.

-Tout va bien ? me demande-t-il.

-Oui, oui ! C'est là, je lui indique voyant qu'il allait prendre la mauvaise rue.

Bon d'accord, c'était aussi pour changer de sujet je l'avoue. Je n'ai pas particulièrement envie de parler de ma famille à mon professeur d'anglais.

- Oh excuse-moi, je n'habite ici que depuis quelques mois et il m'arrive encore de me perdre, dit-il rieur.

Je déglutis, c'est officiel : le vouvoiement est mort. Par mégarde mon regard croise le sien et je sens mes joues s'enflammer. Bon, il est clairement temps de quitter cette voiture. Heureusement, nous arrivons au parc quelques instants plus tard.

-Merci beaucoup, je dis en refermant la portière derrière moi.

Un peu déboussolée, je vais rejoindre Laura qui peine à contenir un fou rire.

-Pas de commentaire s'il te plait, je la devance.

Elle éclate de rire mais ne dit rien, ce dont je lui suis reconnaissante. Moi-même, je n'ai aucune idée de ce qui vient de se passer alors je ne vois pas comment je pourrais lui expliquer.

-Où sont les autres ? Je demande.

-Aucune idée, je vais essayer d'appeler Louis.

On marche en direction du centre du parc, abritées sous le parapluie de Laura.

-Mais tu n'es pas arrivée avec lui ?

- Non, il était chez Jer'. C'est bizarre, je n'arrive pas à le joindre.

-Continuons de marcher ! Le parc n'est pas bien grand, on va forcément les croiser, je propose.

-Louis ? Chuchote Laura tout à coup.

Je me tourne vers mon amie, interloquée. Elle a le regard perdu et je la vois enrouler machinalement une mèche de ses cheveux blonds autour de son doigt.

-Louis ? Elle répète plus fort.

Je fais un tour sur moi-même, mais à qui elle parle ? Le parc parait dénué de toute présence humaine. La pluie est assourdissante, je suis bien contente d'être réfugiée sous le parapluie de Laura.

-Laura, qu'est ce qu'il se passe ? Je demande

-D'accord, on vous rejoint, continue Laura en m'ignorant superbement.

J'ai beau regarder attentivement, je ne vois ni téléphone, ni oreillette, ni talky-walky. Soudain, elle se tourne vers moi.

-C'est dingue !

-Tu m'expliques oui ou non ? Je demande un peu trop brusquement.

Je déteste ne pas comprendre.

-Louis et moi pouvons parler par télépathie ! C'est incroyable, je l'entendais directement dans ma tête, comme s'il était à côté de moi. Tu réalises, je suis comme vous, moi aussi j'ai acquis un pouvoir !

Son soulagement est palpable, j'en suis presque mal à l'aise : j'aurais du remarquer que ça la rendait si malheureuse de ne pas avoir de don surnaturel. Don surnaturel... Alors ça y est, j'ai donné un nom à ce qui nous arrive ? J'en frissonne, il m'arrive encore de me demander si tout cela est réel.

Laura est littéralement hystérique et saute partout comme une enfant de dix ans. Et puis, tout à coup, je la vois courir et s'éloigner de moi. Je soupire, c'est elle qui a le parapluie.

-Laura, attends ! Je crie en courant derrière elle.

Evidemment, elle ne m'attend pas du tout. Quand je la vois fermer le parapluie pour aller plus vite je panique, on ne voit rien sous cette pluie, je vais forcément la perdre ! J'accélère le rythme et la retrouve quelques instants plus tard, entourée du groupe, calé sous un arbre à l'abri de la pluie. J'ai besoin de quelques secondes pour calmer ma respiration avant de dire bonjour aux autres.

-Eh bien Malou, tu as fait un marathon ou quoi ? Me taquine Maxime, totalement conscient du fait que je n'ai couru que 500m.

Je lui lance un regard noir et ne prends pas la peine de répondre à cette attaque ouvertement provocante. J'aurais peut-être eu l'air plus autoritaire et crédible si je n'étais pas trempée et que mes cheveux ne dégoulinaient pas sur mon visage.

-Louis vous a dit ? On a un super pouvoir !

Laura continue à crier et à s'agiter, elle va finir par me donner mal à la tête.

-Chuuut, réagissent tout de suite Maelys et Jeremy, de peur que quelqu'un nous entende.

Pas de risque, nous sommes les seuls débiles à se donner rendez-vous au parc par un temps pareil.

-On est au courant oui, répond Jeremy. D'ailleurs on est au parc, ça tombe bien, non ?

Il ne peut pas s'empêcher de souligner son jeu de mots en imitant un coureur au ralenti qui, je l'avoue est plutôt réussi. Lola profite de ce moment de flottement pour prendre la parole ;

-J'ai un problème...

-Qu'est ce qu'il se passe ? demande Maxime.

-Quand je suis énervée j'ai tendance à utiliser mon pouvoir sans faire exprès.

-Moi aussi ! Crie Jo, tout d'un coup très intéressée.

Il est clair que nous allons devoir être constamment sur nos gardes si nous voulons éviter une vraie catastrophe. Lorsque Jo évoque une tempête qu'elle a potentiellement crée, nous réalisons que nos dons surnaturels sont d'une puissance effrayante. Un manque d'attention de notre part pourrait s'avérer fatal.

Comme l'objectif premier de cette rencontre, Laura et Louis, est réglé, notre conversation dérive rapidement. Toujours à l'abri de la pluie, nous parlons de tout et de rien et Laura, qui est décidément très en forme aujourd'hui, n'hésite pas à dire à toute la bande que je suis allée dans la voiture de notre professeur d'anglais.

-QUOI ? Hurle Maelys dans mon oreille, sans aucun respect pour mon tympan droit.

Je grimace. La devise de Kirikou, petit mais puissant, lui irait parfaitement. Pour ma part, j'essaie d'ignorer le sourire débile qui s'installe sur mes lèvres. Je ne contrôle plus rien, c'est agaçant.

-Ce n'est pas de ma faute, j'étais trempée et j'avais froid, je me justifie.

-Marine ! Tu te fiches de moi j'espère? Tu sais que c'est un professeur, tu sais ce qu'il risque si quelqu'un considère que c'est un abus de pouvoir ?

-Ah, parce que me sauver d'une mort particulièrement désagréable pourrait être considéré comme un abus de pouvoir ?

Non, je n'abuse pas du tout. Maelys me jette un regard noir tout en attachant ses longs cheveux noirs. Elle ne répond pas directement alors je saute sur l'occasion :

-D'ailleurs, tu étais avec mon frère hier ? Je change de sujet.

Pas de réponse, Maelys est nettement moins à l'aise.

-Maelys ? Renchérit Jeremy, toujours présent quand il s'agit de potins.

-Oui bon c'est vrai, avoue Maelys en baissant les yeux.

-Il est majeur, il peut aller en prison ! Je lui rappelle, un peu angoissée.

- Aucun risque : nous ne sommes pas ensemble, il ne s'est rien passé, elle m'assure. Et puis, vu ce que Laura vient de nous apprendre, je te trouve un peu mal placée pour donner des leçons.

-Je n'ai absolument pas donné rendez-vous avec M. Lems et je ne l'ai absolument pas embrassé. Ne compare pas deux choses tout à fait différentes s'il te plait, je réponds.

-Effectivement, tu as préféré débarquer dans sa voiture, trempée, avec un t-shirt qui te colle bien à la peau !

Le ton monte et je sais pertinemment que c'est de ma faute. Je déteste me disputer avec les gens que j'aime alors j'essaie de me rattraper :

-Ecoute, je suis désolée. Ton éventuelle histoire avec mon frère ne me concerne pas, je ne reviendrai plus sur le sujet.

Maelys semble se calmer et très rapidement, elle s'excuse à son tour en reconnaissant que cela ne me ressemblerait pas de draguer un professeur. Je bénis Jeremy qui change de sujet :

-Vous venez avec qui au bal de l'école ?

-Quel bal ? Je demande, complètement perdue.

- Tu sais Marine, commence Jo, des fois j'ai l'impression que tu quittes la planète Terre. C'est la troisième année que l'on passe au lycée et tu arrives quand même à oublier le bal d'automne, qui a lieu chaque année pour les Terminales.

Je reste bouche bée ; elle a raison, comment ai-je pu oublier cela ? Je me rappelle maintenant, l'année dernière nous avions toutes eu l'espoir d'être invitée par un Terminale. C'était le seul moyen pour les petites Premières que nous étions d'accéder au fameux bal d'automne. Aucune de nous n'avait été invitée et nous avions passé la soirée à nous consoler devant une comédie romantique, pop corn à l'appui.

-En plus, il va falloir que je trouve un cavalier, je marmonne.

-Qu'on trouve un cavalier ! Me reprend Laura.

-Oui, sauf que je te rappelle que je ne peux pas prendre le risque de danser avec n'importe qui. Imagine que cette personne soit malade et que je la soigne ?

Nous avons une tonne de choses plus préoccupantes à gérer et pourtant, à peine revenu en mémoire, ce bal me tracasse déjà.

-Ce n'est qu'à la rentrée, ne t'en fais pas nous avons le temps, dit Maxime en posant une main sur mon épaule.

Je baisse les yeux, je ne suis pas certaine que notre situation aura beaucoup changé d'ici la rentrée. Et honnêtement, ne pas aller au bal pour cette raison me plomberait le moral.

-Je dois vous laisser, je suis désolée mais ma mère m'attend, nous annonce Jo.

On la salue et chacun finit par se séparer. Louis insiste pour raccompagner Lola alors je décide de les laisser tranquilles et rentre seule à la maison. Au moins il ne pleut plus, c'est déjà ça.

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